Selon Larry Johnson, si des preuves du piratage russe des emails du camp démocrate existaient, elles auraient déjà été publiées. Pour lui, les accusations du gouvernement de Barack Obama relèvent avant tout d'une «colère mal dirigée» et facile.
RT : La Maison Blanche a déclaré qu'il y avait des preuves sur le prétendu piratage des emails par la Russie. Etes-vous convaincu par les informations fournies par le rapport conjoint mené par le FBI et la Sécurité intérieure ?
Larry Johnson (L. J.) : Non. Ce dont on est certain pour l'instant c'est qu'il y avait des mails sur le serveur du Comité national des démocrates (DNC) et sur celui de John Podesta. Mais nous ne savons pas si ces serveurs ont été piratés ou si on a eu affaire à une fuite. C'est-à-dire à quelqu'un au sein du DNC qui a téléchargé ces emails sur un disque dur avant de les envoyer à Wikileaks. L'autre certitude qu'on peut avoir c'est que ces documents ont été diffusés justement par Wikileaks. Mais on ne sait pas combien de temps a pu passer entre le moment où le site a reçu ces documents et celui où il les a publiés, ni comment ils ont pu être transmis à l'équipe de Wikileaks.
Julian Assange affirme que sa source ne vient pas de Russie et n'est en aucun cas lié au pays. Je suis plutôt enclin à le croire. Vu ce que l'on sait de la NSA et de ses capacités en matière de surveillance, si ces mails avaient été hackés par des agents russes, elle aurait été capable très rapidement d'en présenter des preuves concrètes.
Souvenez-vous d'ailleurs que le premier de ces soi-disant piratages sur le serveur du DNC a eu lieu en 2015. L'administration de Barack Obama a attendu un long moment avant de réagir. D'ailleurs, la seule fois où ils ont vraiment réagi et avaient intérêt à en parler c'était après la défaite d'Hillary Clinton à la présidentielle. Depuis ils n'ont pas pu présenter ne serait-ce que l'ombre d'une preuve d'un lien entre les fuites de Julian Assange et le gouvernement russe.
Ironie : dans les emails de John Podesta, on découvre qu'un salarié du DNC a conseillé à ce dernier d'utiliser les liens supposés entre Vladimir Poutine et Donald Trump
RT : Pourquoi ajouter de nouvelles sanctions contre la Russie s'il n'y a pas de lien prouvé entre les hackers et le gouvernement du pays?
L. J. : Cela me fait penser à un homme saoul dans une pièce vide avec un chien et qui choisit de le frapper car c'est la chose la plus proche disponible. Il y a une sorte de folie, presque une psychose en ce moment aux Etats-Unis. J'ai 61 ans ; j'ai vécu la Guerre froide et je me souviens de la crise des missiles à Cuba. L'animosité et la rivalité avec la Russie que l'on voit aujourd'hui, c'est une colère mal dirigée. La Russie est devenu l'épouvantail idéal. On joue sur l'ignorance des Américains qui en savent peu sur la Russie, peu sur Vladimir Poutine et peu également sur l'histoire de nos relations. La réalité c'est que la Russie fait un parfait méchant de Hollywood. C'est plus facile de diaboliser la Russie que de reconnaître ce qui se passe en Amérique.
Lors de la première semaine de publications des emails, le Washington post n'a publié que neuf articles dessus et la moitié expliquait pourquoi il n'y avait rien de sérieux dedans. En comparaison cette même semaine, ils ont publié 194 papiers qui critiquaient et attaquaient Donald Trump. Donc si on regarde de manière purement mathématique cette information, on se rend compte qu'il y a eu un ouragan d'informations négatives propagées sur Donald Trump et peu sur Hillary Clinton. Blâmer la Russie de faire de l'ingérence dans l'élection américaine me semble seulement un moyen pour désorienter les électeurs. Ce qui est extrêmement ironique c'est que dans les emails de John Podesta, on découvre qu'un salarié du DNC a conseillé à ce dernier d'utiliser les liens supposés entre Vladimir Poutine et Donald Trump comme arme pour décrédibiliser le candidat républicain. Les démocrates eux-mêmes s'étaient recommandés cet angle d'attaque. Cela ne venait pas de la Russie.
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