Les BRICS progressent doucement mais sûrement

Les BRICS progressent doucement mais sûrement© Danish Siddiqu Source: Reuters
Président du Brésil Michel Temer, Président de la Russie Vladimir Poutine, Premier-ministre de l'Inde Narendra Modi, Président de la République populaire de Chine Xi Jinping et président de l'Afrique du Sud Jacob Zuma au sommet de BRICS à Goa, Inde, le 16 octobre, 2016
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Tranquillement, petit à petit, les BRICS avancent leurs pions, bâtissent leur puissance par l'intermedaire de divers mécanismes susceptibles d'agir indépendamment des Etats-Unis. L'analyste Pepe Escobar se penche sur le dernier sommet des BRICS.

Le récit officiel au sujet des BRICS à Beltway/Wall Street emprunte, de manière prévisible, deux directions : soit le groupe de cinq puissances émergentes, qui produisent plus de 22% du PIB mondial et où habite plus de 40% de la population mondiale, est «en crise», soit on le considère comme une entité non pertinente.

D'un point de vue économique, les perspectives de BRICS ne sont pas aussi désastreuses qu'il y a un an

Regardons la déclaration de Goa, qui résume les résultats de la réunion annuelle de BRICS qui s'est tenue récemment en Inde. C'est peu de choses, paraît-il. Pourtant, le président Poutine a une fois de plus mis en valeur le contexte : c'est un projet à long terme, un «élément clé» dans le monde multipolaire, guidé par des nations qui n'acceptent pas la «pression du pouvoir» et les tentatives de «ciblage de la souveraineté» effectués par les suspects habituels.

D'un point de vue économique, les perspectives de BRICS ne sont pas aussi désastreuses qu'il y a un an. Le scénario à moyen terme promet une stabilité des prix des matières premières. Même le FMI, qui n'est pas toujours absolument fiable, parie que la Russie aura une croissance de 1,1% en 2017 (après une récession de 3,7% en 2015), alors que le Brésil pourrait regagner 0,5%.

Voyant toujours les choses en perspective, Vladimir Poutine a opté pour un visage courageux, en soulignant l'importance de l'intégration des BRICS effectuée via 30 équipes ministérielles travaillant sur des projets communs (politiques, économiques, humanitaires, sécuritaires et sociaux), sans oublier des avancées majeures telles que la Nouvelle banque de développement (NDB) et le projet proposé d'un mécanisme de monnaie de réserve des BRICS à hauteur de 200 milliards de dollars.

Le Brésil, un cheval de Troie ?

Cette réunion de BRICS était bien délicate. Le Brésil était pour la première fois représenté par Michel Temer l'Usurpateur, le bénéficiaire de la farce institutionnelo-parlementairo-judiciaro-médiatique de la destitution [de Dilma Roussef] qui a eu pour résultat le virage dramatique du Brésil vers le «paradis» néolibéral, largement aligné sur les intérêts de Washington et loin de la plate-forme de BRICS.

L'ancienne présidente Dilma Rousseff avait une relation très productive avec la partie RC du BRICS - Vladimir Poutine et Xi Jinping. On sait que Vladimir Poutine a eu à Goa des rencontres bilatérales avec tous les autres dirigeants des BRICS, sauf Temer. Ils ont en effet eu une courte conversation lors du dîner officiel consacré aux «réformes économiques» au Brésil traversant le choc néo-libéral.

Le temps que Moscou essaie soigneusement d'évaluer quelle direction avait prise la loyauté brésilienne, Temer l’Usurpateur, pour sa part, fait se propager le fantasme selon lequel le Brésil reprend les affaires. Non, ce n'est pas le cas. Un rapide regard sur les chiffres révèle que le chômage est à son sommet historique de 11,2%, les taux d’intérêt sont énormes (14,25% par an), la contraction du PIB est la plus importante des pays BRICS en 2015 (3,8%) ; et le taux cumulé de l’inflation sur an n'a jamais été aussi haut (8,48 %).

Les BRICS continuent à mettre en place une architecture financière crédible et alternative, privilégiant les pays en développement

Les affaires à Goa. La Russie et l’Inde ont signé au moins 18 accords – de l’énergie aux armes. Le conseil d'affaires des BRICS a de nouveau appelé à la création d'une nouvelle agence de notation pour les puissances émergentes, non liée aux cartels américains.

Il y a également eu une rencontre BRICS-BIMSTEC. Le BIMSTEC est une structure de«coopération technique et économique multisectorielle» entre l’Asie du sud et Asie du sud-est qui comprend l'Inde, le Bangladesh, le Myanmar, la Thaïlande, le Bhoutan, le Népal et le Sri Lanka. C’est une sorte d’extension des BRICS.

Dans tous les débats, il est clair que les BRICS continuent à mettre en place une architecture financière crédible et alternative, privilégiant les pays en développement – ce que le système de Bretton Woods a lamentablement échoué à faire.

En parallèle, les BRICS continuent à essayer de changer le système - truqué - de l’intérieur : «Nous appellons les économies européennes avancées à respecter leurs engagements et céder les deux sièges du Conseil d’administration du FMI. La réforme du FMI devrait renforcer la voix et la représentation des membres plus pauvres du FMI, y compris de l'Afrique subsaharienne.» Par contre, cela n'est pas pour bientôt. La semaine dernière, le FMI a annoncé qu'il reportait son calendrier pour achever l’examen des quotas jusqu’en 2019.

Il est également crucial pour les BRIC de «condamner les interventions militaires unilatérales et les sanctions économiques en violation du droit international et des normes des relations internationales universellement reconnues.» Le message, pour les suspects habituels, est sans équivoque.

La même chose concerne le soutien, après l'accord sur le nucléaire iranien, par les BRICS à l’utilisation du nucléaire civil : «Nous soulignons l’importance de la prévisibilité dans l’accès aux technologies et du financement pour l’expansion des capacités nucléaires civiles qui contribuerait au développement durable des pays du groupe BRICS.»

À la différence des suspects habituels, les BRICS sont de fermes partisans de l’OMC en tant que «pierre angulaire d’un système de commerce basé sur les règles, ouvert, transparent, non-discriminatoire et inclusif».

Les BRICS insistent sur le fait que le système actuel de l'ONU porte atteinte à l'organisation

Ainsi l’opposition inévitable entre les pays BRICS et le canard boiteux proposé par l'administration de Barack Obama - TPP et TTIP : «Nous avons noté un nombre croissant d’accords bilatéraux, régionaux et d'accords commerciaux multilatéraux et nous réaffirmons que ceux-ci devraient être complémentaires au système de commerce multilatéral et encourager leurs parties à unifier leur travail en vue de consolider le système de commerce multilatéral dans le cadre de l’OMC, conformément aux principes de transparence, d’inclusivité et de la compatibilité avec les règles de l’OMC.»

Alors que TPP et TTIP portent atteinte à l'OMC, les BRICS insistent sur le faut que le système actuel de l'ONU porte atteinte à l'ONU-même. D'où le besoin d'une «réforme globale de l’ONU, y compris du Conseil de sécurité, en vue de le rendre plus représentatif, plus efficace et performant.» Cela implique, ce qui est bien important, que les partenaires stratégiques RC seront d'accord pour que le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud jouent «un rôle plus important aux Nations Unies».

Le pouvoir principal des BRICS dans la conjoncture géopolitique actuelle n'appartient qu'à «RC»

Nuire à Circus Maximus

On peut en discuter, mais le pouvoir principal des BRICS dans la conjoncture géopolitique actuelle n'appartient qu'à «RC». Même si Narendra Modi était l'hôte à Goa, les extraits sonores préférés étaient ceux de Vladimir Poutine.

Ce n'est pas étonnant : la guerre froide version 2.0 est avec une Russie, et non une Chine, diabolisée au possible. Vladimir Poutine explique donc : «Les Etats-Unis n’acceptent pas les compromis, ce qui est nécessaire pour résoudre les problèmes dans la politique mondiale. Ils choisissent plutôt une politique "contre-productive" des sanctions. [...] Ils n'ont apparemment pas envie de faire des compromis, ils n'ont qu'envie de dicter. Ce style a été formé aux Etats-Unis au cours des 15 à 20 dernières années , et ils ne peuvent toujours pas s'en éloigner.»

Les investisseurs internationaux se fichent complètement d'une Europe pleine d'austérité et en proie à la peur

Ajoutons que le président Poutine n'est pas surpris par des menaces récentes du vice-président américain Joe Biden : «On peut s’attendre à quoi que ce soit de nos amis américains. Qu'a-t-il a révélé de nouveau ? Ne sait-on pas que les responsables américains espionnent tout le monde... [Washington] dépense des milliards de dollars» pour ses services secrets d’espionnage «non seulement contre ses adversaires potentiels, mais également contre ses plus proches alliés».

Et finalement, il est commode pour les néoconservateurs/néolibéraux d'avoir un épouvantail russe bien pratique : «Présenter l’Iran et la menace nucléaire iranienne comme un ennemi, cela n’a pas fonctionné. Présenter la Russie [comme un ennemi] semble plus intéressant. À mon avis, cette carte est activement jouée à l'heure actuelle.»

Au-delà des BRICS, les tendances sont claires. Les investisseurs internationaux se fichent complètement d'une Europe pleine d'austérité et en proie à la peur. La Chine demeure un aimant, avec ses Tencent et Alibaba, par exemple, leaders des 47 % du commerce électronique mondial de la Chine. La Russie et le Brésil deviendront bientôt «attractifs» de nouveau. Tranquillement, pas à pas, les pays des BRICS font avancer leur jeu de puissance, soit par l’intermédiaire de la NDB ou l’Agence de notation pour les économies émergentes, qui bénéficie de l'immunité contre le l'hystérie du cirque de l'establishment américain.

Lire aussi : Pourquoi les nouvelles routes de la soie effraient Washington

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