La coalition dirigée par les Etats-Unis en Syrie a confirmé qu’elle avait mené des frappes aériennes dans la province de Deir ez-Zor. Au moins 106 civils auraient été tués lors des bombardements qui ont eu lieu les 25 et 26 mai.
RT : La coalition n’a confirmé que les raids aériens, et non pas les morts. Nous avons déjà vu des incidents où les victimes civiles avaient été confirmées, mais rien ne semble avoir changé. Que faudrait-il faire pour que les Etats-Unis réexaminent leur approche à l’égard des civils ?
Jim Jatras (J. J.) : Il ne faut pas oublier que Deir ez-Zor est une zone contrôlée par le gouvernement syrien et qui est pratiquement entourée par les forces de Daesh. Quand j’ai entendu parler d’une frappe, j’ai d’abord pensé : est-ce un nouvel incident dans lequel nous avons bombardé par erreur l’armée syrienne au lieu de lancer une frappe contre les forces de l’Etat islamique ? Il semble que ce n’est pas le cas ; cette frappe a touché une ville appelée Mayadeen et a causé des pertes civiles.
J’ai vu des reportages variés : c’étaient soit des personnes qui fuyaient Daesh soit, dans certains cas, des proches des combattants de l’Etat islamique. Il y avait, en particulier, un immeuble d’habitation où certaines familles étrangères, y compris de Marocains qui luttent avec Daesh contre le gouvernement syrien, sont logées. Nous devons déterminer le lieu exact du bombardement, ce qui a été frappé et quelle était leur cible.
On peut avoir des informations correctes, mais le cibler l’objectif identifié par le renseignement peut ne pas être aussi précis qu’ils l’espèrent
RT : La coalition en Irak a essayé de blâmer Daesh pour les morts civils lors d’une frappe à Mossoul. Pourquoi les renseignements sont-ils tellement erronés ?
J. J. : C’est le problème du renseignement, et aussi du type d’armes utilisées, si le ciblage était précis. Ils peuvent avoir des informations correctes, mais cibler l'objectif identifiée par le renseignement peut ne pas être aussi précis qu’ils l’espèrent. Donc, il y a beaucoup de détails qui doivent être éclaircis.
Nous sommes face à un paradoxe : les Etats-Unis sont toujours dans une position de participant et d’arbitre à la fois. Nous sommes très prompts à faire des déclarations quand il s’agit de victimes civiles : «Oh Dieu, comme c'est regrettable. On ne voulait pas cela, mais ce sont des dommages collatéraux, que pouvons-nous faire ?» Pour ce que ça vaut...
Nous nous sommes engagés dans la bataille de Mossoul avec l’accord du gouvernement reconnu par la communauté internationale à Bagdad. Mais personne ne nous a invités à effectuer des frappes en Syrie
RT : En Syrie, contrairement à la situation en Irak, la coalition dirigée par les Etats-Unis n’a pas été invitée. Comment ces campagnes aériennes qui entraînent parfois des pertes civiles sont-elles perçues? Est-ce une invasion ?
J. J. : C’est un point intéressant car, dans le cas de Mossoul, nous nous y sommes engagés avec l’accord du gouvernement reconnu par la communauté internationale à Bagdad – tout comme la participation des forces aériennes russes en Syrie a été accordée par le gouvernement de Damas, reconnu par la communauté internationale. Personne ne nous a officiellement invitsés à effectuer des frappes en Syrie.
Ce serait pire, à certains égards, si nous avions ciblé les forces gouvernementales syriennes : cela aurait été un acte d’agression directe contre la Syrie, ce que nous avons malheureusement déjà commis par le passé. Cela ne semble pas être le cas ici – il semble que nous avons ciblé Daesh, mais les gens que nous avons touchés n’étaient pas des combattants, plutôt des civils.
Quand il y a eu des victimes civiles à Alep-Est, les Etats-Unis étaient les premiers à déclarer que c’était délibéré, que c’était un crime de guerre, que c’était un cas pour la Haye
RT : La communauté internationale est restée muette lorsque la coalition dirigée par les Américains a pu auparavant confirmé des pertes civiles causées par leurs campagnes aériennes. Pourquoi en parle-t-on beaucoup plus quand il s’agit des victimes qui auraient pu être celle de l’armée d’Assad ?
J. J. : C’est exactement cela, il y a une contradiction. Quand l’armée syrienne ou les forces aériennes russes combattaient pour reprendre Alep-Est, lorsque il y a eu des victimes civiles là, nous étions les premiers à déclarer que c’était délibéré, que c’était un crime de guerre, que c’était un cas pour la Haye.
Nous ne sommes pas trop indulgents face au fait qu'il est très compliqué de remettre sur pied les régions peuplées après [qu'elles aient été entre les mains] des groupes terroristes, et parfois on fait des erreurs – même si vous avez le meilleur renseignement, la meilleure précision technique en termes de frappes. Je ne dis pas que nous avions le meilleur renseignement ou la meilleure technologie à Deir ez-Zor. J’espère que cela a été un moins grosse bavure qu'il ne semble, mais nous ne le saurons vraiment que lorsque nous en aurons les détails.
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