Le 14 mai 2016 est le jour où la musique est morte et où un concours dont le but premier était l’harmonie internationale est devenu la scène de la nouvelle guerre froide, impitoyable et obsessionnelle des élites occidentales contre la Russie.
L’Ukraine a présenté une chanson purement politique qui aurait dû être interdite dès le début puisqu’elle enfreignait ouvertement la règle de l’Union européenne de radio-télévision selon laquelle les sujets des chansons ne doivent pas porter sur la politique. Mais cela ne l’a pas empêché de remporter le concours Eurovision de la chanson, même si le pays qui a reçu le plus de votes du public a été la Russie.
Les soi-disant «professionnels de l’industrie de la musique» qui représentaient 50% des votes ont permis la victoire de l’Ukraine et placé la Russie en cinquième place ex-æquo, avec 81 points de moins que le vainqueur.
Comme certains l’ont fait remarquer sur Twitter le 14 mai, l’Eurovision cette année s’est résumé à un remake des élections présidentielles américaines de 2000 que George W. Bush a remportées bien qu’Al Gore ait obtenu plus de voix. L’establishment laisse le petit peuple s’exprimer mais il conserve des mécanismes qui lui permettent d’obtenir le résultat final qu’il souhaite.
L’Ukraine a présenté une chanson purement politique qui aurait dû être interdite dès le début puisqu’elle enfreignait ouvertement la règle de l’Union européenne de radio-télévision
L’idée que le concours ait lieu en Russie l’année prochaine et que cette dernière puisse le remporter a sûrement fait paniquer les cercles de l’establishment. La prochaine Coupe du monde de football a déjà été octroyée à la Russie, un événement largement critiqué par les russophobes qui ont appelé au boycott ou au transfert de l’événement ; alors l’Eurovision en Russie serait la goutte qui fait déborder le vase. La Russie devrait être punie et isolée pour avoir déjoué les plans de l’Occident en Syrie et dans d’autres régions, et donc, ne pas recevoir d’événements suivis par des millions de personnes dans le monde.
L’Union européenne de radio-télévision s’inquiétait beaucoup d’une possible victoire russe cette année et a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que cela n’arrive pas. Ce n’est pas seulement le système de vote – avec des «jurys nationaux» pour fausser l’opinion du publique – qui a permis la victoire de l’Ukraine, mais également l’ordre de passage des participants. Jamala, la candidate ukrainienne, a obtenu le numéro 21 pour chanter «1944».
l’Eurovision cette année s’est résumé à un remake des élections présidentielles américaines de 2000 que George W. Bush a remportées bien qu’Al Gore ait obtenu plus de voix
Dans un concours où tant de pays prennent part, obtenir un créneau vers la fin de l’émission est souvent un avantage non négligeable.
Jamala aurait-elle obtenu un tel résultat si elle avait chanté au début de l’émission ? J’en doute fortement.
L’Union européenne de radio-télévision a finalement obtenu le résultat qu’elle voulait, mais ce faisant, elle a anéanti le concours. L’Eurovision a longtemps été corrompue par le vote en bloc – lorsque les pays votent pour leurs voisins – mais ce qu’il s’est passé cette année est complètement différent. La politisation et l’agenda de la compétition n’ont jamais autant sauté aux yeux.
Les vrais fans de l’Eurovision pensent que la politique des pays participants ne devrait pas influencer le vote et sont scandalisés par ce qu’il s’est passé.
Prenez les voix du «jury national» anglais. Les «professionnels de l’industrie de la musique» britannique ont accordé 10 points à l’Ukraine, mais aucun à une chanson russe que le public a préféré. Parti pris ? Loin de moi cette idée ! Je suis sûr que le ministre des Affaires étrangères, Philip Hammond, a approuvé le choix du jury.
Le public [...] ne partage pas les préjugés russophobes de l’élite et le vote du public l’a confirmé
Le public britannique ne partage pas les préjugés russophobes de l’élite et le vote du public l’a confirmé : la Russie est arrivée en quatrième place, devant l’Ukraine.
On a observé la même déconnexion entre les jurys nationaux et le public dans d’autres pays.
Le jury serbe a donné 12 point à l’Ukraine mais le peuple serbe a voté pour la Russie. Le jury israélien n’a donné aucun point à la Russie mais 12 à l’Ukraine, alors que le public israélien a placé la Russie en seconde place. Le public ukrainien lui-même a mis la Russie en première place, prouvant que l’hostilité ukrainienne envers la Russie vient surtout de l’élite ukrainienne.
Ceux qui croyaient que l’Eurovision consistait à voter pour la meilleure chanson cherchent encore une explication aux résultats de cette année.
Le tweet de PaddyPower qui, comme d’autres bookmakers plaçait la Russie en grande favorite, résumait parfaitement la situation :
Comment cette chanson a-t-elle pu gagner ? C’est nul.
Cela a permis de montrer à tout le monde les limites de la démocratie en Occident
Dan Eccles a répondu à cette question.
Alors que les Russes se sentent – à juste titre – victimes de tricherie, c’est un mal pour un bien puisque cela a permis de montrer à tout le monde les limites de la démocratie en Occident.
Les gens doivent être présents pour pouvoir voter, mais pour s’assurer que le résultat convienne aux élites, des blocs doivent être mis en place.
Aux Etats-Unis, Bernie Sanders devance Hillary Clinton dans les primaires démocrates, mais même s’il rattrape la candidate soutenue par Wall Street et le secteur militaro-industriel, il y a toujours les «super délégués» et Hillary Clinton bénéficierait du soutien de 524 d’entre eux, contre 40 pour Sanders.
L’été dernier au Royaume-Uni, Jeremy Corbyn, le candidat de gauche contre la guerre et largement soutenu par les membres de son Parti, a nettement remporté les primaires pour la tête du parti Travailliste. Mais son idée de la démocratie a fait des vagues au sein de l’establishment blairiste du Parti et des changements sont en cours pour modifier la répartition des pouvoirs au sein du Parti et en donner davantage aux députés qui se situent plus à droite.
La possibilité pour le peuple de décider sans qu’aucun bloc anti-démocratique ne soit mis en place terrifie les élites des «démocraties» américaine et européennes.
Si seul le vote populaire avait compté lors de l’Eurovision, c’est la Russie et non l’Ukraine qui aurait été couronnée le 14 mai
S’il s’avère qu’après tout ce lavage de cerveau et cette propagande pro-establishment, le petit peuple ne vote pas «comme il fallait», on le fait simplement revoter – comme ce fut le cas des Irlandais quand ils ont refusé le Traité de Lisbonne lors du référendum de 2008. Et si les Britanniques votent en faveur du Brexit le 23 juin, ne pensez-vous pas que l’Union européenne essayera d’obtenir le résultat inverse ?
Si David Cameron a regardé l’Eurovision, peut-être changera-t-il les termes du référendum pour nominer un «jury national» constitué d’«experts» dont le vote représentera 50% du résultat final.
Si seul le vote populaire avait compté lors de l’Eurovision, c’est la Russie et non l’Ukraine qui aurait été couronnée le 14 mai. Merci aux super délégués, pardon, aux «professionnels de l’industrie de la musique», qui ont évité que le cauchemar de l’establishment russophobe ne se produise. Cela a beau n’être «qu’un concours de chansons», le résultat était visiblement d’une extrême importance aux yeux de certains.
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