Le criminologue et essayiste Xavier Raufer analyse les erreurs et errements des puissances occidentales dans la prévention d'attentats à l'aune des attaques perpétrées par le terroriste suprémaciste Brenton Tarrant contre des mosquées à Christchurch.
Un jeune homme poli, serviable, noyé dans la foule solitaire d'un petit pays ouvert et amical. Travaillait-il ? On ne sait. Dans sa salle de sport et son club de tir, nul ne se souvient de lui – il voyageait souvent. Or un jour, l'homme invisible publie un manifeste raciste sur un site suprémaciste puis massacre des innocents au fusil d'assaut. Anders Breivik et ses 77 morts de l'île d'Utoya, en juillet 2011 ? Non : son clone Brenton Harrison Tarrant, qui, en mars 2019, massacre cinquante fidèles de deux mosquées de Christchurch en Nouvelle Zélande.
Huit ans après, constante incapacité des services de renseignement et polices à détecter et neutraliser de tels assassins avant le carnage. Pourquoi ? Question cruciale car sans réponse, ces sporadiques massacres perdureront.
Expliquer l'aveuglement chronique des puissances occidentales (celles-là d'abord, car plus anciennes et élaborées) exige d'ouvrir deux perspectives issues d'un même azimut, l'oubli des invariants :
Premièrement, l'incapacité à nommer, paralysie politiquement-correcte. De Brenton Tarrant, le Premier ministre néo-zélandais dit : «Dans ma bouche, ce terroriste, criminel et extrémiste restera anonyme». Prétexte invoqué par Jacinda Ardern, autruche au pays des kiwis, «refuser l'oxygène aux flammes de la haine». Or en même temps, Jacinda Ardern questionne : l'attentat pouvait-il être prévenu ? Qu'en savaient ses services ? (facile : tout bien sûr, mais trop tard). Bref : madame Ardern exige un diagnostic – mais s'interdit de nommer la maladie. Tel est l'aveuglement par bienséance – applaudi par des médias désormais formatés pour ne plus informer.
Deuxièmement, la foi aveugle dans le high-tech et le tout-calculable. Pour les espions des Five Eyes (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Australie, Nouvelle Zélande), traquer les terroristes, tenter d'anticiper leurs actes, est à 100% numérique. Or ce qui circule de tout homme par voie électronique (téléphone, Internet, réseaux sociaux, etc.) relève de son identité sociale – faits et gestes, ce qu'il dit – fort peu de l'identité personnelle (ce qui tient à sa conscience, sa mémoire, etc.). Bien sûr, tuer, sacrifier sa vie, sont les tabous majeurs dans l'âme humaine – aux ressorts quasi-inaccessibles au superficiel cyber-espionnage. Cela est su en philosophie (Clément Rosset, Loin de moi, étude sur l'Identité, 1999) ; c'était déjà dit dans la Recherche du temps perdu : «Nous ne sommes pas un tout matériellement constitué, identique pour tout le monde et dont chacun n'a qu'à prendre connaissance comme d'un cahier des charges ou d'un testament...» Des fondamentaux aujourd'hui oubliés par les idolâtres du tout-cyber. Un oubli de l'humain dont seuls bénéficient les terroristes.
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