La «mère de toutes les bombes» larguée dans les montagnes afghanes le 13 avril a un usage très limité, car elle ne peut pas être utilisée sans pertes civiles massives, explique l'ancien analyste de la CIA Jack Rice.
RT : Le Pentagone a frappé une cible en Afghanistan avec la «mère de toutes les bombes», l'arme la plus puissante dont disposent les Etats-Unis, à l'exception de l'arme nucléaire. C'est la première fois qu'elle est utilisée. A votre avis, quel est son impact ?
Jack Rice (J. R.) : Il est dramatique, énorme. Il s'agit de cinq tonnes d'explosifs non nucléaires. L'idée est de larguer une seule bombe à l'impact énorme et catastrophique. A mon avis, c’était en partie leur objectif : il s'agissait de faire une démonstration de force.
RT : A quel point était-il important de larguer cette bombe ?
Le problème que j'ai vu partout dans le monde est que les civils paient régulièrement le prix de telles actions
J. R. : Je pense que cela a une grande importance symbolique. Le problème dans l'utilisation de cette bombe est que son emploi est très limitée, étant donné ses énormes capacités et le nombre de victimes civiles qu’elle peut faire. A ce que je comprends, cette action a été ordonnée par un général sur place en Afghanistan, et ils ont examiné un problème très particulier.
Mais soyons clairs : cela ne concerne pas un seul théâtre d'opérations, tout est lié. Ils larguent la bombe maintenant, car ils savent que les Nord-Coréens les regardent. Ils savent que les Syriens les regardent. Ils savent que les Russes les regardent. C'est quelque chose qui est destiné à faire de l'effet, et je pense qu’il faut prendre ce détail en compte.
RT : La Maison Blanche a déclaré que la bombe avait été larguée avec précision et en déployant tous les efforts nécessaires pour éviter les pertes parmi les civils. En vérité, cela a-t-il eu un effet sur les civils ?
J. R. : Il n’y a pas de doute à ce sujet : la bombe a été larguée dans les montagnes dans la partie orientale de l'Afghanistan, près du Pakistan. L'idée était donc d'essayer de viser une zone où il n’y avait que des combattants, pas de civils. Mais le problème est qu'il y a des civils dans cette région.
Est-il possible qu’une partie des tunnels en Afghanistan aient été construits par la CIA ? Dans ces circonstances, je pense que oui
Le problème que j'ai vu partout dans le monde en travaillant en Irak, en Afghanistan et dans certaines parties de l'Afrique, est que les civils paient régulièrement le prix de telles actions. En fin de compte, ils souffrent beaucoup plus que les combattants et l’armée. C'est toujours effrayant.
RT: Fait intéressant : Edward Snowden a cité un ancien article qui prétendait que la bombe aurait visé des tunnels que la CIA avait construits pour les moudjahidine. Qu’en pensez-vous ?
J. R. : C’est fascinant, mais c'est difficile de dire si c’est vrai, car il y a beaucoup de tunnels dans cette région, certains d'entre eux remontent à des millénaires. Est-il possible qu’une partie des tunnels aient été construits par l’Agence – mon ancien employeur ? Dans ces circonstances, je pense que oui. Mais l'ironie du sort dans le cas de l'Afghanistan va beaucoup plus loin. Quand les Soviétiques étaient en Afghanistan, l'Agence soutenaient les moudjahidine. Cependant, en soutenant les moudjahidine qu’est-ce qu’ils formaient ? Ils formaient ce qui est devenu in fine Al-Qaïda. Ils ont donc un savoir-faire acquis grâce aux Etats-Unis et qu’ils utilisent contre les Etats-Unis. Cette ironie, donc, n’est pas d’aujourd’hui, elle remonte à une époque bien lointaine.
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