Le discours de Versailles montre qu'Emmanuel Macron «veut avoir le parlement à sa botte», considère Jacques Myard, membre honoraire du Parlement. Ses propositions constituent un danger pour la démocratie et pourraient rendre le pays ingouvernable.
RT France : Durant son discours prononcé devant le Congrès à Versailles le 3 juillet, Emmanuel Macron a proposé de réduire d'un tiers le nombre de parlementaires. Qu'en pensez-vous ?
Jacques Myard (J. M.) : Réduire d’un tiers le nombre des parlementaires, députés et sénateurs serait une faute. Ce serait remettre en cause la représentation nationale : les députés, si nous gardons l’actuelle méthode d’élection qu'est le scrutin uninominal à deux tours, auront des circonscriptions de plus de 300 000 habitants. Le lien de proximité de député avec sa propre circonscription s'amenuisera donc. Qui plus est, [Emmanuel Macron] veut réduire le nombre des mandats. En réalité, le président de la République est en train de mettre en cause la représentation démocratique, et veut avoir le parlement à sa botte. Il veut contrôler les députés. En outre, il veut ajouter une dose de proportionnelle, c’est-à-dire qu’il va rendre le pays ingouvernable. La proportionnelle c'est, bien sûr, la représentation des opinions, mais il faut tout de même une majorité : il faut voter le budget !
Le problème d’Emmanuel Macron est qu’il n’a jamais été élu avant d'être élu président de la République. Il ne sait pas ce qu’est une commune, ce qu'est un département. Il ne connaît pas la démocratie des territoires. Il veut avoir une «verticalité du pouvoir», comme il dit. Cela veut dire qu’il veut gouverner la France avec des technocrates, avec la haute fonction publique. C’est une atteinte directe à la démocratie, et c’est la raison pour laquelle je suis déterminé à combattre cette volonté de casser le Parlement.
On va assister à un reflux de la vague de la Macron-mania
RT France : Nombre de candidats à la présidentielle avaient déjà proposé de telles mesures lors de la campagne de 2017. Emmanuel Macron explique sa proposition par la nécessité de rendre le travail du Parlement plus efficace. Est-ce un argument suffisant ?
J. M. : Toutes ceux et celles qui essayent aujourd’hui de réduire le nombre de députés se trompent d’objectif. Il y a effectivement une surreprésentation des collectivités locales. Et c’est là qu’il faut réduire la dépense publique, car il y a multiplications des structures et niveaux de gouvernance. En réalité, ce n’est pas le Parlement qui coûte cher à la nation française. Ce sont des propositions pour plaire au comptoir du café de commerce ; où beaucoup croient que les députés sont privilégiés, ce qui est faux. C’est un mauvais procès qui est fait à la démocratie représentative et je crois que c’est un danger pour la démocratie. Si le député ne dispose plus d'une liberté totale et est choisi en définitif par un scrutin proportionnel, alors c'est la fin de la démocratie représentative et de la démocratie tout court.
RT France : Pensez-vous donc qu'il n'y a pas besoin de réformer le pays, le système politique ?
J. M. : Il est nécessaire de faire des réformes dans bien des domaines : le temps de travail, les retraites, la réforme territoriale et, bien évidemment, l’Europe. Le président de la République en a dit un mot, mais, en réalité, son optique est : «toujours plus d’Europe». Je suis donc assez inquiet de la tournure que vont prendre les événements. Je pense qu’on va assister à un reflux de la vague de la Macron-mania. Car ce que fait le président de la République aujourd’hui, c’est se livrer à un discours plein de pathos, plein de lieux communs, un discours de premier communiant. Le discours de quelqu'un qui veut être bien avec tout le monde, mais qui s'avère être vide et creux.
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