Procès du crash d’Air Algérie : la justice européenne freine le procès en France

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a déclaré, le 3 avril, irrecevable une demande transmise par le tribunal correctionnel de Paris relative à l'affaire du crash, en 2014, d'un avion loué par la compagnie Air Algérie auprès de la compagnie espagnole Swiftair. Une décision qui risque de retarder davantage la tenue du procès.
Le 24 juillet 2014, le vol AH5017 d'Air Algérie, reliant Alger à Ouagadougou, s'écrase au nord du Mali. 116 passagers, dont 54 Français, et 6 membres d'équipage y trouvent la mort.
Après des années d'enquêtes et de procédures, le tribunal correctionnel de Paris devait juger, en octobre 2023, pour homicide involontaire, la compagnie espagnole Swiftair. Cette dernière avait loué l'appareil et l'équipage à Air Algérie afin d'assurer la liaison aérienne entre Alger et Ouagadougou.
En juillet 2023, et sur demande de la compagnie espagnole, le tribunal correctionnel de Paris a transmis à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) quatre questions préjudicielles.
Parmi ces questions, celle de l'applicabilité du principe de non bis in idem, qui stipule que nul ne peut être poursuivi ou puni deux fois pour les mêmes faits. En effet, la compagnie Swiftair estimait avoir été jugée en Espagne, où elle avait bénéficié d'un non-lieu à l'issue d'une enquête.
Irrecevable sur la forme
Dans son arrêt, point 32, la CJUE déclare irrecevable la demande de décision préjudicielle dans son ensemble. Cette décision est motivée, comme mentionné dans le point 31, par le fait que «la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées...».
La CJUE conclut que la juridiction de renvoi, le tribunal correctionnel de Paris, «conserve toutefois la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle contenant l’ensemble des éléments permettant à la Cour de statuer».
Un risque de nouveau report du procès
En d'autres termes, la compagnie aérienne espagnole conserve le droit de demander à nouveau au tribunal correctionnel de Paris de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle, ce qui va retarder encore la tenue du procès.
Jointe par l'AFP, l’avocate de la compagnie, Rachel Lindon, a dit regretter cette «non-réponse de la Cour de justice» de l’Union européenne. Quant à savoir si la compagnie entendait soulever de nouveau des questions préjudicielles, elle a jugé qu’il serait «prématuré» d’y répondre.
De son côté, l'avocat des associations AH5017-Ensemble et Fenvac a déclaré que l'arrêt de la CJUE est décevant et qu'il crée une situation qui «risque de retarder une fois de plus la tenue d’un procès».
En 2015, une expertise judiciaire conduite par des experts français a révélé qu'il y avait eu une succession d'erreurs, de maladresses et d'incompétences de la part des pilotes de la compagnie, qui ont conduit au crash.