Le fait d’être d’accord avec tous ceux qui parlaient n'a pas profité au candidat d'En marché ! lors du débat présidentiel du 20 mars. C’est quand il a été agressif qu'il s'est montré à son avantage, estime le politologue Jean Petaux.
RT France : Il y a eu beaucoup de spéculations concernant l'identité de celui qui a remporté le débat du 20 mars. Qui selon vous a été le vainqueur du débat ?
Jean Petaux (J. P.) : Dans ce genre de débat, c’est pratiquement impossible de désigner clairement un vainqueur ou quelqu’un qui aurait vraiment décroché et qui se serait en quelque sorte condamné pour l’avenir, à la suite d’une très mauvaise prestation. Mais il faut aussi avoir en tête qu’avant le premier tour du 23 avril, il y aura encore deux débats de ce type, mais dans une configuration différente.
Il est difficile de trouver des vainqueurs et des vaincus. On a coutume de dire ou de procéder de la façon suivante – vous pouvez essayer quand même de faire une analyse en termes de gain et perte – qui est celui ou celle qui avait le plus à perdre dans cet exercice ? Très clairement, avant que le débat commence, c’était Emmanuel Macron, qui était vu comme le plus exposé dans cet exercice hier soir.
RT France : Pourquoi ?
J. P. : Parce que d’abord, parmi tous les candidats, c’est celui qui a le moins d’expérience, qui est le moins connu des Français et qui, en plus, contrairement à Benoît Hamon et François Fillon, n’est pas passé par la case primaire.
Emmanuel Macron avait davantage de choses en jeu que les autres, et il se sentait comparativement bien
C’est-à-dire que, aussi bien François Fillon que Benoît Hamon – bien que ces personnalités ne soient pas comparables en termes de longévité en politique – ont vécu tous les épisodes de la primaire et donc des débats qui ont été suivis par les Français d’une manière assez surprenante. Et les Français connaissent très bien Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et aussi Marine Le Pen, car c’est sa deuxième présidentielle, et elle est dans la vie politique française quasiment depuis 12-13 ans. Quant à Jean-Luc Mélenchon, les téléspectateurs le connaissent presque autant que Marine Le Pen, puisqu’il occupe la vie politique française depuis 30 ans au moins, et il était en quelque sorte attendu au tournant. Celui qui devait le plus montrer de choses et bien figurer, c’était Emmanuel Macron. De ce point de vue-là, j’aurais tendance à dire qu’il s’est plutôt bien comporté. Comme c’est celui qui avait vraiment à perdre, c’est celui qui remettait le plus de ressources sur le tapis, il avait davantage de choses en jeu que les autres, et il se sentait comparativement bien. S’il fallait donner un vainqueur, ça serait plutôt lui.
RT France : Un article du Financial Times prétend qu'Emmanuel Macron a «loupé son moment» dans le débat présidentiel, qu'il n’a pas pu défier «l’attrait de l’outsider Marine Le Pen et le gravitas de François Fillon». Que pensez-vous de cette lecture du débat ?
J. P. : Je pense que c’est assez juste ce que dit le Financial Times. On a eu l’impression, qu’à une des reprises, Emmanuel Macron était sur le point de faire la différence. Et puis il est assez vite revenu dans une position habituelle – on a fait un jeu que le débat doit faire, il s’est transformé autant pour avoir la position favorable – c’est le fait d’être d’accord avec tous ceux qui parlaient. Le seul moment où il a marqué des points, c’est quand il s’est montré un peu agressif, aussi bien à l’égard de Marine Le Pen que de François Fillon, et un petit peu moins par rapport à Benoît Hamon.
On n’a pas véritablement eu de grandes surprises
Le Financial Times ne se trompe pas, mais c’est une lecture un peu partielle de la réalité. Ce n’est pas la seule occasion pour Emmanuel Macron, il reste deux débats pour se refaire.
RT France : Selon vous, le débat peut-il influencer l’opinion publique ?
J. P. : On va voir le retour des sondages. J’estime qu’on n’a pas véritablement eu de grandes surprises. Mais une chose est surprenante. Alors que nous vivons maintenant, pratiquement depuis 60 jours, constamment au tempo des affaires de François Fillon et de Marine Le Pen, j’ai trouvé que cela a été très peu abordé lors de ce débat. Et de fait, sur ces affaires-là, on y a consacré hier soir cinq minutes. Cela m’a paru très surprenant, et je pensais que les adversaires de François Fillon allaient être moins pudiques, moins réservés sur ses affaires. Et maintenant on va passer à 11 candidats, et ça sera une autre chanson.
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