Coronavirus ? «C'est les Russes» ! Quand l'UE accuse (encore) les médias «pro-Kremlin»

Coronavirus ? «C'est les Russes» ! Quand l'UE accuse (encore) les médias «pro-Kremlin»© LUCAS JACKSON Source: Reuters
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Nouvel épisode dans la saga des vrai-faux complots russes démasqués par les experts de l'UE, les médias russes organiseraient une campagne de désinformation sur le Covid-19 pour saper la confiance du public. Pour les preuves, il faudra attendre.

En matière de vrai-faux complot russe, on avait en tête les élections américaines, la présidentielle française, ou encore les Gilets jaunes. Mais les vrai-faux experts de Bruxelles ont dégoté une nouvelle trouvaille : désormais, les «médias pro-Kremlin» sont dans le viseur de l'Union européenne pour... la diffusion de fausses informations sur le coronavirus. Sans que l'on sache si ce média figure réellement parmi les accusés ou si la cellule européenne en charge de la lutte contre la désinformation ne pouvait résister à venir à la rescousse du téléspectateur égaré, un nom ressort : celui (suspense)... de RT ! Evidemment, il faudra une nouvelle fois croire Bruxelles sur parole, puisque les experts autoproclamés n'ont pas cru bon de joindre des preuves à leurs accusations. Qui est responsable de cette campagne de désinformation ? On ne sait pas exactement. Quelles fausses informations ? Aucune idée. Mais une chose est sûre : c'est les Russes ! 

Les Russes, «pas à l'origine de la désinformation» selon Bruxelles...

Rentrons dans le vif du sujet. «Une campagne de désinformation sur le Covid-19 monte en puissance et sa source est soit en Russie, soit peut être imputée à des entités identifiées comme pro-Kremlin», a accusé le porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell le 18 mars, dans des propos rapportés par l'AFP. De lourdes accusations, donc, également reprises par la diplomatie américaine.

Pourtant, l'unité chargée de lutter contre la «désinformation» du Service Européen pour l'Action Extérieure (SEAE) dit autre chose. Dans un rapport du 18 mars consulté par l'AFP, on peut ainsi lire : «Les media pro-Kremlin ne semblent pas être à l'origine de la désinformation elle-même. Ils ne font qu'amplifier des théories qui ont leur origine ailleurs, par exemple en Chine, en Iran ou au sein de l'extrême droite américaine.»

... mais quand même coupables !

Moscou à l'origine de la désinformation ou relai de celle-ci ? Les experts bruxellois n'ont vraisemblablement pas pris le temps de se mettre d'accord sur les accusations avant de lancer leur énième campagne de désinformation anti-russe. Mais au fond peu importe, tant que la main du Kremlin apparaît en filigrane. 

Et, si Bruxelles semble entretenir une légère obsession envers Moscou, elle ne sous-estime pas son adversaire, allant jusqu'à lui prêter un niveau de machiavélisme particulièrement impressionnant. Aussi, pour le SEAE, le fait que les «médias pro-Kremlin» ne soient pas «à l'origine de la désinformation» leur permettrait justement... de se dédouaner ! «Cette tactique leur permet d'éviter l'accusation de créer eux-mêmes la désinformation, en prétendant au contraire qu'ils ne font que rapporter ce que les autres disent», poursuit le rapport. Habile.

Face à des accusations aussi floues, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov éprouve logiquement toutes les difficultés du monde à se défendre de façon rationnelle. «S'il y avait là-dedans au moins un exemple concret, je pourrais le commenter. Mais il s'agit une nouvelle fois d'accusations gratuites», balaye-t-il le même 18 mars.

Auteur: RT France

RT, trop de succès pour être honnête ?

Echaudé par l'idée de ce nouveau complot russe visant à surfer sur une pandémie sans précédent (à laquelle tous les pays du monde, Russie comprise, sont confrontés), le lecteur s'interroge : à qui profite le crime ? 

Citant le rapport du SEAE, l'AFP tente d'apporter un élément de réponse : «L'unité de lutte contre la désinformation créée au sein du Service Européen pour l'Action Extérieure (SEAE) a pu identifier l'origine de certaines désinformations.
"Sur les médias sociaux, RT Spanish, une chaîne de télévision payante en langue espagnole du réseau RT TV basé à Moscou est la 12e source la plus consultée pour les informations sur le coronavirus", selon un rapport daté du 18 mars dont l'AFP a obtenu copie.»

Problème ? Comme dans tout raisonnement complotiste qui se respecte, l'art de l'amalgame est manié à la perfection (ou presque). RT Spanish est-il nommément accusé d'avoir créé de fausses informations ? De les avoirs relayées ? Lesquelles ? Le lecteur restera sur sa faim, obligé de s'en remettre à la bonne foi présumée des experts anti-russes.

Le SEAE, cité par l'Agence France Presse, en remet une couche dans le domaine de l'opprobre : «"La désinformation représente 7 % des échanges d'informations sur le virus dans les médias sociaux" et RT Spanish a comptabilisé près de 7 millions de partages pour ses informations sur la pandémie entre le 1er janvier et le 12 mars, précise [le rapport].»

C'est une logique implacable : les experts n'en diront pas plus quant au lien entre ces deux informations. Mais là encore, quelle importance de vouloir prouver des faits quand le coupable est connu d'avance ?

Au fond, ce qui est concrètement reproché à RT, c'est d'intéresser une partie importante de citoyens en quête d'information, notamment sur la crise mondiale du coronavirus. Un crime ? Il semblerait que oui, à condition d'être un «média russe».

Un rapport « interne » très... viral

Si comme nous venons de le voir, ce fameux rapport présente de nombreuses failles, cela ne l’a pas empêché de faire immédiatement les gorges chaudes de nombreuses publications occidentales. Qui toutes, disent « en avoir eu connaissance », terme consacré signifiant qu’il s’agit d’une « indiscrétion ».  De CNN à l’agence Reuters en passant par le Financial Times, pas un qui ne se soit fait l’écho de ce qu’ils présentent tous comme un « rapport interne ».  ... à ce niveau, ce n’est plus d’une fuite dont on parle mais des chutes du Niagara.

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Il n’a pas fallu bien longtemps à Brice Couturier, journaliste à France Culture, pour faire lui aussi écho au rapport interne, sans beaucoup de prise de distance par rapport à l’information, naturellement.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Et en France ?  Ici aussi, le rapport-virus contaminé nombre de rédactions. À commencer par celle de l’AFP, citée plus haut, dont les dépêches sont souvent reprises par d’innombrables médias dans l'Hexagone. Mais c’est à la rédaction de Radio France Internationale (RFI), que la poussée de fièvre semble avoir été la plus intense. Sur le site RFI, on trouve en effet un article intitulé «Infox sur le Covid-19, la Chine contre-attaque», consacré aux récents soupçons de Pékin envers le « patient 0 », et l’hypothèse qu’il ait pu être « un militaire américain, venu participer en octobre dernier aux jeux militaires mondiaux de Wuhan. »  Quel rapport, nous direz-vous ? C’est qu’au bas de cet article, l’auteure s’est fendue d’un paragraphe consacré, vous l’aurez deviné, au « document interne de l’UE obtenu par l’Agence France Presse ». Paragraphe qui se clot d’un définitif « On peut constater en effet que le site RTnews, ex-Russia Today, accorde une large place à ces récits, sans avancer le moindre début de preuve. » Sous cette phrase, un lien menant vers un article de nos confrères de RT.com, dont le sujet est…les spéculations de certains officiels chinois concernant l’identité du « patient 0 ». Soit exactement le même sujet que celui de l’article de RFI, qui n’a pas davantage de preuves à offrir ! Proprement ubuesque. Et ce n’est pas tout : car le lendemain, l’article semble avoir bénéficié d’une mise à jour, sous la forme de cette phrase lapidaire : « Au lendemain de la publication des informations obtenues par l'AFP incriminant les médias russes, le site RT news publie finalement, ce vendredi 19 mars un démenti de l'Institut Pasteur. ». Avec un lien menant vers un article de… RT France, cette fois.

Résumons-nous : pour RFI, RT International relaye donc les accusations chinoises sans apporter de preuve (comme RFI), mais une fois que l’UE dénonce enfin les turpitudes de RT Spanish (sans preuves non plus), alors RT France se dépêche de corriger le tir en publiant un démenti de … l’Institut Pasteur. Si quelqu’un parvient à suivre les méandres de ce raisonnement pour le moins sinueux, nous sommes preneurs…

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Deux médias, deux articles, mais un même sujet. Pourtant selon RFI, l’un des deux est « suspect ». Saurez-vous deviner lequel ?

Deux médias, deux articles, mais un même sujet. Pourtant selon RFI, l’un des deux est « suspect ». Saurez-vous deviner lequel ?

Le magazine L’Obs, lui, a eu davantage de pudeur au moment de publier la dépêche AFP relayant les accusations chinoises, et a manié sa tiraille avec davantage de précautions. En lisant son titre, «Corona-complotisme : Pékin accuse sans preuve les Etats-Unis d’avoir apporté le virus en Chine», on ne peut que songer avec un brin de tristesse, que ce « sans preuves » qu’il est d’usage que les journalistes emploient quand ils n’ont pas de certitudes, soit curieusement absent de tous les papiers titrant « L’UE accuse la Russie de désinformation sur le Coronavirus ». Il faut croire que si la Chine - ou la Russie - est sommée d’apporter les preuves de tout ce qu’elle avance, l’Union européenne en soit, elle, dispensée dans ses rapports. Il y a décidément des fuites qui rapportent gros.

En défense

Au-delà des cercles du pouvoir russe, cette nouvelle salve d’accusations n’a évidemment pas manqué de faire réagir. À commencer par RT elle-même, qui a répondu par la voix d’Anna Belkina, sa directrice de la communication, dans un billet d’opinion publié sur RT.com. Extrait : « Les médias mainstream ont publié des centaines d’articles sur la menace que constituerait la désinformation russe, mettant en avant RT partout. Pourtant, ils ont toujours échoué jusqu’ici à fournir un seul exemple de « fake news », d’une erreur, une imprécision relevant de cette soi-disant « désinformation ». Pas le moindre début de preuve, même minuscule, dans un article permettant de lier RT à ces pratiques – pour la bonne raison qu’il n’en existe pas. Maintenant, dites-moi, qui est vraiment dans le business de la désinformation ? »

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On monte d’un cran avec Dominique Reynié, qui n’hésite pas à parler d’« ignominie d’État ». Faut-il y voir un lien avec ses fonctions de DG de Fondapol, think tank qui se définit lui-même comme « libéral, progressiste et européen » ?

Pour Karine Bechet-Golovko, docteur en droit public et professeur invité à l'Université d'État de Moscou, toutes ces manœuvres permettraient en fait à L’Union européenne de détourner les regards de ses propres défaillances. Sur son blog Russie Politics, elle résume ainsi cette tentative de diversion : « S'il y a bien une chose que le coronavirus n'a pas arrêtée, c'est évidemment la russophobie. D'une seule voix, les Etats-Unis et l'UE, qui pour l'instant, à la différence de la Russie, ont eu une gestion pour le moins inefficace de la crise sanitaire, accusent la Russie de volontairement semer la panique ... en diffusant de fausses informations sur le coronavirus. On prend les mêmes et on recommence : lorsque l'on est incompétent, il faut bien trouver un coupable. La Russie est toujours le coupable idéal, pour masquer ses propres erreurs. Et la presse, dans son exemplaire indépendance, se montre toujours prête à soutenir ses maîtres. »

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