Décret de Manuel Valls sur la Cour de сassation : «C'est Montesquieu qu'on assassine»

Décret de Manuel Valls sur la Cour de сassation : «C'est Montesquieu qu'on assassine»© Pool News Source: Reuters
Le président François Hollande entouré par le premier président de la Cour de Cassation Bertand Louvel et le procureur général de cette juridiction Jean-Claude Marin.
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Indigné par le décret plaçant la plus haute juridiction française sous contrôle direct du gouvernement, l'avocat et délégué national de Debout la France Damien Lempereur y voit une certaine cohérence de l'exécutif pour des «mesures liberticides».

RT France : Le dernier décret de Manuel Valls, qui place la Cour de cassation sous le contrôle du gouvernement, est vivement critiqué, tant par les membres de la Cour de cassation que par de nombreux avocats, comme une atteinte à la séparation des pouvoirs. Le ministre de la justice Jean-Jacques Urvoas parle lui d'«une simple mise en cohérence des anciens textes». Quelle est votre position?

Damien Lempereur (D. L.) : Pour moi, c'est très grave. C'est Montesquieu qu'on assassine. C'est une entorse fondamentale au principe de séparation des pouvoirs en mettant clairement la Cour de cassation sous le contrôle du gouvernement. Ce n'est peut-être pas si étonnant que Ségolène Royal pense que Cuba ne soit pas une dictature, puisque ce gouvernement se trouve des explications à faire cela. Ce qui est d'autant plus scandaleux, c'est la forme. Si le gouvernement n'avait rien à se reprocher, il ne passerait pas cela par décret. Ce n'est absolument pas à la hauteur de cet enjeu fondamental. On devrait passer par plusieurs semaines de débat au Parlement. Le faire par décret, c'est assez minable, lâche et très révélateur.

Cette cour est une garantie d'indépendance très forte. Les magistrats sont généralement irréprochables et très compétents

RT France : Jusqu'à présent, la Cour de cassation jouissait d'un auto-contrôle. Elle rendait compte deux fois par an de ses activités, statistiques et finances. La Cour des comptes a jugé en 2015 sa gestion financière très positive. Y avait-il urgence à le changer? 

D. L. : Il y a bien sûr des réformes à faire en matière de justice. Le Conseil national de la magistrature a certainement besoin d'être en partie réformé. A Debout la France, nous sommes assez sévères à l'égard des juges notamment en matière pénale - même s'ils sont aussi contraints par les lois. Alors rénover le système judiciaire oui, mais la Cour de cassation est une institution qui fonctionne. En tant qu'avocat je peux parler d'expérience. Cette cour est une garantie d'indépendance très forte. Quand on arrive avec un dossier où les décisions antérieures étaient surprenantes, on est content de trouver la Cour de cassation. Les magistrats sont généralement irréprochables et très compétents. En plus financièrement, c'est une institution qui fonctionne. Pour moi c'est définitivement une atteinte très grave au principe de constitutionnel de séparation des pouvoir. Mais ce gouvernement nous a habitués à enchaîner les mesures liberticides. Il faut s'en indigner.

Loi renseignement, 49.3 : dans ses actions catastrophiques, le gouvernement reste cohérent jusqu'à la fin

RT France : Ce décret est publié par Manuel Valls, Premier ministre démissionnaire. Il laisse à son successeur Bernard Cazeneuve une crise institutionnelle d'entrée de jeu. Le timing vous semble-t-il malheureux ou voulu?

D. L. : C'est difficile à dire. Tout ce que l'on sait, c'est que le décret est daté du 5 décembre. Soit c'est une coïncidence et c'est malheureux, soit c'était voulu par l'exécutif et c'est pire. C'est pire, car c'est lâche de lancer un tel décret en plein milieu d'une passation. Mais dans tous les cas, ce décret reste cohérent avec l'utilisation du 49.3 par Manuel Valls au printemps, avec la loi Renseignement qui est tout aussi liberticide. Dans ses actions catastrophiques, le gouvernement reste cohérent jusqu'à la fin. Il est temps que cela se termine que l'on puisse remettre les libertés bafouées en place.

Lire aussi : Indépendance de la Cour de cassation : la séparation des pouvoirs est «mise en défaut»

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