L'opération militaire française en République centrafricaine a pris fin le 31 octobre. Mais les exactions semblent recommencer et le pays reste divisé. Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’IRIS, démontre les ambiguïtés de cette opération.
RT France : L’opération Sangaris a-t-elle été une réussite, comme l'avait affirmé François Hollande ? Muslmans et chrétiens vivent-ils paisiblement ? Le calme est-il vraiment revenu dans le pays ?
Jean-Vincent Brisset (J.-V. B.) : La mission de l’opération Sangaris était d’assister l’Etat et les forces centrafricaines dans le maintien de la paix. Pour le moment, on a à peu près réussi cette partie de la mission. Maintenant, cela [dépend des] parties : si le nouveau président arrive à s’imposer et si la paix se maintient dans le pays, on pourra dire que Sangaris a réussi. Pour le moment, il semblerait que les exactions aient repris, le pays demeure divisé. Il faut donc attendre pour voir si cela va s’aggraver ou se calmer.
On peut dire qu’aujourd’hui la mission est partiellement réussie, mais on pourra dire dans quelques semaines, dans quelques mois si c’est une vraie réussite ou un véritable échec.
RT France : L’image de l’armée française a été écornée en République centrafricaine, notamment par plusieurs accusations de viols d’enfants par des soldats. Cela aura-t-il des conséquences pour les forces françaises ?
J.-V. Brisset : Ce rapport est attribué à l’ONU mais c’est en fait un rapport d’une ONG sous-traité à une autre ONG. Il y a, à l’heure actuelle de vraies enquêtes qui sont menées. Il y a probablement eu quelques dérapages, c’est une première chose. Ensuite, ce qui est intéressant, c'est de voir la manière dont cela a été exploité par certains. Il y a des gens qui sont prêts à tout exploiter, même si sur le plan factuel, ce n’est pas très sérieux.
Cela ne s’appelle plus Sangaris, mais c’est la même chose que ce qu’était Sangaris jusqu’à aujourd’hui
Les accusations qui ont été faites contre les militaires français ont laissé des traces. Et on risque de découvrir quand même que quelques-uns se sont mal conduits.
RT France : 350 militaires français avec des drones resteront pour former l’armée centrafricaine et servir de réserve de mobilisation rapide en cas de besoin. Ne s'agit-il pas d'une modification de la forme l'engagement militaire français ?
J.-V. Brisset : Le désengagement des Français a commencé il y a déjà longtemps, en 2015. On est arrivé à 350 hommes en juillet dernier et à l’heure actuelle l’effectif déployé en juillet sous le nom Sangaris reste, doté exactement des mêmes moyens et du même nombre d'effectifs. Cela ne s’appelle plus Sangaris, mais c’est la même chose que ce qu’était Sangaris jusqu’à aujourd’hui.
Si les actions reprennent, que les Français reviennent en nombre ou qu’ils laissent faire – dans les deux cas c’est une stratégie perdante
RT France : Quelle est alors la différence entre l’opération Sangaris qui prend fin et la présence prolongée du même effectif militaire ?
J.-V. Brisset : Sangaris était quelque chose qui avait un nom, une autorisation du gouvernement [de Centrafrique], un fonctionnement avec une montée en puissance et une descente en puissance.
On va voir ce qui se passe et si ce pays reste divisé ou s’il va réussir à tenir le pari qui a été fait par le président de la République [François Hollande] quand il a lancé l’opération. Pour le moment, a priori ce n’est pas [le cas]. On n’est pas revenu à un Etat démocratique entièrement pacifié, il faut attendre encore un peu et on verra ce qui restera de cette opération : si les combats reprennent, à l’heure actuelle, la France ne sera certainement plus en mesure, politiquement, d’y envoyer à nouveau des troupes.
Si les actions recommencent – ce qui est, me semble-t-il, en train de se produire – elles nécessite[ront] une réaction plus forte. Comme le disait le chef des milices, «les seuls dont nous avons peur sont les Français». Si les Français n’agissent plus, les actions vont-elles reprendre ? Si les actions reprennent, que les Français reviennent en nombre ou qu’ils laissent faire – dans les deux cas c’est une stratégie perdante.
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