Les révélations faites par le président François Hollande dans le livre Un président ne devrait pas dire ça... constituent pour le député Pierre Lellouche, auteur d'une résolution pour sa destitution, un manquement aux devoirs du président.
RT France : Pourquoi pensez-vous qu'il faut destituer François Hollande ?
Pierre Lellouche (P. L.): Le président est chef des armées. Est-ce qu'à votre avis le général de Gaulle aurait conduit la crise des fusées à Cuba en présence d'André Fontaine et de Hubert Beuve-Méry dans son bureau ? Le président de la République a déclaré que nous étions en guerre. Il est en charge de la conduite de cette guerre. Il n'est pas le commentateur de cette guerre. Il n'a pas à partager les informations qui concernent la sécurité nationale avec des journalistes. Ni son analyse de conversations avec Monsieur Poutine ou Monsieur Obama. Il n'a pas à laisser des journalistes participer aux entretiens qu'il a avec des Premiers ministres étrangers. Il n'a pas à confier si la France paye ou pas pour les otages. Dans le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme [Un président ne devrait pas dire ça...], il y a toute une série des choses qui sont consternantes. Il n'a pas à faire connaître qu'on mène des opérations de destruction des terroristes. C'est une affaire que lui seul doit connaître. C'est un manquement caractérisé aux devoirs du président de la République tels que prévus par l'article 68 de la Constitution.
Si un officier de l'armée française s'amusait à donner le quart de la moitié de ces informations à la presse, il serait passible de l'article 113 du code pénal : sept ans d'emprisonnement, 300 000 euros d'amende
RT France : Selon certains responsables de la Défense, la pratique des assassinats ciblés est tout à fait légitime...
P. L. : Mais ce n'est pas le sujet. Qu'on élimine les terroristes, cela ne cause aucun souci. Que le président de la République s'en gargarise auprès des journalistes, c'est une autre affaire.
Si un officier de l'armée française, responsable des services de renseignement, ou un diplomate français s'amusait à donner le quart de la moitié de ces informations à la presse, il serait passible de l'article 113 du code pénal : sept ans d'emprisonnement, 300 000 euros d'amende. La Constitution établit le principe de l'irresponsabilité du président de la République en exercice de ses fonctions, sauf en cas de crimes contre l'humanité ou la destitution. Donc, la seule sanction possible pour ce type de comportement, c'est la constitution du Parlement en haute cour. C'est pour cela que, le 19 octobre, lors du débat sur les opérations extérieures, j'ai soulevé cette question de l'emploi de cette disposition de notre Constitution. Ce n'est pas une décision légère, c'est une procédure complexe, lourde mais elle permet au moins de faire la lumière sur les informations qui ont été transmises et surtout marque les choses pour l'avenir. Pour éviter qu'un président, dans le cas d'une guerre longue, s'amuse à faire ce genre de choses. Je trouve cela incompatible avec les devoirs de cette fonction.
Chacun des parlementaires doit se poser la question de savoir si le fait de révéler ce genre d'informations à des journalistes est une attitude normale pour le président de la République
RT France : Pensez-vous que cette procédure puisse effectivement aboutir à une destitution ?
P. L. : Cela dépendra du vote des parlementaires. Les conditions posées sont extrêmement contraignantes. D'abord, il faut passer la procédure qui est lourde : bureau de l'Assemblée, commission – mais surtout le vote, il faudrait avoir la majorité des deux-tiers des membres de l'Assemblée nationale avant d'enclencher la même procédure au Sénat. Est-ce qu'il y a une chance d'avoir un tiers des parlementaires à ce stade ? Extrêmement difficile ! Tout est fait dans les textes pour protéger le président de la République, même dans des cas extrêmement graves, comme celui-là. Donc je ne sais pas ... cela va dépendre de l'attitude des membres de la majorité.
RT France : Cette mesure a donc surtout une portée symbolique ?
P. L. : Non, ce n'est pas du tout symbolique parce que chacun des parlementaires doit se poser la question de savoir si le fait de révéler ce genre d'informations à des journalistes alors que nous sommes en guerre est une attitude normale pour le président de la République. Il faut que les gens de droite et de gauche se posent cette question. Je ne sais pas ce que donnera le vote final.
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