Au lieu de nommer clairement «notre véritable ennemi, l’islam radical», les chefs des pays de l'OTAN se créent des ennemis inexistants. «Qu’importe le résultat, seule l’image compte», explique le spécialiste des questions de défense Philippe Migault.
La paix est un enjeu trop grave pour le confier à des politiciens. C’est sans doute ce que pensent ce soir bien des militaires alors que se referme le sommet de l’OTAN de Bruxelles. Car rien de constructif ne peut sortir d’un événement de ce type dans un contexte politique aussi chaotique.
La lutte contre le terrorisme, a fortiori après la tragédie de Manchester, nécessite bien entendu une coopération étroite de tous les Etats membres de l’Alliance atlantique. Les 29 chefs d’Etats qui se sont retrouvés au nouveau siège de l’organisation en conviennent. Tous sont conscients que l’OTAN, instrument de la guerre froide, n’a pas été conçue pour cette mission. Tous savent que la mise en place d’une coalition efficace relève du vœu pieux, tant les intérêts et les sensibilités des différentes nations divergent. Mais ils ne peuvent faire moins, vis-à-vis de leurs opinions publiques, que d’appeler à une collaboration renforcée. Qu’importe le résultat, seule l’image compte. Surtout lorsqu’on est en difficulté en termes de politique intérieure.
Trump poursuit son revirement à 180° vis-à-vis du Kremlin en prolongeant la politique de réassurance vis-à-vis des Etats d’Europe centrale contre une hypothétique agression russe
Donald Trump, empêtré dans l’affaire des liens supposés de son équipe de campagne avec la Fédération de Russie, s’est en conséquence adapté.
Reçu par Jean-Claude Juncker et Donald Tusk, qui ont exprimé leur désapprobation vis-à-vis des orientations diplomatiques qu’il affichait initialement, notamment à l’égard de Vladimir Poutine, le Président des Etats-Unis a dû transiger.
Plus question d’étendre à Moscou l’alliance contre le terrorisme. Trump poursuit son revirement à 180° vis-à-vis du Kremlin en prolongeant la politique de réassurance vis-à-vis des Etats d’Europe centrale engagée par Barack Obama contre une hypothétique agression russe.
Hors de question également d’évoquer à nouveau l’obsolescence de l’OTAN. Même Trump ne peut se permettre un constat d’une telle franchise alors que ses alliés n’attendent de lui qu’une chose : l’assurance que l’Amérique assurera encore leur sécurité à l’avenir. Hormis sur le commerce et le climat, thématiques sur lesquelles on peut lui faire confiance pour ne pas céder d’un pouce, il s’est donc rendu à Bruxelles comme on va à Canossa. Du moins en apparence.
Seule celle-ci compte, pour l’heure, aux yeux d’Emmanuel Macron. A peine élu, il doit remporter la bataille des législatives pour disposer d’une capacité de manœuvre. Prétendant lors des présidentielles être en mesure de défendre les intérêts de la France face aux Poutine, Trump ou Erdogan, il devait donner une image d’aisance et d’autorité naturelle, ne commettre aucune faute de goût, alors que les médias français ont évoqué sa participation à ce sommet comme la presse people traite de l’intronisation d’une jeune fille conviée au bal des débutantes. Il n’a pas commis d’impair. C’est tout ce que l’on retiendra.
Le Premier ministre de Sa Majesté, comme ses homologues, est confronté depuis le 11 septembre 2001 à une guerre, un choc de civilisations
Angela Merkel, qui brigue en septembre prochain un quatrième mandat de chancelière, était dans la même posture, version «Mère de la Nation» et pilier du dogme atlantiste face à Donald Trump. L’exercice a été d’autant plus facile pour elle que son pays accroît sensiblement ses dépenses militaires et est en train, en catimini, de bâtir autour de lui la défense européenne dont la France se veut la championne.
Theresa May, enfin, à qui il ne reste que le cadre otanien pour peser en Europe depuis le référendum sur le Brexit, a elle aussi pu faire valoir les efforts réalisés par le Royaume-Uni en matière de défense pour parler d’autorité.
Mais à quelles fins ?
Le Premier ministre de Sa Majesté, comme ses homologues, est confronté depuis le 11 septembre 2001 à une guerre, un choc de civilisations – n’en déplaise aux âmes sensibles – qu’aucun responsable politique «occidental» ne veut réellement gagner.
Lorsque Donald Trump assure à Riyad que l’Iran est le pilier du terrorisme international en présence des Saoud, champions du Wahhabisme, qui, certainement, jubilent in petto, lorsque les Etats-Unis et l’UE n’ont rien de plus pressé que de muscler leur dispositif vis-à-vis de la «menace» russe, comme si c’était le SVR (Service des renseignements extérieurs de la Russie) qui posait des bombes dans leurs rues, on comprend que rien n’a changé depuis seize ans.
En dehors de la Russie, considérée comme l’adversaire le plus sérieux du modèle libéral-libertaire dont Emmanuel Macron est l’incarnation même, il est interdit de nommer clairement et de combattre notre véritable ennemi, celui qui assassine, l’islam radical. Et ce sommet de l’OTAN n’aura marqué aucune inflexion porteuse d’espoirs.
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