Lors de sa campagne électorale Donald Trump a promis de se concentrer sur les problèmes internes de l’Amérique. Mais les récentes actions militaires ne prouvent-elles pas le contraire ? L'ancien candidat à la présidence Ron Paul livre son analyse.
RT : La décision de frapper la base aérienne syrienne était soudaine, l'administration américaine ayant déclaré précédemment qu'elle voulait rester en dehors de la guerre civile en Syrie. Donald Trump suit-il vraiment une stratégie en politique étrangère ? Ou agit-il par caprice ?
Ron Paul (R. P.) : Je pense que cela change sans cesse. Nous avons essayé de comprendre, cela nous intéresse beaucoup. Il a beaucoup parlé de la politique étrangère et le groupe libertarien que je représente était assez d’accord avec celle-ci. Nous étions heureux qu'il souhaite avoir une meilleure relation avec la Russie et nous avons été un peu déçus quand, tout à coup, cela a changé. Nous nous grattons la tête maintenant en essayant de comprendre exactement ce qui a mené à ce changement. Car, évidemment, [la politique actuelle] est différente et le changement est significatif. Nous ne savons pas exactement ce que cela signifie, mais nous espérons que nous pourrons encore avoir de meilleures relations avec la Russie comme [Donald Trump] l'avait prévu pendant la campagne.
Donald Trump s'est simplement adapté à la poursuite de la politique que menait Barack Obama
RT : A votre avis, les Etats-Unis préparent-ils une intervention générale en Syrie en utilisant le prétexte des armes de destruction massive – tout comme ils l'ont fait en 2003 en Irak ?
R. P. : Espérons que non. Il est difficile de juger cela et, comme je l'ai dit, je ne pense pas que Donald Trump ait une position précise. Cette position change en fonction du dernier conseiller avec lequel il a parlé. Espérons qu’on ne prépare pas [une guerre] comme en Irak, mais l'information déformée à laquelle ils ont affaire est quelque chose de très préoccupant. Mon objectif principal, avec mon organisation, avec mon site Web, c'est de trouver la vérité pour qu’il y ait moins de confrontations. A l'heure actuelle, il est vraiment difficile de comprendre ce qui se passe. Donc, je pense que c'est un problème grave.
RT : Beaucoup de gens espéraient que la politique de Donald Trump «America first» (l'Amérique d’abord) supposait qu’il renonce aux interventions militaires américaines à l'étranger, pour augmenter le nombre de frappes de drones, mener des campagnes en Syrie et en Irak. Sa promesse de campagne est-elle encore d'actualité ?
R. P. : Il faut comprendre qu'il s'est simplement adapté à la poursuite de la politique que menait Barack Obama. Cela dure depuis longtemps, c'est Barack Obama qui a déclaré qu'Assad devait partir. Maintenant, nous nous retrouvons presque à ce niveau-là. Le lendemain du bombardement [de la Syrie], Donald Trump disait quelque chose comme : «Nous devons nous entendre». Par conséquent l'ambivalence est telle que personne ne peut dire exactement quelle est cette politique et je ne pense pas que l'ambivalence soit une bonne idée. Je pense que les gens devraient parler clairement, comme le font les libertariens. Nous parlons très clairement de nos idées concernant les rapports avec d'autres personnes dans le monde, mais je pense que cet «aller-retour» politique laisse trop de questions non résolues. C’est la tentative de satisfaire les deux côtés, les personnes qui disent «soyons amis et faisons du commerce et n’ayons pas de problèmes» et ceux qui disent : «Nous ne pouvons pas nous calmer jusqu'à ce que nous nous débarrassions d'Assad.» Malheureusement, il y a beaucoup de discussions de ce genre. Nous espérons que cela va s’arrêter.
RT : Les Etats-Unis sont engagés dans la lutte contre Daesh en Irak et en Syrie, mais d’après les informations venues du terrain, l'attaque américaine contre la base aérienne syrienne a ouvert la voie à une offensive de Daesh dans la région. Cela montre-t-il que l’administration américaine aide les groupes terroristes ?
Peut-être que ce n'était qu'une manifestation plutôt qu'un changement total de politique étrangère
R. P. : Vous savez, l'une des explication de notre engagement dans ce désordre au Moyen-Orient est que notre gouvernement n'a pas vraiment compris le rôle des acteurs et des problèmes locaux. Peut-être que c’est une partie de l’explication, mais je pense qu'il est vrai que cela a aidé les rebelles. On sait, par les journaux, que nous nous sommes alliés avec les rebelles «modérés» et même si certains des hommes politiques américains disent qu'il n'y a pas de modérés en Syrie, nous les utilisons parce que les Américains ne veulent pas voir rentrer des sacs mortuaires. Alors on utilise les troupes en disant : «Nous aiderons certains de ces radicaux et ils vont exterminer Assad.» Cela a été plus ou moins la raison pour laquelle nous aidions des gens à faire face aux Soviétiques. Quand ils étaient en Afghanistan, nous avons aidé à radicaliser certains des islamistes pour mener nos batailles et cela fait aussi partie de cette histoire.
RT : D'une manière générale, cette approche de la politique étrangère – avec l’utilisation de la force – semble être favorisée des deux côtés de l'establishment politique aux Etats-Unis, chez les républicains comme chez les démocrates. Pourquoi n'y a-t-il pas de place pour une approche plus conciliatrice dans la politique américaine ?
R. P. : Cette place existait, et c'est pour cette raison que j'ai aidé Donald Trump à devenir président. Encore une fois, la politique a changé. Mais nous ignorons quel est le point final : peut-être que ce n'était qu'une manifestation plutôt qu'un changement total de politique étrangère.
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