Pour Ariel Beresniak, docteur en médecine, l'exécutif devrait faire montre de plus de transparence et de respect de tous les citoyens, s'il souhaite mener à bien un projet aussi ambitieux que la vaccination d'une population en pleine pandémie.
Les stratégies de prévention dans le domaine de la santé ont toute en commun d’investir aujourd’hui pour un résultat potentiel demain. Les nouveaux vaccins contre le Covid-19 n’échappent pas à la règle puisqu’au-delà du coût économique, l’investissement humain suggère, pour espérer éviter de contracter la maladie dans le futur, d’accepter les effets connus et inconnus d’un nouveau vaccin.
Un vaccin est donc un pari que chacun doit être libre de faire ou de ne pas faire, éclairé par les informations existantes pour estimer la rentabilité de son investissement et ses propres chances de gain. Il est cependant très difficile pour tout un chacun d’appréhender les bénéfices et les risques d’un nouveau traitement, qu’il soit préventif ou curatif. Les conseils de l’homme de l’art que représente le médecin de proximité avec qui une relation de confiance a pu se construire avec le temps, sont donc irremplaçables.
Appréhender les difficultés de la vaccination contre le Covid-19 en France nécessite de comprendre dans un premier temps les raisons de la méfiance de la population vis-à-vis des discours de l’Etat depuis le début de l’épidémie.
Les patients symptomatiques ont été priés de rester chez eux, de prendre du paracetamol en automédication, de ne pas aller voir leur médecin ou de se rendre aux urgences. En cas de difficultés respiratoires, ils ont été invités à appeler le 15 en espérant que la ligne ne soit pas saturée. La maladie pouvant évoluer très rapidement chez les patients sensibles, un grand nombre se sont retrouvés en détresse respiratoires et ont afflué dans les services de réanimation. Or les services de soins intensifs ne disposent couramment que d’un petit nombre de lits équipés de machines d’aide aux fonctions vitales, ce qui a provoqué la panique de nombreux réanimateurs et urgentistes qui ont défilés dans les media et affolés le gouvernement réalisant que le slogan du «en même temps» s’appliquait très mal à la priorisation des patients pourtant inhérente aux urgences médicales.
Une nouvelle stratégie, «le confinement», a été imposé en catastrophe sans qu’elle n’ai jamais été auparavant ni décrite, ni étudié, ni expérimenté, ni évalué, ni même discuté de façon contradictoire quant à son éventuelle efficacité, ses risques sanitaires, et ses conséquences directes et indirectes. C’est que l’Etat a préféré copier par facilité son voisin transalpin qui n’a pourtant pas brillé par sa performance, plutôt que de s’inspirer des bons élève asiatiques comme la Corée du Sud, Taiwan ou le Japon. Les Français auraient évité l’humiliation des confinements, des couvre-feux, des dépressions et des faillites. Les contradictions officielles sur l’utilité des masques en fonction de leurs disponibilités ont achevés de miner la confiance des citoyens.
Pour la première fois de l’Histoire, la liberté de prescription des médecins a été suspendu pour imposer la doxa officielle faisant l’impasse sur les traitements anti-viraux précoces malgré un nombre croissant de publications scientifiques en vantant les mérites. Les médecins n’ont pas été jugés dignes non plus de prescrire les tests diagnostics PCR comme ils en ont toujours eu la responsabilité, puisque la population a été invité à se faire tester gratuitement en open bar directement auprès des laboratoires de Biologie médicale. Submergés par les demandes, un patient infecté pouvait ainsi attendre plusieurs jours un rendez vous, puis une fois le test réalisé attendre les résultats virologiques. De très nombreuses familles ont ainsi été contaminées.
Sans prescription médicale du test virologique, les médecins n’ont pas été destinataires des résultats, n’ont pas pu les confronter à un examen clinique, et n’ont pas pu les expliquer à leurs patients. C’est ainsi que tous les résultats «positifs» des laboratoires, qu’ils soient «faux positifs» ou asymptomatiques ont été estampillés comme des «cas». Or une épidémie ne se définit pas sur des critères biologiques mais uniquement sur des critères de morbidité (nombre de malades) et de mortalité (nombre de décès causés par la maladie).
Une grande partie de la communauté médicale a perdu confiance envers les autorités sanitaires
Pour toutes ces raisons, une grande partie de la communauté médicale a perdu confiance envers les autorités sanitaires, ce qui a fortement déteint sur la confiance de la population. La méfiance sur les risques des nouveaux vaccins et la polémique sur les programmes de vaccination débutants en sont des conséquences autant que de nouveaux exemples.
En rappelant au gouvernement actuel l’ex-ministre de la santé Roselyne Bachelot en poste en 2009 pour lui confier le ministère de la Culture, le Premier ministre émet le message d’adouber sa politique de lutte contre la pandémie de grippe H1N1 en 2009. La ministre avait bien acheté à l’époque 94 Millions de vaccins contre la pandémie de grippe H1N1, ce qui peut laisser penser qu’il y avait eu cette fois une bonne anticipation. Mais en décidant en 2009 d’organiser en exclusivité la vaccination dans des centres de vaccination éphémères dédiés, Roselyne Bachelot a choisi de contourner les médecins de ville. Cinq millions seulement de citoyens ont été vaccinés avant la fin de l’épidémie de grippe H1N1. Cet épisode a constitué un des plus emblématiques naufrage de programme de vaccination.
La vaccination contre le Covid-19 est elle le remède à la crise sociale et économique comme le scande le gouvernement ? Il est possible d’en douter.
En premier lieu, la crise sociale et économique n’est pas due au coronavirus. Elle est due aux pouvoirs publics qui ont imposés des mesures arbitraires contre le virus, ce qui n’est pas la même chose. Ces mesures se sont dispensées de toute justification scientifique en dehors des avis intuitifs du «conseil scientifique» sur la base d’hypothèses rudimentaires de statisticiens de l’Imperial College de Londres et de l’institut Pasteur de Paris.
En deuxième lieu présenter la vaccination de la population comme la seule solution à la pandémie relève d’une grande naïveté, même si celle-ci est partagée par nombre de médecins hospitaliers qui se découvrent majoritairement une nouvelle vocation d’épidémiologie des maladies infectieuses.
Présenter la vaccination de la population comme la seule solution à la pandémie relève d’une grande naïveté
Quoi que ces praticiens hospitaliers en pensent, la vaccination ne pourra être la solution unique à une pandémie. La prévention des surinfections, l’hygiène, le contrôle des frontières, le dépistage précoce, les antiviraux au stade précoce, l’ouverture de nouveaux lits de réanimation éphémères ou permanents, l’acquisition d’équipements d’oxygénation extracorporelle comme les ECMO pour le traitement des détresses respiratoires sévères, etc. sont autant d’interventions efficaces à combiner en fonction des situations et du stade de la pandémie.
Le fait que les nouveaux vaccins anti Covid-19 aient été mis au point en quelques mois ne doit cependant pas interpeller car il peut être très rapide de fabriquer en laboratoire un antigène et son véhicule susceptibles de provoquer l’apparition d’anticorps. Il peut cependant être très long ensuite d’évaluer si ces anticorps sont véritablement protecteurs. Pour cela, les essais cliniques de Phases II et III ne sont pas suffisants car l’efficacité et la tolérance doivent pouvoir s’estimer à long terme.
La population des essais cliniques n’est en effet jamais la même que la population cible susceptible de bénéficier du vaccin. Ainsi l’essai clinique du vaccin Pfizer-BioNTech a porté sur une population de 43 651 sujets, mais cette population n’est pas représentative de la population générale car répondant uniquement aux critères d’inclusion et d’exclusion de l’essai définis dans le protocole. Par exemple la distribution des âges des sujets de l’essai n’est pas la même que celle de la population générale. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) octroyé par l’Agence Européenne du médicament (EMA) est de type «conditionnelle». Cela veut dire que bien qu’il manque des données à moyen et long terme, l’AMM est accordée au vu de l’urgence sanitaire en Europe mais le laboratoire s’est engagé à compléter les données manquantes par un suivi et des études complémentaires.
Quoi qu’il en soit, le principe des essais cliniques randomisés n’est pas sans limites puisque le suivi médical très «protocolisé» des sujets de l’étude n’est jamais le même que le suivi des sujets dans leur vie réelle. L’évolution naturelle de l’épidémie étant dynamique et dépendant de nombreux cofacteurs environnementaux inconnus, les niveaux d’exposition au coronavirus de la population cible du vaccin ne sont pas identique à ceux des sujets de l’essai clinique, surtout si ceux-ci ont été exposé à un autre variant du virus. Les résultats réels d’efficacité et de tolérance seront donc nécessairement différents de ceux des essais cliniques soumis aux agences sanitaires.
Enfin, qu’il s’agisse de l’agence américaines (FDA), européenne (EMA) ou nationale (ANSM), aucune n’évalue un «produit». Elles évaluent un «dossier». Un très bon produit avec un mauvais dossier aura toutes les chances de ne pas être validé par ces agences, tandis qu’un mauvais produit disposant d’un bon dossier aura plus de chance d’être retenu… Bien entendu, rien n’empêche qu’un bon produit ai un bon dossier, mais ceci n’est pas systématique.
Bien entendu, les autorisations administratives ont l’avantage d’être émises sur la base d’ une évaluation relativement indépendante du fabricant, mais elles sont limitées par ce qui est présenté dans les dossiers de soumission, et ne suffisent donc pas pour susciter une confiance aveugle pour chacun des produits autorisés, fut il un vaccin. Les affaires du Mediator, du Remdesivir ou du vaccin contre la dengue en sont d’excellents exemples. Lancé en 2016 par Sanofi Pasteur après des années de recherche et d’essais cliniques concluants, le nouveau vaccin contre la dengue avait généré un enthousiasme unanime dans les pays tropicaux et sub-tropicaux où sévit cette maladie mortelle dans plus de 2,5% des cas. On s’est aperçu qu’en situation réelle, le vaccin favorisait les formes graves chez les sujets n’ayant jamais rencontré le virus. Les programmes de vaccination ont du être annulés dans plusieurs pays endémiques tandis que l’OMS a du émettre la recommandation de vacciner uniquement les sujets ayant déjà eu au moins une infection avérée par le virus de la dengue, et rappelle que la lutte efficace contre la maladie repose sur des mesures contre les moustiques. Ce qu’on savait parfaitement avant la sortie du vaccin…
L’incertitude étant inhérente à tous les nouveaux vaccins, les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna cumulent en plus une inconnue qui leur est propre. Utilisant pour la première fois à grande échelle chez l’homme une technologie audacieuse à base d’ARN messager qui permet de ne pas inoculer un antigène viral directement, mais uniquement son code ordonnant aux propres cellules du sujet vacciné de fabriquer lui-même l’antigène responsable de la production d’anticorps. Les essais cliniques ne pouvant qu’étudier les effets secondaires durant la période de l’étude, il est impossible de connaître les éventuels effets bons ou mauvais à moyen et à long terme de cette technologie avant de les avoir observé durant plusieurs années. Ceci est bien entendu aussi le cas pour les vaccins à technologie traditionnelle comme le vaccin Chinois de SinoPharm, le vaccin russe Spoutnik V ou le vaccin d’AstraZeneca&Oxford, mais dans leurs cas les incertitudes à moyen et long terme ne concernent pas des risques inconnus spécifiquement liés à leurs technologies puisque celles-ci reposent sur la plus ancienne technique vaccinale existante à base de virus modifiés.
Etre «pour» ou «contre» la vaccination n’est pas plus logique que d’être «pour» ou «contre» les médicaments ou la chirurgie
Etre «pour» ou «contre» la vaccination n’est ainsi pas plus logique que d’être « pour » ou «contre» les médicaments ou la chirurgie. Chaque cas est particulier et doit s’envisager en connaissance de cause pour que chacun puisse accepter ou non les éventuels risques, aussi minimes soient-ils. C’est aussi la raison pour laquelle un nouveau vaccin sera difficilement rendu obligatoire car la responsabilité d’éventuelles complications à long terme reposerait alors entièrement sur les épaules du décideur.
Celui-ci a déjà assez à faire pour organiser les programmes de vaccination qui exigent une logistique sans faille respectant la chaîne du froid, les approvisionnements, les convocations des sujets, l’administration du vaccin, l’organisation des rappels, etc. C’est la raison pour laquelle de nombreuses années sont souvent nécessaires pour obtenir une couverture vaccinale acceptable d’une population. Sinon comment expliquer que des épidémies de rougeole, de méningite ou de choléra surviennent encore dans le monde alors que leurs vaccins sont connus depuis des décennies, sont efficaces et bien tolérés ?
Vacciner en urgence durant une épidémie une population contre une nouvelle maladie par un nouveau vaccin est un objectif extrêmement ambitieux. Cet objectif pourrait éventuellement être fédérateur si les pouvoirs publics n’avaient pas coutume de menacer les citoyens par le slogan infantilisant «vaccination ou confinement». Ce choix imposé par le pouvoir exécutif relève plutôt du pari de Pascalqui a formalisé dans ses Pensées l’argument existentiel selon lequel on aurait tout à gagner à croire en Dieu plutôt qu’à ne pas y croire. Si Dieu n’existe pas et qu’on y a cru, on ne perd rien. Mais si Dieu existe et qu’on n’y a pas cru, on perd la vie éternelle. Selon Pascal, nous n’avons pas réellement besoin de raisons de croire que Dieu existe, mais nous avons intérêt à y croire car il serait dommage de tourner le dos au Paradis….
De la même façon le pouvoir exécutif, désarçonné par l’épidémie, soumet le salut de la nation, qu’il a contribué à malmener, par de mauvaises mesures, aux promesses de la vaccination en tentant de convaincre qu’on aurait plus à gagner à croire au vaccin qu’à ne pas y croire. Nous n’aurions même pas besoin de raisons d’y croire, mais uniquement d’intérêt à y croire ! Or la vaccination n’est pas une religion dont le chef d’Etat serait le prophète et les directives de la Haute autorité de santé le catéchisme. Il ne peut s’agir en aucune manière de «croyance» mais d’évaluer les données disponibles dans l’intérêt de chaque citoyen.
Faisant face aux difficultés actuelles d’organisation des programmes de vaccination, le rétablissement de la confiance envers les autorités passera d’abord par la transparence, l’honnêteté et le respect des «non croyants» qui ne sont pour la plupart pas opposé aux vaccins en général. Ceux-ci n’ont pas à être stigmatisés sous le quolibet d’«antivax» pour mieux leur faire porter la responsabilité des ratés d’organisation. Ils doivent au contraire être rassurés par des faits pour pouvoir éventuellement les entraîner dans un cercle vertueux de consentement éclairé.
Pour cela, la confiance devra nécessairement se reconstruire avec les médecins. Non ceux des plateaux de télévision qui se métamorphosent inexorablement en éditorialistes au bout de quelques apparitions, mais ceux qui sont en première ligne face aux malades avant qu’ils arrivent à l’hôpital, notamment les médecins libéraux, médecins du travail, médecins de centres de santé, etc. Si ceux-ci ne sont pas de nouveau contournés dans l’organisation des programmes de vaccination en cours, ils seront un excellent relais de confiance et contribueront à éviter très certainement un nouveau naufrage.
Ariel Beresniak
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