Malgré le soutien des électeurs, Benoît Hamon risque-t-il de se retrouver isolé ? Laurent Jacobelli (Debout la France) ne croit ni au rassemblement de la gauche, ni à celui du PS dont les cadres préféreront le candidat du système Emmanuel Macron.
RT France : Si la victoire de Benoît Hamon semblait ces derniers jours prévisible, comment l'expliquer ? L'a-t-il emporté sur le plan des idées ou face à la défiance des électeurs pour le gouvernement de François Hollande ?
Laurent Jacobelli (L. J.) : Je crois que nous assistons, avec la victoire de Benoît Hamon, au prolongement d’un phénomène. Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande et maintenant Manuel Valls ont été écartés des échéances présidentielles. C’est aussi un moyen pour les Français de dire que «cette classe politique qui depuis 30 ans nous mène dans le mur, nous n'en voulons plus». Ils expliquent ainsi qu'ils veulent désormais tenter quelque chose d’autre. Au PS, cette volonté se symbolise par Benoît Hamon. Je pense que c’est principalement ça le message. Toute cette vieille classe politique, qui ne comprend pas nos problèmes, qui gère le pays, comme s’il était simplement entre les mains de Bruxelles, de Washington ou de Berlin, sans se soucier des problèmes quotidiens des Français, n'est plus tolérable. Je pense que le vrai signal est là.
Les cadres du PS ne soutiendront pas Benoît Hamon qui a des idées finalement très différentes de la majorité du parti
RT France : Ce qui est assez intéressant, c’est qu'une partie des élus vallsistes ne souhaitent pas se rallier à Benoît Hamon malgré ce signal envoyé par les militants. Pensez-vous que Benoît Hamon sera capable d’unir sa famille politique ?
L. J. : Non, je ne le pense pas, parce que le PS est un vieux parti qui a participé à ce système de manière trop importante pour reculer. A mon sens, les cadres du PS ne soutiendront pas Benoît Hamon, qui a des idées finalement très différentes de la majorité du parti. Il va se retrouver isolé. Il va devenir un Mélenchon bis, avec – si je puis me permettre – moins de talent. Benoît Hamon sera simplement un second rôle à l’élection présidentielle. Tous les apparatchiks du Parti socialiste, tous ceux qui vivent grassement de ce système, vont maintenant trouver un autre candidat du système, qui correspond plus à leur manière de faire, en la personne d'Emmanuel Macron.
Les électeurs souhaitent une force de rupture qui casse ce système, dans lequel nous sommes enfermés depuis 30 ans
RT France : Vous ne pensez pas réalisable l’alliance de la gauche souhaitée par Benoît Hamon allant de Yannick Jadot à Jean-Luc Mélenchon ?
L. J. : Bien sûr que non. Pourquoi Jean-Luc Mélenchon, se retirerait-il au profit de Benoît Hamon ? Je ne suis pas dans leurs têtes, mais je ne vois pas pourquoi aujourd’hui ils deviendraient tous alliés derrière l’étiquette PS. Quel en serait l’intérêt ? Ce serait avoir une candidature qui ne représente plus rien parce qu'elle représenterait trop de choses entre Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot. Ce n'est évidemment pas ce qu'attendent les électeurs aujourd'hui. Ils souhaitent une force de rupture qui casse ce système dans lequel nous sommes enfermés depuis 30 ans. Ils veulent un vrai renouveau, une vraie rupture. Le PS n’est pas en mesure d'incarner cela. Depuis François Mitterrand, ce parti symbolise une mauvaise gestion du pays soumis à tout un tas d'intérêts allant de Bruxelles à Washington, mais jamais à ceux des Français.
Il ne faut pas que les journalistes et les sondeurs se substituent au corps électoral, parce qu’on voit bien qu’ils ne comprennent plus du tout les phénomènes qui passent à travers l’opinion
RT France : Plusieurs analystes politiques voient dans l’élection de Benoît Hamon un signe très positif pour la campagne d'Emmanuel Macron qui s'installe dans le haut des sondages. L'élection présidentielle vous semble-t-elle encore ouverte ?
L. J. : Aujourd’hui personne ne peut dire qui sera au deuxième tour de l’élection présidentielle. A chaque fois, ce sont des outsiders qui gagnent. On l’a vu à droite avec François Fillon. On le voit à gauche avec Benoît Hamon. Ce sera exactement la même chose au premier tour de l’élection présidentielle. Les experts, les journalistes et les sondeurs sont complètement perdus. Tous leurs pronostics tombent à plat. Finalement, c’est l’essence même de la démocratie qu’on retrouve, c’est-à-dire les Français qui décident. Encore faut-il les laisser décider. Quand je vois qu’une grande chaîne de télévision propose de faire un débat entre seulement cinq candidats à l’élection présidentielle, cela veut dire que ces grandes chaînes de télévision s’arrogent le droits de présélectionner les candidats qu’elles estiment pouvoir voir gagner. C’est complètement anachronique quand on voit qu’effectivement aujourd’hui plus personne ne sait qui peut gagner et qui peut perdre. Je pense qu’il faut laisser la démocratie s’exercer. Il ne faut pas que les journalistes et les sondeurs se substituent au corps électoral, parce qu’on voit bien qu’ils ne comprennent plus du tout les phénomènes qui passent à travers l’opinion.
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