L’épargne au pain sec ! Bruno Le Maire annonce une baisse de la rémunération du livret A
Bonne nouvelle pour la Caisse des dépôts, mauvaise pour les petits épargnants : le taux de rémunération du livret A baissera bientôt de 0,75 à 0,5% par an. Le ministre de l’Economie a justifié cette mesure au nom du financement du logement social.
Le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a annoncé mercredi 15 janvier dans une interview accordée au quotidien Le Parisien une baisse du taux de rémunération du livret A à partir du 1er février au niveau plancher de 0,5%.
«Ce chiffre tient compte des taux d'intérêt bas et du niveau de l'inflation», s’est justifié le ministre, précisant que cette rémunération «ne baissera[it] jamais sous le niveau plancher de 0,5%». «Dans six mois, nous verrons s'il faut réviser ce taux», a ajouté Bruno Le Maire, qui a suivi les recommandations du gouverneur de la Banque de France, publiées peu avant.
L’institution est en effet chargée de réaliser le calcul du taux de rémunération des livrets d'épargne réglementée, qu’elle obtient à partir de la moyenne des taux d'intérêt à court terme et de celle de l'inflation sur les six derniers mois. Selon cette méthode, le taux de rémunération de l’épargne déposée sur un livret A devrait même être limité à 0,23%, mais le calcul intègre un taux plancher à 0,5%. Si l’on tient compte de l’inflation, mesurée à 1% en 2019 par l'Insee, ce taux de 0,5% est en réalité négatif de 0,5% (-0,5%).
Dans son interview au Parisien, le ministre a justifié cet abaissement du taux de rémunération de 25 points de base, expliquant qu’il eût été, selon lui, «irresponsable et incohérent» de le maintenir à 0,75% compte tenu de la «politique de diversification des placements» et des «milliers de Français qui attendent un logement social».
Cette dernière remarque renvoie à une des vocations du livret A : le financement de la construction de logements sociaux au travers de la Caisse des dépôts (CDC), qui centralise une partie des dépôts des épargnants. La CDC dispose ainsi de ressources pour octroyer des prêts aux différents acteurs (bailleurs sociaux, PME, collectivités).
55 millions de Français, 258 milliards d'euros de dépôts
Créé en 1818, ce produit d'épargne nominatif et non cumulable est aujourd'hui détenu par 55 millions de Français qui, en 2018, y ont placé ensemble 258 milliards d'euros.
Avec des dépôts plafonnés à 22 950 euros, le livret A fonctionne comme une tirelire censée rapporter légèrement mais sûrement : l'épargnant peut déposer ou retirer son argent à tout moment, tout en voyant ses dépôts rémunérés et ses gains non imposés. Son cousin, le livret de développement durable et solidaire (LDDS), fonctionne de manière similaire avec un plafond de dépôt plus bas, à 12 000 euros.
Mais au moment de la fixation du taux du livret A, les intérêts des épargnants et ceux de la politique publique, voire des banques, divergent. Un taux élevé satisfait les épargnants mais crispe les banques qui rémunèrent les livrets ou les acteurs du logement social, dont les taux d'emprunt sont indexés sur celui du livret. Ainsi, un livret A mieux rémunéré signifie une hausse des taux d'emprunt pour ces derniers.
Aux journalistes du Parisien Aurélie Lebelle et Matthieu Pelloli qui, dans leur interview, faisaient remarquer au ministre de l’Economie et des Finances qu’il aurait pu «maintenir le taux du livret A à 0,75% et faire le choix d'alourdir l'amende des communes qui refusent de construire des logements sociaux», ce dernier a répondu : «Je ne crois pas que la bonne politique soit celle de la contrainte et de la taxation supplémentaire. Ni celle qui prend des décisions de très court terme où l'on veut se draper dans des habits de Robin des Bois alors qu'en réalité on affaiblit l'économie française.»