Moscou a annoncé que les djihadistes prépareraient un attaque chimique en Syrie alors qu'une bataille décisive doit commencer. L'expert en Défense Philippe Migault explique comment et pourquoi les Occidentaux se tiennent prêts à frapper Damas.
Le conflit syrien est encore loin d’être terminé. Il pourrait même connaître sa phase la plus apocalyptique à l’occasion de la dernière grande bataille, qui se profile dans la région d'Idlib. Trois millions de syriens s'y entassent, dans une poche tenue par des milliers de combattants djihadistes, hormis quelques positions aux mains de groupes kurdes.
Situé au nord-ouest du pays, à proximité de la frontière syro-turque et de la province de Lattaquié, cœur de cette Syrie «utile» traditionnellement soumise au régime alaouite, le chaudron d’Idlib doit impérativement être réduit par les autorités syriennes. Alors que l’est du pays leur demeure – partiellement – interdit, des forces «rebelles» y opérant avec l’appui des troupes occidentales, elles doivent briser toute résistance à Idlib afin de pouvoir redéployer leurs troupes dans l’ensemble du pays et, notamment, face à la frontière syro-irakienne, sans qu’aucune menace ne pèse sur leurs arrières.
C’est à Idlib que la guerre se joue, ou se perd, pour les Occidentaux
Si Idlib tombe, comme ce sera très vraisemblablement le cas, Bachar el-Assad aura détruit la majeure partie des factions qui le combattent. Il sera de nouveau maître du pays, interlocuteur incontestable en vue de négociations de sortie de crise après huit ans de guerre.
Le scénario semble donc logiquement inscrit d’avance, dans la foulée des précédents de la Ghouta, d’Alep… A ceci près que cette fois-ci, il pourrait survenir dès les débuts de la bataille décisive
L’enjeu est donc considérable. C’est à Idlib que la guerre se joue, ou se perd, pour les Occidentaux et les groupes qu’ils soutiennent. Pour l’heure l’initiative, sur le terrain, appartient à Damas et à ses alliés russes, iraniens et du Hezbollah. Mais que l’ultime offensive s’enlise dans le sang pendant des semaines et tout peut, peut-être, changer. Du moins l’espère-t-on secrètement, à Washington, Paris et Londres. Attestant de la crispation croissante des Occidentaux, l’avertissement conjoint lancé au gouvernement syrien le 22 août dernier par les Américains, les Français et les Britanniques, qui ont mis en garde Damas contre tout nouvel usage de l’arme chimique, démontre l’importance de la bataille qui vient.
Le scénario d’une frappe chimique soi-disant perpétrée par les forces syriennes et provoquant une campagne de frappes occidentales en retour, semble donc logiquement inscrit d’avance, dans la foulée des précédents de la Ghouta, d’Alep… A ceci près que cette fois-ci, il pourrait survenir dès les débuts de la bataille décisive.
L’échiquier semble se mettre en place
Car la possibilité d’une liquidation rapide de la poche d’Idlib ne peut pas être totalement écartée. Le sud syrien libéré, l’Est figé dans un statu quo tendu, Bachar el-Assad va pouvoir jeter le gros de ses forces dans la bataille. Celles-ci et leurs alliés vont opérer à proximité immédiate de leurs bases arrières logistiques, sans être handicapées par l’élongation de leurs lignes de ravitaillement. Le nombre de sorties aériennes par jour va pouvoir être sensiblement augmenté, l’intensité des bombardements d’artillerie accru par un approvisionnement en munitions plus aisé. Et l’avantage quantitatif jouera à plein pour les troupes syriennes. Pour marquer un coup d’arrêt, les Occidentaux devront peut-être agir précocement. Si l’on s’en réfère aux déclarations du porte-parole du ministère de la Défense russe, c’est d’ailleurs précisément ce qu’ils se préparent à faire. Le général Igor Konachenkov a évoqué les 25 et 26 août derniers la possibilité d’une frappe chimique conduite par les djihadistes, avec le soutien de spécialistes britanniques qui seraient déjà sur zone. Des stocks de chlore auraient été selon lui constitués dans ce but par le groupe Hayat Tahrir al-Cham, proche d’Al Qaïda, à proximité de Jisr al-Choghour. Et les Américains concentreraient déjà des moyens nécessaires à la «riposte». Le destroyer USS Ross, équipé de missiles de croisière Tomahawk, vient de gagner la Méditerranée, a souligné le général Konachenkov. Des moyens aériens peuvent aussi opérer depuis les bases occidentales au Moyen-Orient. L’échiquier semble se mettre en place.
Rouler un peu des mécaniques ne pourra pas nuire à Donald Trump
A ceci près qu’on ne voit plus très bien à quoi servirait une campagne de frappes supplémentaire. Elles n’ont pas empêché jusqu’ici les troupes syriennes de liquider toute résistance, bastion après bastion. Les bombardements massifs du 14 avril dernier, sur des sites de production ou de stockage d’armes chimiques, ont visiblement été vains puisque les Occidentaux redoutent toujours que le régime n’utilise ce moyen de terreur. Il faudrait, pour peser dans la bataille, bombarder massivement les troupes syriennes. Ce qui semble difficilement envisageable.
Pour #Macron, Damas «menace de créer une nouvelle tragédie humanitaire»#international#Syrie#diplomatie
— RT France (@RTenfrancais) 27 août 2018
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Les élections de mi-mandat se profilent cependant aux Etats-Unis, le 6 novembre prochain. Rouler un peu des mécaniques ne pourra pas nuire à Donald Trump. Pas plus d’ailleurs qu’à Emmanuel Macron ou à Teresa May, dont les cotes de popularité poursuivent leur dégringolade. Bachar el-Assad gagnera sans doute. Mais tant qu’à faire, autant tirer parti de cette guerre…
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