Fondateur de Parménide, cabinet de conseil en innovation sociale et président de Triapalio, Eric Verhaeghe décrypte pour RT France la bataille des autorités concernant les failles et responsabilités autour de l'attentat de Nice du 14 juillet.
RT France : Ces derniers temps, les autorités se sont renvoyées la balle et s’accusent mutuellement concernant la sécurité autour du 14 juillet à Nice. A qui peut-on imputer la responsabilité de l’attentat ?
Eric Verhaeghe : C’est tout d’abord la faute des islamistes ! S’il faut rester prudent avant de jeter la pierre car il est toujours facile de juger après les faits, on peut néanmoins faire un constat : attentat après attentat, la police nationale française a une vraie difficulté à remettre en cause ses stratégies, sa façon de travailler et à se coordonner en interne pour lutter contre les attentats. On voit bien qu’à Nice, il y a eu une série de défections en série. Par exemple, manifestement il n’y avait pas assez de policiers nationaux. Et manifestement, le ministre n’était pas clairement informé de la situation. Donc dans le calendrier, le planning de la surveillance de la présence policière à Nice, les policiers municipaux ont pris de plus en plus d’importance dans la soirée puisque les policiers nationaux se sont retirés petit à petit, et ça, c’était un problème. Par ailleurs, on n’avait visiblement pas mis en place les dispositifs nécessaires pour empêcher le scénario d’un camion qui entre dans la foule et écrase tout le monde. Or Daesh avait publié des communiqués recommandant le recours à cette méthode, et on s’aperçoit aujourd’hui que le terroriste qui a commis l’attentat avait prémédité sa méthode depuis plusieurs mois. La police n’avait donc pas pris au sérieux ce scénario et ne s’est pas donné les moyens d’agir !
Si le chef de l’exécutif peut demander à la justice de détruire des preuves sur l’incompétence du gouvernement, c’est une vraie crise de régime
RT France : Dans un de vos articles, vous dénoncez justement les méthodes qui ne fonctionnent pas. Que faudrait-il faire selon vous pour améliorer les choses ?
Eric Verhaeghe : Très clairement, il faut que la police française lise les publications de Daesh et se prépare aux différents scénarios qu’ils envisagent. On pourrait légitimement attendre que dans une ville comme Nice, aussi peuplée et avec un tel trafic aérien, la police soit préparée et équipée pour faire face aux pires scénarios terroristes, qui sont connus, écris partout, et donc anticipables ! Par ailleurs ce qui est ahurissant, c’est que Nice est la ville de France qui a la plus forte présence de caméras de surveillance, et pendant plusieurs jours avant l’attentat, on a filmé ce camion qui a fait du repérage dans les rues !
RT France : le Canard Enchainé a révélé qu’une initiative visant à installer des contrôles physiques sur les lieux de festivités avait été proposée mais que vu le trop faible nombre de policiers, elle avait été abandonnée…Qu’en pensez-vous ?
Eric Verhaeghe : C’est incompréhensible. Le problème de Nice, c’est que c’est une affectation de fin de carrière, donc on retrouve là bas des policiers plus trop motivés, qui sont affectés là bas pour une vie plus douce : vont à Nice, les policiers qui ont travaillé dur pendant des années à Paris prendre une retraite déguisée. Un tel système est-il encore tenable ? On voit bien que ce qui est en cause, c’est la cogestion de la police avec les syndicats ! Car ce sont les syndicats qui ont organisé ce système, qui fait aujourd’hui des dizaines de morts. C’est grave, parce que non seulement ça fait des morts, mais désormais en France, quelque chose couve : la guerre civile…
RT France : L’Etat a demandé d’effacer les images de vidéo surveillance qui ont filmé le drame. Pensez-vous que les autorités essaient de cacher quelque chose ?
Eric Verhaeghe : Je constate plusieurs choses : manifestement, le ministre de l’Intérieur a fait fuiter dans le Canard Enchainé des informations défavorables au maire de Nice, qui est un maire d’opposition. Ensuite, les Républicains ont à leur tour fait fuiter dans Libération, des informations qui étaient défavorables au ministre de l’Intérieur, puis enfin on a fuité dans le Figaro, que la sous direction anti terroriste, avait demandé la destruction des preuves filmées de ce qui s’est passé à Nice. On voit bien qu’il y a un climat délétère, qui porte au soupçon et à la haine ! Dans ce cadre là, la demande d’effacer les images de vidéo surveillance peut en effet être interprétée comme une volonté de François Hollande de détruire des preuves de l’incompétence du gouvernement en matière de lutte contre le terrorisme. Pourquoi François Hollande ? Parce que c’est lui qui a demandé dès le lendemain de l’attentat à avoir les bandes d’enregistrement, il a donc vu la réalité de ce qui s’était passé, et on peut penser que la sous direction de l’anti terrorisme n’a pas agit sans l’aval de l’Elysée pour demander la destruction des preuves. Et ça, ça pose un vrai problème constitutionnel : si le chef de l’exécutif peut demander à la justice de détruire des preuves sur l’incompétence du gouvernement, c’est une vraie crise de régime qui pourrait s’ouvrir aujourd’hui...
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