D'après le politologue Eddy Fougier même s'il «n'y a pas beaucoup d'évolution du côté de l'offre» l'aspect le plus notable du débat télévisé du 20 mars est que les Français commencent à s’intéresser de plus en plus à cette élection présidentielle.
RT France : Il y a différentes appréciations de la performance des cinq candidats qui ont participé au débat du 20 mars. Selon un sondage réalisé par Le Point, le plus convainquant a été Emmanuel Macron. Et selon vous ?
Eddy Fougier (E. F.) : Il y a un sondage sur France Télévisions et un sondage Odoxa qui donnent les mêmes résultats. C’est difficile, parce que quand on suit les commentaires des uns et des autres sur Twitter, ou les commentaires des journalistes, chacun a un avis, en fonction de ses orientations. J’ai regardé un sondage sur le site du Figaro, qui est classé plutôt à droite, et, sur ce site, une majorité dit que François Fillon a été le plus convainquant.
Il faut toujours se méfier des commentaires à chaud. Ce qu’on pouvait attendre de ce débat, c’est effectivement une clarification des positions des uns et des autres. On attendait aussi des échanges un peu durs entre certains candidats, au sujet d'éventuellement affaires judiciaires, mais ça n’a pas été le cas.
Et puis, il y a avait un inconnu – c’était Emmanuel Macron. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se sont déjà présentés en 2012. Benoît Hamon et François Fillon avaient été vus dans les débats télévisés des primaires de leurs partis respectifs. Mais on n'avait pas vu Emmanuel Macron dans ce genre d’exercices. Donc c’est lui le petit nouveau.
C’est Jean-Luc Mélenchon qui est le facteur de perturbation des débats
RT France : Quels étaient les objectifs des participants ?
E. F. : Ce qui est intéressant, c’est que chacun avait un objectif. Marine Le Pen avait pour objectif d’apparaître comme quelqu’un ayant une stature présidentielle. François Fillon, celui de revenir dans le jeu malgré les affaires qui le concernent. Et il y a eu très peu de référence à ces affaires. L’objectif de Jean-Luc Mélenchon était d’être celui qui remet en cause une sorte de consensus qui pourrait exister. Et il a bien réussi : c’est lui le facteur de perturbation des débats. Le but de Benoît Hamon, l’un des moins connus des candidats, était de présenter un certain nombre de propositions, ce qu’il a fait. Emmanuel Macron visait lui à montrer qu’il était différent et il a réussi, parce que très souvent il montrait qu’il était d’accord avec l’un ou l’autre des candidats, ce qui est assez étonnant en France. En général, les candidats de droite n’ont jamais d’accord avec les candidats de gauche. Même pour évaluer le temps qu'il fait, ils ne seront jamais d’accord. C’est assez nouveau. Dans sa volonté de dépasser les clivages, il semble d’avoir convaincu les Français.Chacun était dans sa logique et chacun semble avoir réussi.
Du côté de l’offre politique, on n’a pas vu beaucoup d’évolution, mais ce qui est intéressant c’est le côté de la demande
RT France : Cela aura-t-il impact sur les intentions de votes ?
E. F. : Celui qui dominait le débat, a priori c’est Emmanuel Macron. Si cela va avoir un impact, c’est une autre question. Il va y voir très rapidement des sondages. Il faudra voir aussi en fonction des autres débats à venir. A chaud, on peut dire que, si effectivement on s'en tient à la première réaction dans les enquêtes, on pourrait considérer que cela ne va changer fondamentalement les choses. Peut-être entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, parce qu’ils sont à égalité. Pour le reste la hiérarchie semble être respectée : Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont en tête dans les intentions de votes, et François Fillon est en troisième position.
On peut supposer que, pour l’instant, cela n’a pas nécessairement un impact sur les intentions de votes, parce que il n’y a pas eu de surprises. Il y a eu des erreurs dans ce qui a été dit, il y a eu des polémiques, des petites attaques, mais il n’y a pas eu d’effondrement de la part de l’un des candidats. Au-delà des rapports entre les uns et les autres, le plus notable c’est l’audience. Qu'il y ait eu dix millions de personnes à regarder le débat, et ce malgré sa longueur, c’est intéressant. Pour moi c’est l’information la plus importante du 20 mars : les Français sont aussi entrés dans la campagne. Il n’y a pas eu de surprises, d’annonces spectaculaires. Du côté de l’offre politique, on n’a pas vu beaucoup d’évolution, mais ce qui est intéressant c’est la demande.
Les Français commencent à s’intéresser de plus en plus nettement à cette élection, et à réfléchir de plus en plus sérieusement à leur choix. C’est ça qui est le plus notable.
On sait très bien que le président ou la présidente sera parmi les cinq candidats principaux
RT France : Cinq grands candidats ont participé au débat. D’autres ont organisé un débat alternatif. Le fait que tous les 11 candidats n'aient pu débattre sur TF1 a suscité des critiques. Certains ont dénoncé un déni de démocratie. Qu'en pensez-vous ?
E. F. : Je dirais oui et non. Oui dans le sens qu’on a effectivement 11 candidats validés par la Conseil constitutionnel et qui ont le droit de s’exprimer. Non, parce que c’était déjà trop long avec cinq candidats, qui n’ont pas eu nécessairement beaucoup de temps pour s’exprimer. Et avec 11 candidats, comme le disaient certaines personnes sur Twitter, il aurait fallu déposer les jours de congés pour pouvoir regarder une telle émission.
La question se pose surtout pour Nicolas Dupont-Aignan. Les autres sont des candidats marginaux. C’est intéressant, parce que c’était presque folklorique. François Asselineau, Jacques Cheminade, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud (ce qui fait 4 déjà sur 6) ne sont pas des candidats de courants majeurs. A part pour Nicolas Dupont-Aignan qui se démarque le plus, il n’est pas choquant qu’ils ne participent pas à ce type de débat. Ils représentent des courants très minoritaires ou ont des visons très particulières.
La seule question qu’il faut se poser c’est au sujet de Nicolas Dupont-Aignan, qui est le moins marginal de ces candidats marginaux
On sait très bien que le président ou la présidente sera parmi les cinq candidats principaux. La seule question qu’il faut se poser c’est au sujet de Nicolas Dupont-Aignan, qui est le moins marginal de ces candidats marginaux. Il n’y a que lui qui a fait autant de bruit quant à sa non-participation.
Cela ne me paraît pas aussi grave qu’un déni de démocratie. Quoi qu’il en soit, il y aura des débats auxquels ils participeront. Entendre encore une fois Jacques Cheminade et François Asselineau dans un débat politique – je ne suis pas sûr que c’est ça la démocratie, ou si la démocratie française en bénéficierait.
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