Rachid Nekkaz : «Les élus français ne veulent plus de l'islam et des musulmans en France»

Rachid Nekkaz : «Les élus français ne veulent plus de l'islam et des musulmans en France»© Charles Platiau Source: Reuters
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On assiste en France à une dégradation dangereuse du respect des libertés publiques, estime l'homme d'affaires et militant politique algérien Rachid Nekkaz, qui a créé un fonds pour payer les amendes anti-burkini.

RT France : Pourquoi avez-vous décidé de payer les amendes pour le port du burkini ?

Rachid Nekkaz (R. N.) : Tout d’abord, je suis un véritable militant des droits de l’homme, comme il y en avait dans les années 50 et 60. C’est vrai qu’aujourd’hui, en 2016, cela n’existe plus. Je n’accepte pas que de grandes démocraties comme la France tournent le dos à ses principes fondateurs. Que la République française, dont la démocratie repose notamment sur le respect des libertés fondamentales, de la liberté religieuse, de la liberté du mouvement, et [ce qui implique] la liberté vestimentaire, utilise la peur de l’islam pour réduire les libertés fondamentales dans l’espace public. Je ne l’accepte pas et ne l’accepterai jamais.

Aujourd’hui nous assistons, en France, à une pente dangereuse concernant le respect des libertés publiques 

C’est pourquoi depuis 2010 j’avais déjà créé un fonds d’un million d’euros pour les amendes visant le port de niqab dans l’espace public : j’ai fait ça en France, en Belgique, en Hollande et depuis le 1er juillet aussi en Suisse. Cela ne m’a pas interdit non plus de défendre la liberté dans des pays musulmans comme le Soudan où, en septembre 2013, on a voulu flageller sur l’espace public une femme qui refusait de porter le hijab. Je suis allé sur place au tribunal, à Khartoum, la capitale. Je suis intervenu auprès des tribunaux, et, grâce à mon intervention, cette femme n’a pas été flagellée. Je n’ai donc pas une attitude à géométrie variable, j’ai une attitude unique qui condamne toutes les violations des libertés fondamentales, que ce soit en Occident ou dans les pays musulmans.

Aujourd’hui nous assistons, en France, à une dégradation dangereuse concernant le respect des libertés publiques. Au début, l’Etat disait qu’on voulait protéger les femmes contre l’oppression des hommes, ensuite l’argument était que la République se vit à visage découvert, que nous avons besoin de voir le visage de l’autre, et aujourd’hui c’est l’histoire du burkini. Mais on ne cache pas le visage avec le burkini ! Là c’est la preuve absolue et éclatante que les élus français et notamment les élus de droite ne veulent plus de l’islam et des musulmans en France. Je crois que leur rêve c’est d’interdire l’islam dans la Constitution française. 

Ce n’est pas l’oppression, c’est une mode

RT France : Certains disent que le burkini c’est un signe d’oppression des femmes. Que pourriez-vous y répondre ?

R. N. : C’est absurde. Si c’était un signe d’oppression, ces femmes seraient emprisonnées chez elles, les hommes leur interdiraient de sortir dans la rue. Là vous avez la chance de voir les femmes, qu’on soit d’accord ou pas d’accord avec elles - à titre personnel je suis contre, mais je ne vais pas les condamner à ne pas porter l’habit de leur choix. Non, ce n’est pas de l’oppression, c’est une mode, c’est un choix personnel et on n’a pas à en discuter. De la même façon qu’on ne discute pas avec les femmes qui portent les mini-jupes, nous n’avons pas à intervenir dans le choix vestimentaire de certaines catégories de la population française, c’est ça la démocratie. Dès lors que le port de ces habits ne représente ni un danger pour la sécurité du territoire, ni un danger pour la liberté publique, nous devons respecter la liberté vestimentaire de cette catégorie spécifique de la population. Sinon, ce n’est pas la démocratie, ça s’appelle la dictature.

La démocratie française c’est une démocratie à une géométrie variable

RT France : Donc pour vous le burkini n’est pas un signe religieux ostentatoire et prosélyte ?

R. N. : Aujourd’hui j’ai l’impression que la démocratie française c’est une démocratie à une géométrie variable : en fonction de l’actualité on nous sort «elles sont oppressées», «nous devons voir leurs visages», mais quand on voit leurs visages, on dit que c’est un signe ostentatoire. C’est un choix personnel, je ne suis pas d’accord avec ce choix, mais je le respecte. Pourquoi s’attaque-t-on aux faibles ? Il y a une chose extraordinaire en France, c’est que toutes les lois contre les femmes ne sont jamais contre les hommes. Ils ont voulu enlever la nationalité française aux djihadistes, ils ont fait marche arrière. A croire qu’ils ont peur des hommes musulmans. Et quand il s’agit des femmes musulmans, ils attaquent, ils n’ont aucune retenue. Moi, j’ai toujours dit que si la loi ne fait pas son travail, moi en tant que militant des droits de l’homme et citoyen, je sortirai systématiquement mon carnet de chèques pour protéger les libertés fondamentales et surtout pour neutraliser sur le terrain l’application de ces lois liberticides.

Je me suis attelé à ridiculiser le gouvernement français

RT France : Pensez-vous que cette polémique va ressortir au niveau national ? 

R. N. : Bien sûr, nous allons assister dans les jours ou semaines à venir à une généralisation de ces lois liberticides. Mais ne vous inquiétez pas, j’aurai toujours mon carnet de chèques pour régler ces amendes, mais surtout pour les ridiculiser aux yeux de la planète entière. Croyez-moi, j’ai les clés, je me suis attelé à ridiculiser les gouvernements français, hollandais, belge et suisse depuis 2010 par rapport aux lois contre les femmes qui portent librement le niqab dans l’espace public.

Si la classe politique veut interdire, il faut qu’elle interdise à tout le monde et pas uniquement aux femmes musulmanes

RT France : Avec votre initiative vous incitez pratiquement les femmes à violer la loi selon laquelle elles n’ont pas le droit de porter le burkini...

R. N. : En payant les amendes je respecte justement la loi. Si une femme porte le burkini, elle aura une amende de 38 euros, moi, je ne fais que payer l’amende. Au contraire, je suis là pour respecter la loi. Si je ne paie pas l’amende, je ne la respecterai pas. Je cède et décide de payer l’amende et c’est la démonstration que je suis là pour respecter la loi.

Si la classe politique veut interdire, il faut qu’elle interdise à tout le monde et pas uniquement aux femmes musulmanes

RT France : Pensez-vous qu’en général il y aura une nouvelle mesure concernant l’interdiction du port de tous les signes religieux, non seulement les signes musulmans, mais aussi les croix et d’autres signes dans les espaces publics ?

R. N. : Dans ce cas-là ce n’est pas un problème, s’ils font des lois générales. Ce que je ne supporte pas, c’est qu’on fasse des lois stigmatisâtes, discriminatoires, liberticides qui s’adressent toujours à une seule catégorie de la population française. Si on interdit les religions dans la Constitution, ça ne m’embête pas non plus. Ce que je n’accepte pas, c’est la stratégie de deux poids, deux mesures. C’est pourquoi je serai toujours là pour neutraliser sur le terrain l’application de ces lois. Il faut que la classe politique assume ses choix, si elle veut interdire, il faut qu’elle interdise à tout le monde et pas uniquement aux femmes musulmanes. 

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