Paris et l’isolement diplomatique du Qatar dans le golfe Persique

Paris et l’isolement diplomatique du Qatar dans le golfe Persique© Regis Duvignau Source: Reuters
L'émir du Qatar Tamim ben Hamad al-Thani et le président français Emmanuel Macron à Paris
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Après la visite officielle de l’émir du Qatar à Paris, Adlene Mohammedi revient sur la position de la France dans la crise diplomatique entre Doha et ses voisins et sur les équilibres géopolitiques dans la région.

Dans la foulée de la visite officielle de l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, à Paris, la question de la position de la France dans le dossier de la crise diplomatique entre Doha et ses voisins (l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Bahreïn) s’est évidemment posée. L’occasion de revenir sur les équilibres géopolitiques dans la région et sur le rôle potentiel joué par la France.

Les relations entre la France et le petit émirat du Golfe ont souvent fait couler beaucoup d’encre. Sur le plan économique, notamment dans le domaine de l’énergie, elles remontent à la précieuse contribution de l’entreprise Total dans le développement du gaz qatarien. L’entreprise française se targue d’une présence au Qatar « de façon continue depuis 1936 », soit 35 ans avant l’indépendance du pays. Dans les années 1990, Total a joué un rôle important dans le développement du gaz naturel liquéfié (GNL) du petit émirat, devenu leader mondial dans le domaine depuis une dizaine d’années.

Les relations diplomatiques soutenues entre les deux pays reflètent des relations commerciales assez solides. Du métro aux Airbus, en passant par les avions de combat Rafale, les contrats entre Paris et Doha lors de la visite d’Emmanuel Macron en décembre dernier ont dépassé les 10 milliards d’euros. Selon un rapport de l’ambassade de France au Qatar qui date de février 2017 et qui porte sur les échanges commerciaux entre les deux pays en 2016, le Qatar est le deuxième client de la France à l’échelle du Golfe, derrière les Emirats arabes unis.

Politiquement, et en dépit des soupçons récurrents de financement du terrorisme (qui ne peuvent concerner le Qatar à lui seul), Doha a participé, aux côtés de Paris, aussi bien à l’intervention militaire en Libye (2011) qu’à la coalition arabo-occidentale en Irak et en Syrie contre l’Etat islamique (2014).

Le petit émirat du Golfe est aussi célèbre pour les relations ambiguës entretenues avec une partie de la classe politique française (qui a pu, ici ou là, profiter des largesses financières de l’émirat) et pour le déploiement ostentatoire de son «soft power», notamment en France. Seulement, après la grande proximité sous Nicolas Sarkozy, François Hollande a semblé préférer au Qatar la puissance saoudienne.

Les nouveaux équilibres géopolitiques au Moyen-Orient

Au Moyen-Orient, il existe aujourd’hui trois axes géopolitiques. Le premier est «l’axe de la Modération», mené par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Le mot « modération » s’explique aussi bien par l’attitude adoptée au moment des «printemps arabes» (prudence et méfiance, à l’instar de la Russie) que par celle à l’égard d’Israël.

Le deuxième est «l’axe de la Résistance», mené par l’Iran, la Syrie et le Hezbollah libanais. Il a largement bénéficié du concours de la Russie dans le cadre du conflit syrien.

Le troisième est « l’axe islamo-réformateur », mené par Ankara, Doha et le réseau des Frères musulmans. A ces trois axes s’ajoutent des puissances extérieures qui influent sur ces axes (Washington et Moscou, essentiellement), ainsi que des acteurs régionaux qui se trouvent aux confins de ces axes : l’Egypte, proche de l’Arabie saoudite et des Emirats, mais aussi conciliante avec le pouvoir syrien ; la Jordanie, dépendante financièrement des pays du Golfe, mais pas tout à fait alignée politiquement…

Dans le dossier syrien, avant la montée en force de «l’axe de la Résistance», soutenu par Moscou, «modérés» (Riyad) et «islamo-réformateurs» (Doha et Ankara) étaient sur la même longueur d’onde. Il n’était pas alors question de «terrorisme». Turcs, Qatariens et Saoudiens voulaient en finir avec le pouvoir syrien, quels que fussent les outils de cette guerre. Derrière l’écran de fumée du «terrorisme» (son utilisation et la complaisance à son égard sont loin d’être l’apanage du Qatar), ce qui est véritablement reproché au Qatar, ce sont ses relations avec les Frères musulmans (soutenus jusqu’en Libye, au grand dam de l’Egypte, de Riyad et d’Abou Dhabi) et avec l’Iran, ainsi que sa stratégie de communication offensive (al-Jazeera). En d’autres termes, les Saoudiens veulent tout simplement plus d’ordre dans le golfe Persique et plus de fermeté à l’égard de l’Iran et de ses alliés (comme on peut aussi le constater au Liban, à travers les pressions sur le Premier ministre Saad Hariri).

Quel rôle pour la France dans la crise du Golfe ?

Naguère si enclin à jouer les médiateurs (en 2007, dans le cadre de la libération des infirmières bulgares en Libye ; concernant les relations entre Paris et Damas sous Nicolas Sarkozy ; en 2008, en vue de l’élection présidentielle libanaise…), c’est aujourd’hui le petit émirat gazier qui pâtit de l’isolement dans son environnement géopolitique et qui semble avoir besoin de médiation.

Mais au-delà de son puissant voisin saoudien, Doha peut compter sur des partenaires non négligeables, au premier rang desquels Ankara et Téhéran. Doha peut aussi compter sur la médiation du Koweït. De leur côté, les Américains jouent un rôle ambigu dans ce dossier : une certaine prudence après le soutien apporté aux adversaires du Qatar. Il faut dire que ces dissensions dans le Golfe affaiblissent la stratégie américaine contre l’Iran.

Dans ce contexte, c’est le rôle joué par la Russie qui attire le plus l’attention. En dépit de sa grande hostilité vis-à-vis des Frères musulmans et malgré des relations plus que cordiales avec les Emirats arabes unis, Moscou a décidé d’offrir au Qatar une main tendue bienvenue en cette période difficile. D’ailleurs, des discussions sont en cours sur l’achat par le Qatar de systèmes antiaériens russes S-400, ce qui suscite de vives critiques saoudiennes. Les Saoudiens auraient demandé à la France de faire pression sur la Russie pour éviter une telle transaction et le président français refuse d’intervenir en ce sens.

Aujourd’hui, le Qatar semble satisfait de l’état de ses relations avec la France. Une France prudente qui ne souhaite ni froisser l’allié saoudien, ni isoler l’allié qatarien. Une France qui salue simplement la médiation koweïtienne et qui refuse de s’impliquer directement dans ce conflit régional.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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