C'est l’Union européenne qui pilote la «conversion écologique» des Etats membres et encourage l’adoption des taxes environnementales, rappelle Pierre Lévy, rédacteur en chef du mensuel Ruptures.
Finalement, le discours à Paris du président de la Commission européenne, prévu de longue date, a été annulé. Officiellement, a indiqué la présidence de l’Assemblée devant laquelle il devait intervenir le 4 décembre, il s’agissait de faire de la place pour une séance de questions au gouvernement. Bien sûr, on peut comprendre que dans le contexte d’un mouvement social sans précédent, l’actualité dicte l’urgence.
L’argument, pourtant, n’est pas vraiment convainquant. Techniquement, il aurait sûrement été possible de maintenir un petit créneau pour l’intervention programmée. Jean-Claude Juncker ne prévoyait tout de même pas de pérorer pendant cinq heures…
Et il aurait été fort intéressant d’entendre celui-ci s’exprimer sur le mouvement des Gilets jaunes. A vrai dire, pour qui suit l’actualité bruxelloise, il n’y a guère de doute sur ce qu’aurait été son appréciation.
En particulier sur le déclenchement de la mobilisation. Le chef de l’exécutif européen ne peut évidemment ignorer ce qui a mis le feu aux poudres : l’annonce des taxes écologiques sur les carburants prévues pour le 1er janvier prochain (et que la puissance du mouvement vient, premier acquis non négligeable, de faire geler).
Il peut d’autant moins l’ignorer que la fiscalité environnementale s’inscrit dans les objectifs essentiels de l’Union européenne. Celle-ci a adopté un «paquet énergie-climat», dont l’une des priorités est de diminuer la consommation énergétique, au nom de la lutte contre le réchauffement. La Commission vient en outre, fin novembre, de présenter une «stratégie climatique» visant l’horizon 2050 avec un objectif dit de «neutralité carbone».
Quel que soit l’habillage élégant que les communicants sont chargés d’élaborer, l’objectif majeur est bien de restreindre la consommation d’énergie, en particulier d’hydrocarbures. Et les Etats membres sont tenus de s’aligner.
La taxe supplémentaire sur l’essence et le gazole n’a donc pas pour seul objectif de prendre dans la poche des citoyens, même si cet aspect n’est évidemment pas secondaire, surtout au moment où l’austérité budgétaire est, pour Bruxelles, plus impérative que jamais, pacte de stabilité de l’euro oblige.
Elle a aussi et surtout comme but de «modifier les comportements» et les «modes de vie», bien sûr dans le sens de la «conversion écologique». C’est officiellement proclamé, ou plutôt c’était, car depuis quelques semaines, les talibans de l’environnement mettent tout de même la pédale douce.
L’on a du reste appris récemment que, de tous les secteurs à qui des réductions d’émission de gaz à effet de serre sont imposées, seule l’industrie a atteint les objectifs qui lui étaient assignés. Et pour cause : quand on ferme les usines à tour de bras, tout devient tellement plus simple… Reste maintenant à inciter les chômeurs à aller pointer à Pôle emploi en vélo.
Bref, on aurait bien aimé entendre Jean-Claude sur ce sujet. Mais pour l’instant, à Bruxelles, la priorité semble plutôt à la discrétion. Histoire d’esquiver ses responsabilités, et de ne pas voir l’impopularité de l’intégration européenne s'exacerber encore un peu plus…
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