Réforme de la taxe d’habitation : 9,53 milliards d’euros en moins dans les caisses des communes
Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, la suppression de la taxe d'habitation sonne le glas de l'autonomie de gestion des communes. Et la compensation attendue interroge. Entre les élus locaux et le gouvernement l'heure des clarifications a sonné.
Selon un rapport sénatorial dévoilé par le quotidien Le Parisien, le 20 novembre, la réforme de la taxe d’habitation devrait réduire de 78,7% le nombre de foyers imposables. A terme, en 2020, 22,2 millions de foyers français assujettis aujourd'hui à cet impôt en seront exonérés. Marseille sera le premier perdant avec 81% de foyers exonérés et une baisse de ses recettes de 178 millions d’euros, suivi par Paris avec 56% de foyers exonérés et 151 de recettes fiscales en moins, puis Toulouse (76% - 80 millions d’euros), Lyon (71% -78 millions) et Nice (79% -60 millions). Le coût total pour les finances locales a été chiffré par le rapport du Sénat à 9,53 milliards d’euros, en principe compensés par l’Etat.
La suppression totale de la taxe d’habitation se fera en trois ans, pour les foyers concernés, entre novembre (mois auquel elle est perçue) 2018 et novembre 2020. Dès l’année prochaine elle baissera de 30%, en 2019 de 65% et enfin de 100% en 2020. Pour bénéficier de cette réduction, puis exonération, le revenu fiscal de référence (qui figure sur les avis d’imposition) ne doit pas dépasser 27 000 euros pour une personne seule et 43 000 euros pour un couple. Ce seuil monte à 49 000 euros avec un enfant et jusqu’à 76 000 euros avec trois enfants.
Le gouvernement a annoncé qu’il compenserait le manque à gagner «à l’euro près». Mais il s'engage à le faire dans la limite des taux et abattements en vigueur pour les impositions au niveau de 2017. C’est-à-dire qu’il exclut une revalorisation pour 2018. Enfin, les maires conserveront la possibilité de fixer leur taux, mais cela ne remettra pas en cause les paliers des exonérations. Ainsi, toute augmentation ne sera supportée que par les ménages les plus riches qui continueront à payer la taxe.
Les maires doutent de la compensation «à l'euro près» promise par le gouvernement
Les maires qui se réunissent du 21 au 23 novembre à Paris au parc des expositions de la porte de Versailles sont sceptiques quant au mécanisme de compensation promis par le gouvernement et redoutent que leurs dotations se réduisent sous le coup de correctifs budgétaires en plus de réduire leur autonomie financière. Le président PS de la commission des finances du Sénat, Vincent Eblé, a d’ores et déjà prévenu qu’il ne soutiendrait la suppression de la taxe «que si les règles de compensation sont sérieuses et formelles». Il redoute comme beaucoup que le dispositif qui remplacera la taxe «ne soit raboté au fil des ans comme peau de chagrin».
Le gouvernement sait que sa loi est contraire à la Constitution
Philippe Dallier, sénateur Les Républicains de Seine-Saint-Denis, premier vice-président du Sénat et membre de la commission des finances estime que cette mesure est contraire à la constitution. Interviewé dans les colonnes de l’édition du Parisien parue le 20 novembre il explique : «Le gouvernement sait que sa loi est contraire à la Constitution. Alors il essaye d’expliquer que c’est une mesure transitoire et que d’ici trois ans, la taxe d’habitation aura définitivement disparu. Je doute que le Conseil constitutionnel accepte l’argument.» Il a d’ailleurs annoncé qu’une fois la loi adoptée, il saisirait le Conseil constitutionnel. Mais, selon le quotidien, les équipes du ministère du budget ont déjà soumis le texte au Conseil d’Etat (auquel la Constitution donne le rôle de conseiller du gouvernement) lequel n’aurait pas identifié de problème. Un autre argument : la suppression de la taxe, en rendant les collectivités de facto dépendantes de l’Etat remettrait en cause un autre principe constitutionnel : la libre administration des communes et des intercommunalités.
Un 100e congrès des maires de France qui s'annonce houleux
Le projet de loi de finances sera examiné en séance au Sénat du 23 novembre au 12 décembre, avant un retour devant l’Assemblée nationale en cas de désaccord entre les deux chambres. Mais il s’ajoute à l'objectif de 13 milliards d'euros d'économie imposé aux collectivités sur la durée du quinquennat sous menaces dans certains cas de sanctions financières.
Aussi, le 100e congrès de l’’association présidée par François Baroin (Les Républicains), qui devrait voir défiler les principaux ministres du gouvernement risque d’être un moment de clarification houleux entre les élus locaux et le gouvernement. Pour tenter de désamorcer la crise annoncée, le président Emmanuel Macron va recevoir le 22 novembre 1 500 maires à l’Elysée.
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