Après la victoire de Benoît Hamon à la primaire, le rassemblement de la gauche est-il possible ?

Benoît Hamon dit vouloir rassembler la gauche. Pour Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, ce dialogue serait souhaitable au regard des points de convergence. Mais une gauche anti-austérité peut-elle naître des cendres du quinquennat Hollande ?

RT France : Après la victoire de Benoît Hamon, vous avez décrit ce deuxième tour comme la confirmation de «la très nette défaite de Manuel Valls». Pour vous, Benoît Hamon a-t-il remporté cette primaire grâce à ses idées ? S'agit-il plutôt de l'échec de la politique du gouvernement ?

Olivier Dartigolles (O. D.) : Je pense que ce second tour de la primaire organisé par le PS confirme le rejet de ce quinquennat de trahison. François Hollande étant empêché [de se représenter], la sanction est tombée sur son ancien Premier ministre. Ces dernières semaines, de nombreuses personnes se demandaient s’il y avait toujours une gauche dans le pays. Je n’en ai jamais douté. On avait vu les réactions après la proposition de la déchéance de nationalité, et, de manière très forte, lors des mobilisations contre la loi El Khomri. On voit aussi dans les enquêtes d’opinions que nombre de valeurs de gauche sont encore partagées. Les gens voient bien, par exemple, qu’on ne peut plus vivre dans une société où la finances et le capital sont aussi prédateurs, alors que les vies et les territoires sont abîmés, chaque jour d'avantage. Le résultat de la primaire et cette victoire très nette de Benoît Hamon s’inscrivent dans cette logique d'affirmation qu'il y une gauche dans ce pays. Il lui faut maintenant - et c’est à quoi nous travaillons, nous, le Parti communiste français, depuis des mois - pousser le débat vers les solutions. Il faut ouvrir le débat sur une alternative à gauche, après ce quinquennat d’échecs et de trahison, et établir un rapport des forces plus favorable face à la droite et au FN.

Nous avions déjà mesuré il y a un an des convergences fortes à portée de main entre les gauches

RT France : Après sa victoire, Benoît Hamon a appelé au dialogue avec Yannick Jadot à Jean-Luc Mélenchon. Dans votre communiqué vous êtes restés assez ouvert à la discussion. Comment appréhendez-vous ce possible rapprochement ?

O. D. : Au Parti communiste français, nous n’avons pas cessé, tout au long de l’année dernière, d’œuvrer vers une convergence des gauches. Nous avons organisé des rencontres, «Les Lundis de gauche», où nous invitions un large spectre de politiques, de syndicalistes, de responsables associatifs pour justement questionner l’avenir du pays, pour dessiner une orientation de progrès social, démocratique et environnemental, face aux dégâts laissés par le quinquennat de François Hollande. Nous avions déjà mesuré il y a un an de fortes convergences à portée de main. C’est pour cela que nous avons martelé qu'il fallait faire primer le débat sur les propositions et non sur le choix d'un candidat. Nous avons hélas buté sur une difficulté, qui est réelle et qu’on ne découvre pas : le présidentialisme. Ce principe qui fait que l’élection présidentielle se tient avant les élections législatives. Il en résulte une personnalisation à outrance de la vie politique. Il faut continuer à attaquer ce présidentialisme et le remettre en question. C’est ce que le Parti a fait samedi 28 janvier avec la présentation de nos candidats aux législatives.

Pierre Laurent pourra être un pont entre les discussions avec Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon

Aujourd'hui, une nouvelle séquence politique pour la gauche s’ouvre. Nous avons pris en novembre dernier la décision d’appeler à voter et à soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Nous ne souhaitions pas dans un tel climat et paysage politique ajouter un nom dans les bulletins de vote. En prenant cette décision, nous avions indiqué que nous continuerons à proposer et à répondre favorablement à toutes les initiatives qui permettront des convergences pour des solutions rassemblant la gauche anti-austérité. C’est cet espace politique qu’il faut désormais construire. Il nous faut créer des convergences, des passerelles et des dialogues.   

      

Je pense que Pierre Laurent pourra être un pont entre les deux, jouer un rôle important. Il peut téléphoner à tout le monde. Il va avoir une série des rencontres importantes pour évaluer justement et discuter de la nature des convergences possibles. Mais pour véritablement franchir des étapes, la pire des solutions c’est de commencer par une candidature [commune à la gauche]. On sait très bien que cela ne passera pas. Pourquoi demander aujourd’hui à Jean-Luc Mélenchon de se désister ? De même pour Benoît Hamon qui vient d’être désigné par une primaire. Cela ne fonctionne pas. Il faut donc organiser des rencontres et des discussions. Des échanges qui portent sur ce que nous partageons. Nous avons des discours communs : sur la VIe République - il y a des choses très fortes venant de Jean-Luc Mélenchon, mais aussi de Benoît Hamon, du PC et des écologistes -, sur la nécessité d’aller vers un nouveau modèle de production et de développement ou encore sur l’indispensable abrogation de la loi El Khomri et la création d'une vraie loi travail. Nous connaissons les sujets où il y a convergences. Il faut maintenant intensifier le débat à gauche pour aller plus loin. Si l’on réussit ce travail-là, ce sera un élément pour faire renaître l’espoir à gauche.

Les élections législatives peuvent peut-être permettre de poser la question d’une majorité de gauche anti-austérité

RT France : Cette convergence, cette union de la gauche que vous décrivez consisterait donc plutôt à se focaliser sur les législatives plutôt que sur la présidentielle ?

O. D. : Je ne dis pas l’union, mais plutôt un rassemblement ou des convergences. Il faut pousser cet effort le plus loin possible pour la présidentielle comme pour les élections législatives. Mais il est certain que les législatives peuvent peut-être permettre de poser la question d’une majorité de gauche anti-austérité. Ces élections peuvent permettre d’aller un peu plus loin que ce que l'on sera en situation de faire pour la présidentielle. Je reste néanmoins mesuré. Bien malin qui peut dire de quoi seront faites les prochaines semaines de campagne. Nous sommes dans une situation politique que certaines qualifient d'évolutive mais en réalité elle est imprévisible. Dans ce climat, comptez sur le Parti communiste français pour participer et donner une chance à l'espoir qui est en train de se lever à gauche. Nous ferons tout ce qui peut permettre d’additionner, et non pas de soustraire, les voix pour la gauche. tout ce qui peut permettre de faire face à la droite, au FN et à l’option Macron qui, pour l’instant, sont devant dans les sondages. Pour l'instant, le total des voix de gauche donné par les instituts de sondage à l’élection présidentielle reste à un niveau très bas. C’est à cela qu’il faut s’attaquer.

Les militants et les sympathisants communistes et du Front de gauche n’ont pas été malheureux de voir Manuel Valls sortir après François Hollande

RT France : La victoire de Benoît Hamon, est donc vu pour vous comme une sorte d'espoir pour l’ensemble de la gauche pour vous ?

O. D. : Non, c'est surtout une question de bon sens. Les militants et les sympathisants communistes, du Front de gauche, n’ont pas été malheureux de voir Manuel Valls sortir après François Hollande. On ne peut pas dire que ce soit une mauvaise nouvelle. C’est même au contraire une bonne nouvelle. Mais cela ne règle pas tout. Nous préférons voir une primaire organisée par le PS se conclure par la victoire de quelqu’un qui se positionnait très fortement dans le débat comme alternative au quinquennat Hollande et pas dans son prolongement, plutôt que voir apparaître sur les écrans la victoire de Manuel Valls.

C’est un événement positif dans le paysage de la gauche. Une nouvelle séquence politique s'ouvre. Il faut maintenant mettre en place les débats et les discussions. Nous voulons discuter de l'urgence sociale, des salaires, des services publics de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion mais également de la manière dont la finance doit être attaquée et mise à contribution d'un nouveau modèle de production aussi bien dans la politique industrielle que de l'énergie, des transports et de l'agriculture. Mais ces débats ne doivent pas à se limiter à des échanges limités à quelques personnes se retrouvant dans une salle. Il nous semble indispensable que ces discussions doivent avoir une dimension publique et populaire.

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