Une bombe a explosé dans un bus à Jérusalem, faisant au moins 21 blessés. Cela fait plusieurs mois que les actes de violence se multiplient. Pour Frédéric Encel, il est très compliqué d'anticiper les événements à venir dans la région.
Frédéric Encel est maître de conférences à Sciences Po et professeur à la Paris School of Business. Il est également l’auteur d'Atlas géopolitique d'Israël, aux éditions Autrement.
RT : Une bombe a explosé dans un bus à Jérusalem hier, faisant au moins 21 blessés. Le service de sécurité intérieure israélien a parlé d'une «attaque terroriste». Comment expliquez que cette attaque arrive à ce moment précis ?
Frédéric Encel (F.E.) : Il n’y a pas d’élément déclencheur qui pourrait donner un sens à cette explosion. C’est un regain de tension, une situation de violence qui dure depuis presque un an. Cela fait dix mois que des phénomènes de violence se perpétuent à Jérusalem mais pas seulement. Ce qui est intéressant c’est que cette attaque n’est pas revendiquée, même si le Hamas s'en félicite, le modus operandi ne correspond pas. Je ne pense pas que l’autorité palestinienne soit à l’origine de ces attaques, Mahmoud Abbas rejette ces violences.
C’est un regain de tension, une situation de violence qui dure depuis presque un an
Cette attaque est très «artisanale» et c’est en cela qu’elle se différencie des attentats à l’explosif des années 90 ou 2000. Après, cela peut préfigurer d’un retour à une autre forme de violence réellement terroriste, mais pour le moment il est trop tôt pour le dire. Une bombe dans un bus, ce n’est pas un couteau dans la rue, le recours à l’explosif renvoie aux années 2000 et au début de la deuxième Intifada.
RT : Les images rappellent en effet les attentats suicide dans des bus, lors de la deuxième Intifada et qui ont semé la terreur en Israël de 2000 à 2005. La dernière attaque palestinienne contre un bus à Jérusalem remonte à 2011. Comment les services israéliens de sécurité ont-ils réussi à stopper les attentats jusqu’à aujourd’hui ?
F.E. : Les services de renseignement israéliens sont efficaces. Ils sont parvenus à comprendre ce qu’il se passait de l’autre côté grâce à des indicateurs, ils ont infiltré des réseaux, ils ont identifié quelle partie de la population palestinienne et dans quelle zone il y avait potentiellement des risques de troubles et d’attentats. C’est le propre des bons services de renseignement.
Au-delà des mots qui sont parfois très forts entre Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas, sur le terrain la coopération fonctionne
Il faut ajouter que les renseignements israéliens coopèrent beaucoup avec la police palestinienne de Mahmoud Abbas. Au-delà des mots, qui sont parfois très forts entre Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas, sur le terrain la coopération fonctionne. D’un point de vue sécuritaire, la situation en Israël était très bonne jusqu’à ces derniers mois. La dernière décennie, de 2005 à 2015 a été bonne.
RT : Alors que bientôt débutent les célébrations de la Pâque juive, peut-on craindre une multiplication de ces attentats dans la région, voire une escalade de violences ?
F.E. : Dans la mesure où la première intifada de 1987 n’avait pas été anticipée, où l’ampleur de la deuxième intifada n’avait pas non plus été prévue, on peut tout craindre. Les printemps arabes en 2011 avaient complètement échappé aux renseignements arabes et occidentaux. Dans la région, les phénomènes sont soudains, et même si on en connait les causes, qu’elles sont faciles à analyser, on a beaucoup de mal à anticiper les événements à venir.
La seule certitude c’est que, pour le moment, le processus de paix est bloqué. Il faut préciser que les Palestiniens dans les territoires vivent socialement et économiquement mieux aujourd’hui qu’il y a dix, quinze ans, je pense notamment à la ville de Ramallah qui a connu un certain développement. Ce qui permet d’y espérer le non recours à la violence d’un certain nombre de jeunes gens.
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