Tout politicien de second rang échouant à expliquer ses échecs a désormais un bouc émissaire très commode, explique George Szamuely, chercheur au Global Policy Institute de l’Université métropolitaine de Londres.
Le Royaume-Uni n’a aucune preuve que Moscou essaie de saper le processus démocratique en Grande-Bretagne, selon le ministre des Affaires étrangères britannique Boris Johnson. Et pourtant, il a déclaré que la Russie était capable de s’ingérer dans les affaires de son pays si elle le voulait.
Cette affaire d'accusations concernant le piratage russe, qui a commencé aux Etats-Unis avec leurs accusations infondées selon lesquelles Moscou avait piraté le Comité national démocrate et que les Russes étaient intervenus dans les élections présidentielles, a traversé l'océan.
RT : Est-il juste de continuer à accuser la Russie d’ingérence dans les processus politiques d'autres pays sans fournir de preuve ?
George Szamuely (G. S.) : Je ne pense pas que ce soit juste, mais le mantra «c'est les Russes !» est maintenant le dernier refuge des vauriens. Tout politicien de second rang qui échoue à expliquer ses échecs peut maintenant pointer du doigt la Russie ou RT et son influence néfaste. Tous les politiciens usent de cette petite astuce désormais, les Etats-Unis ont commencé, mais les Européens l’utilisent également. C’est absurde. Et parmi eux, Boris Johnson semble particulièrement insensé quand il commence à parler d'ingérence russe dans les élections parce que l’une des accusations portées contre les Russes concernait le Brexit. Comme il était un des leaders du mouvement en faveur du Brexit, je ne pense pas qu’il soit bien placé pour dire ensuite : «Bon, c’est seulement à cause des Russes que le Brexit est passé.»
L’Occident a profité de la faiblesse momentannée des Russes pour étendre ses pouvoirs et son influence autant qu’il le pouvait sans penser que la Russie se rétablirait un jour
RT : Pourquoi la Russie est-elle toujours présentée comme une menace majeure ?
G. S. : Cela fait partie de la politique occidentale depuis des décennies, depuis la fin de la guerre froide que les puissances occidentales ont emportée du fait de la dissolution de l’Union soviétique et de la faiblesse momentanée des Russes pendant les années 1990, faiblesse dont elles ont profité.
L’Occident a saisi cette occasion pour étendre ses pouvoirs et son influence autant qu’il le pouvait sans penser que la Russie se rétablirait un jour. Que quand la Russie se relèverait, elle serait très énervée de voir les forces occidentales à ses frontières, qu’elle les considèrerait comme une menace légitime très sérieuse pour sa sécurité. Les puissances occidentales n'avaient pas prévu cela. Maintenant, ils sont extrêmement irrité par le fait que les Russes voient de manière absolument légitimes une menace à leurs frontières.
RT : Les médias semblent prendre ces allégations concernant la Russie au pied de la lettre. Cela n’est-il pas préoccupant?
G. S. : Bien sûr, c’est très préoccupant. Et un élément étonnant, dans tout cela, c’est que les médias ne se sont pas sérieusement penchés sur la moindre preuve pour chacune de ces ridicules allégations. Ils continuent à parler de ces dix-sept agences de renseignement qui ont découvert, sans que cela fasse le moindre doute, que les Russes s'étaient mêlés de l’élection présidentielle de 2016. Mais ils ne présentent aucune preuve. Tout le monde peut dire : «Les Russes l’ont fait, nous en avons des preuves, mais nous n’allons pas vous les montrer.» Où sont les preuves ? James R. Claper, directeur du renseignement sous Barack Obama, a d’abord accusé les Russes en octobre de l’année dernière. Trois mois plus tard, les agences de renseignement publiait ce rapport qui n’offre rien, pas la moindre preuve. La moitié du rapport était un autre rapport, du réchauffé concernant RT et rédigé en 2012. Voilà tout ce qui étaye leurs accusations contre les Russes.
Si la Russie était derrière le piratage du Parti démocrate, elle aurait dû s’assurer de ne pas avoir laissé de trace
RT : Nous avons récemment vu que la CIA était capable de se faire passer pour d'autres Etats dans le cadre de cyber-attaques. Cela ne vient-il pas remettre en question les allégations concernant la Russie ?
G. S. : Bien sûr. Ce qui est très intéressant dans les révélations de Wikileaks publiées il y a peu quant au fait que la CIA avait créé des archives de précédents piratages afin de pouvoir dissimuler leurs propres piratages. Ils peuvent y ajouter des empreintes pour faire croire que des piratages ont été réalisés par d'autres. Donc, le Comité national démocrate aurait bien pu avoir été piraté par la CIA et l'attaque aurait pu être maquillée une attaque lancée par les Russes.
Il est raisonnable de supposer que si la Russie était derrière ce piratage du Parti démocrate, elle aurait dû s’assurer de ne pas avoir laissé la moindre trace pouvant compromettre ses actions. C'est juste du bon sens. Mais, au lieu de cela, CrowdStrike, cette petite organisation qui se déclare expert en cyber-attaques, a annoncé, pratiquement sans enquête : «Nous avons la preuve définitive que les Russes sont derrière tout cela.» Ensuite, la CIA a tout simplement adopté les revendications de CrowdStrike. Mais CrowdStrike est arrivé à cette conclusion sans la moindre enquête sérieuse.
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