Peillon, la laïcité et la falsification de l'histoire

Peillon, la laïcité et la falsification de l'histoire © Philippe Wojazer Source: Reuters
Vincent Peillon, candidat à la primaire de la Belle Alliance.
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Les propos polémiques de Vincent Peillon sur la laïcité sont, pour Eric Anceau, un énième exemple de cette tendance «des politiques à tordre la vérité historique pour défendre une pensée préconçue», alors même que ce débat mériterait plus en France.

RT France : Les propos de Vincent Peillon liant laïcité, régime de Vichy, étoile jaune et stigmatisation des musulmans ont provoqué un véritable tollé. Comment interprétez-vous ce qui vient de se produire ?

Eric Anceau (E. A.) : La double falsification de l’histoire à laquelle Vincent Peillon s’est livré en prétendant d’abord que la laïcité (même dévoyée) était responsable de l’antisémitisme de la Deuxième Guerre mondiale et en comparant ensuite la persécution des juifs sous Vichy à la situation des musulmans aujourd’hui est proprement scandaleuse. Elle m’a immédiatement fait réagir et je n’ai pas été le seul, loin de là. Cette falsification historique est d’autant plus inadmissible que l’homme est bien informé. Je rappelle qu’avant d’avoir été cadre du parti socialiste et ministre de l’Education nationale, il a été agrégé de philosophie et qu’il a écrit plusieurs ouvrages historiques dont un sur Ferdinand Buisson, l’un des pères de notre laïcité, justement, ou encore un livre intitulé La Révolution française n'est pas terminée, sourcé, mais orienté.

Vincent Peillon a voulu apparaître en chevalier blanc qui défendait des musulmans persécutés par «l’infâme» Front national

C’est là que le bât blesse ! Beaucoup trop de politiques aujourd’hui ont tendance à tordre la vérité historique pour défendre une pensée préconçue, pour faire du buzz, pour essayer d’attirer un électorat ou pour faire les trois à la fois.
En pleine campagne des primaires du parti socialiste et de ses satellites, Vincent Peillon a voulu apparaître en chevalier blanc qui défendait des musulmans persécutés par «l’infâme» Front national. Le retour à 1940 (et pas de 40 ans en arrière comme il l’a dit) visait à nous proposer une nouvelle version de la célèbre reductio ad Hitlerum. Le rétropédalage très maladroit auquel il s’est livré avec son entourage depuis le tollé n’a fait que le confirmer. Ici, l’arroseur est sorti très arrosé. Quant au Front national, il bénéficie une nouvelle fois d’une publicité gratuite. Il peut s’ériger à bon compte en victime et n’a pas manqué de le faire !

La laïcité est une construction politique très empreinte des vicissitudes de notre histoire

RT France : Cette affaire n'est qu'une polémique parmi tant d'autres (crèches de Noël, burkini...) autour de ce principe constitutionnel fort et historique qu'est la laïcité. Quelle en est votre vision ?

E. A. : La laïcité française est le beau moyen qu’ont trouvé nos ancêtres pour pacifier l’espace public marqué par des conflits religieux, dont certains ont pu être sanglants. Elle s’est construite au fil de notre histoire contemporaine, tout particulièrement en République, et si la loi de 1905 en constitue indiscutablement l’étape majeure, elle n’en est qu’un jalon parmi d’autres, au point même de ne pas la nommer – le fait mérite d’être rappelé. La laïcité est donc une construction politique très empreinte des vicissitudes de notre histoire. Il y a beaucoup d’autres pays laïques dans le monde, et presque autant de façon de concevoir la laïcité.
La laïcité française a évolué en fonction des menaces réelles ou ressenties comme telles sur notre société. Elle s’est ainsi construite contre le catholicisme. Aujourd’hui, la puissance et la « menace » catholiques se sont évanouies et c’est pourquoi la polémique récurrente sur des crèches qui relèvent du fait culturel et patrimonial avant tout, est ridicule, au-delà des provocations de quelques hommes politiques. A l’exception de quelques laïcards, la plupart de nos ancêtres, pères fondateurs de notre laïcité compris, n’ont d’ailleurs jamais cherché querelle au catholicisme pour de tels motifs, à une époque où le catholicisme était pourtant beaucoup plus fort. Aujourd’hui, la menace majeure qui pèse sur notre société est indéniablement l’islamisme, qui est sans commune mesure avec le catholicisme de la fin du XIXe siècle. Cette menace est le fait de dirigeants devenus faibles, voire complaisants. Par ailleurs, la religion musulmane dont l’islamisme est l’un des avatars doit être organisée. Rien ne l’empêche. Il faut ensuite savoir l’endroit où l’on place le curseur. L’affaire du burkini me paraît de ce point de vue très symptomatique.

Le débat sur la laïcité est une question cruciale. Par-delà les polémiques, nous sommes confrontés à un choix de société fondamental

RT France : La question de la laïcité en France et à la française doit-elle être un débat important de la présidentielle ?

E. A. : C’est une question cruciale et, de ce point de vue, elle est non seulement légitime, mais indispensable au débat. Au-delà des polémiques, nous sommes confrontés à un choix de société fondamental. Certains «ultras» voudraient en effet figer la laïcité et la rêvent plus dure qu’elle n’a jamais été (pas de burkini, pas de crèche, pourquoi pas plus d’église…). Parmi eux, certains ont évidemment l’ultracisme à géométrie variable – totalement intolérants pour les uns, mais complaisants pour les autres.  D’autres, au contraire, adeptes du multiculturalisme à l'anglo-saxonne et en particulier à la canadienne, accolent des épithètes à la laïcité pour l’édulcorer, voire rêvent même de la voire disparaître. Beaucoup enfin considèrent, dans une lecture historique de la laïcité, qu’il appartient à l’Etat et à la République de l’adapter aux menaces qui pèsent sur notre société. Mais tous n’identifient pas les mêmes menaces et ne les ressentent pas avec la même intensité.

En tant que gaulliste, je me place sur cette troisième voie et je considère qu’ici, comme partout ailleurs, il ne faut pas faire de l’idéologie, mais penser avant tout à l’intérêt de la France, sans renoncer à notre humanisme, d’une part, et sans injurier notre longue histoire, de l’autre. Cependant, je suis aussi capable d’écouter les autres points de vue et même d’entendre certains d’arguments contraires, car la question est complexe. Ce que je n’admets pas, en revanche, c’est que l’on déforme la vérité historique comme l’a fait Vincent Peillon. Il n’est malheureusement qu’un exemple parmi beaucoup d’autres.

 «Burkini», laïcité et confusion(s)

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