Le gouvernement turc doit se justifier de la façon dont il est intervenu à Cizre à l’égard de la population kurde, estime la députée européenne Marie-Christine Vergiat.
RT France : Ensemble avec 17 autres députés européens, vous avez appelé les dirigeants turcs à mettre fin à la répression dans les zones kurdes. Avez-vous obtenu une réponse ?
Marie-Christine Vergiat : Non, pas pour le moment. En dehors de la réponse traditionnelle concernant l’usage modéré de la force, qui ne nous convient pas. C'est une réponse diplomatique, mais qui n’a pas de sens.
RT France : Les militants kurdes disent que des centaines de Kurdes ont été tués lors de la répression, tandis que la Turquie insiste sur le fait qu’elle ne cible que le PKK. Le problème n’attire pas beaucoup l’attention de la communauté internationale. Pourquoi ?
On a vu des gens mourir dans la rue – faute, pour les ambulances, de pouvoir accéder à ces blessés
Marie-Christine Vergiat : Ce n’est pas tout-à-fait vrai. Je pense que le Parlement européen se mobilise de plus en plus. Nous sommes en train d’examiner le rapport annuel sur les relations entre l’Union européenne et la Turquie, et ce rapport dénonce largement ce qui se passe dans le Sud-Est de la Turquie. La répression s’aggrave depuis le mois de juillet, il y a plus de 20 villes mises sous couvre-feu sur des durées variables Le symbole de cette répression, si je peux m’exprimer ainsi, c’est ce qui s’est passé à Cizre. Les images que nous commençons à avoir de Cizre sont hallucinantes. On a l’impression d’être en Syrie, à Alep ou dans une autre ville syrienne, et pas vraiment en Turquie, dans un pays qui se prétend démocratique.
RT France : Nous apprenons maintenant que le couvre-feu a été levé dans certains endroits. Pensez-vous que ce soit suffisant ?
Marie-Christine Vergiat : C’est un minimum, j’ai envie de dire, parce que le couvre-feu, en réalité, c’est l’enfermement de la population dans des portions de villes, voire des villes entières, qui n’ont plus quasiment aucun contact avec le monde extérieur, qui ne peuvent pas recevoir même de la nourriture, des soins. On a vu des gens mourir dans la rue – faute, pour les ambulances, de pouvoir accéder à ces blessés. On a vu des cadavres durant plusieurs jours laissés dans la rue, parce que les convois funéraires ne pouvaient pas les récupérer et les enterrer dignement.
Donc, la levée du couvre-feu est un minimum, mais il y a encore plusieurs villes sous couvre-feu en Turquie, dont Sur, la vieille ville de Diyarbakir. Et c’est cela qui nous inquiète.
Il faut que la lumière soit faite, que le gouvernement turc justifie ces positions
RT France : RT a effectué un déplacement dans la zone afin de trouver des preuves des massacres revendiqués, et a lancé une pétition appelant à ce qu’une enquête internationale indépendante soit lancée. Seriez-vous prête à la signer?
Marie-Christine Vergiat : Cela dépend des termes de la pétition. Je ne signe jamais une pétition sans l’avoir lue. Ce dont on est sûr, c’est qu’il y a de 100 à 150 personnes qui ont été tués à Cizre, que parmi ces 100 à 150 personnes il y a des femmes et des enfants, y compris des enfants en bas âge. Un enfant en bas âge ne peut pas être un terroriste. Effectivement, le gouvernement turc doit se justifier de la façon dont il est intervenu à Cizre. Même dans le cadre de la lutte contre le terrorisme on n’utilise pas des armes de guerre, et les images que nous avons vues à Cizre sont des images de guerre, où même le droit de la guerre n’a pas été respecté.
RT France : Quelles sont les chances qu’une enquête sur les massacres de civils présumés à Diyarbakir soit finalement ouverte ?
Marie-Christine Vergiat : Je ne parlerais pas de massacres de masse, le terme me paraît trop fort. Il y a des massacres de la population civile, il y a de nombreuses victimes civiles des interventions des forces militaires et policières. Il faut que la lumière soit faite, que le gouvernement turc justifie ses positions. Le Parlement européen doit envoyer prochainement une mission en Turquie et j’espère qu’ils auront un minimum d’information en la matière. Cela n’empêche pas une enquête internationale : les ONG, les avocats sont en train de faire un rapport sur ce qui s’est passé. Je pense que nous pourrons nous appuyer là-dessus.
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