Nicolas Dhuicq sur l’opération russe en Syrie : «militairement, pour moi, c'est un succès»

Nicolas Dhuicq sur l’opération russe en Syrie : «militairement, pour moi, c'est un succès»
Nicolas Dhuicq
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Le député de l’Aube Nicolas Dhuicq fait part à RT France de sa vision du conflit syrien et de la crise des réfugies.

RT France : Le président russe Vladimir Poutine a annoncé le retrait des forces russes de Syrie puisque selon lui «la campagne militaire russe a rempli sa mission». Pensez-vous que la campagne russe en Syrie a été une réussite ?

Nicolas Dhuicq (N.D.) : Je pense qu'on peut dire que c'était un succès pour le président Poutine et pour la Fédération de Russie, mais aussi pour la paix en général et pour la Syrie elle-même, un pays qui souffre de la guerre depuis plus de cinq ans. Quels sont les résultats ? Premièrement, je pense que nous avons une protection des minorités alaouites, chiites, et principalement chrétiennes, qui étaient menacées de destruction et d'égorgement purs et simples si le régime de M. Assad tombait. Deuxièmement, la route du ravitaillement de l’État Islamique, en particulier en direction d'Alep, est désormais coupée par les frappes aériennes russes. Troisièmement, les Russes ont solidifié leur présence sur la base navale de Tartous, qui est très importante. Et quatrièmement, ceci a donné à l'armée syrienne régulière, l'armée de M. Assad, la possibilité de reprendre du terrain et de mener des opérations en regagnant sa souveraineté aérienne. Donc militairement, pour moi, c'est un succès.

L'autre crainte que j'ai, c'est que la guerre avec l’État Islamique et avec l'ensemble des islamistes ne soit pas terminée

Néanmoins, il y a deux difficultés qui restent. La première c'est faire attention à ce que la Syrie ne soit pas dépecée parce que c'est un Etat laïc, un État souverain. J’ai été frappe, lors de mon déplacement à Damas, de voir que toutes les autorités syriennes qu'elles soient civiles ou religieuses commençaient leurs propos en disant «Nous sommes avant tout Syriens, avant d'être Druzes, avant d'être Alaouites, avant d'être Kharijites». Et l'autre crainte que j'ai, c'est effectivement que la guerre avec l’État Islamique et avec l'ensemble des islamistes ne soit pas terminée, puisque ceux-ci ne comprennent que la force et nous sommes malheureusement dans une politique qui sera une politique de destruction complète de l’État Islamique, mais aussi d'al-Nosra et d’Al-Qaïda.

 

RT France : Comment la situation en Syrie va-t-elle évoluer après le retrait des troupes russes ?

N.D. : D'abord, je pense que l'armée syrienne a besoin d'une pause. C'est une armée qui fait la guerre depuis cinq ans, qui a perdu 80 000 hommes, et qui au commencement du conflit, se battait sur 2 500 endroits à la fois. On n'imagine pas une armée régulière se battre sur 2 500 endroits à la fois sur son propre territoire. Je prends pour exemple le quartier Jobar qui est un quartier de Damas toujours tenu par les islamistes. Nous sommes face à un combat de rue, ça parlera aux Russes, parce que c'est la bataille de Stalingrad qui s'annonce, il faut reprendre ce quartier.

L'objectif sera d'encercler, de couper les ravitaillements, de faire en sorte que le quartier se rende, en espérant que les islamistes qui sont là-bas soient capables d'entendre un minimum de raison. Mais, pour le moment, il y a donc cette pause stratégique, et deuxièmement, les négociations qui vont reprendre, avec aux côtés du gouvernement syrien légal quelques représentants d'opposition qui ne sont pas islamistes. Mais, malheureusement, ils sont peu nombreux, il ne faut pas être naïf.

C'est à eux, au peuple syrien de décider de son avenir, c'est aux Syriens eux-mêmes de décider s'ils veulent continuer avec ou sans Assad

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RT France : Il y a eu peu de réactions officielles de Paris à l’annonce du retrait des forces russes. Pourquoi à votre avis ? 

N.D. : Je vois deux raisons : la première raison c'est que malheureusement la France a abandonné sa politique de souveraineté nationale en matière de politique étrangère, en particulier dans ce que nous, les Français, appelons le Levant, c'est-à-dire le Moyen-Orient, ou le Proche-Orient pour parler français. Les Syriens, je le rappelle, parlaient français et apprenaient le français. Une France qui était très présente dans ce pays et qui l'a malheureusement abandonné. Certains ministres ont du mal à comprendre qu'il fait revenir en Syrie absolument. J'espère de ce fait que M. Ayrault sera plus raisonnable que M. Fabius. 

La deuxième raison tient à la politique internationale et au fait que je crains que les gouvernements de l'Europe de l'Ouest se soient laissés abuser quelque peu par la propagande américaine qui leur présentait M. Assad comme le vrai danger, comme un tyran sanguinaire, alors que quand vous allez à Damas dans les quartiers qui sont protégés, il y a toujours la collecte des poubelles, les fonctionnaires sont payés, le régime tient et l'ensemble des Syriens que nous avons vu nous demandaient de maintenir le régime d'Assad. Je pense que c'est parce que c'est à eux, au peuple syrien de décider de son avenir, c'est aux Syriens eux-mêmes de décider s'ils veulent continuer avec ou sans Assad. Mais en tout état de cause, la logique, la rationalité, voulait que l'on protège les troupes de M. Assad et que l'on travaille avec lui. Donc, les chancelleries occidentales ont du mal à admettre qu'elles se sont trompés.

J'ai toujours peur que la Syrie ne soit morcelée, ne soit dépecée

RT France : Vous vous êtes déplacé à Damas à plusieurs reprises et vous avez vu la situation sur place. Comment avez-vous réagi personnellement à l’annonce du retrait des forces russes ? 

N.D. : Deux aspects : premier aspect, l'efficacité de l'intervention russe, en particulier en appui des troupes du régime d'Assad au sol pour regagner du terrain. Deuxièmement, par contre, une inquiétude pour la Syrie. J'ai toujours peur que la Syrie ne soit morcelée, ne soit dépecée et je sais que le combat n'est pas terminé avec l’État Islamique, avec la propagande wahhabite, qui est le poison de l'islam sunnite, dans cette guerre qui se joue aussi entre les islams, entre le monde chiite et sunnite, mais aussi au sein du sunnisme, entre les wahhabites et les sunnistes, qui veulent vivre un islam apaisé.

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RT France : La guerre en Syrie a provoqué la crise des réfugiés. Quelle serait la solution à ce problème ?

N.D. : Pour moi, la solution serait tout d'abord de lever l'embargo contre la Syrie. J'espère que les chancelleries occidentales entendront cet appel, parce que c'est un embargo qui est contre-productif, il détruit les entreprises syriennes, il met les gens au chômage, et comme les gens sont au chômage, ils sont obligés soit d'immigrer, soit se faire acheter par Daesh pour 300 dollars par mois pour se battre. Il faut donc d'abord lever l'embargo, ça serait la chose la plus raisonnable face à la Syrie. Deuxièmement, reprendre pied en Syrie, en particulier en faisant en sorte, pour ce qui est de la France, qu'elle soit à nouveau présente au sein de la Syrie.

Etre moins naïf par rapport à M. Erdogan, qui fait un véritable chantage financier en particulier à Mme Merkel et à l'Union européenne

Troisièmement, considérer qu'il faut travailler avec M. Assad et cessez de le vouer en permanence aux gémonies. Et puis quatrième point, en ce qui concerne les migrants qui sont la conséquence de tout cela : être moins naïf. Etre moins naïf par rapport à M. Erdogan, qui fait un véritable chantage financier en particulier à Mme Merkel et à l'Union européenne, en lui disant «Si vous ne payez pas, je vous envoie les migrants» et nous savons très bien les uns et les autres, il n'y a pas que les Syriens. Il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas des personnes de nationalité syrienne, qui ont eu des passeports syriens, qui ont appris en marchant où ils étaient nés en Syrie, qui ont appris en marchant l’hymne national patriotique syrien, qui n'ont donc rien à faire dans la grande Syrie, ils n'ont rien à faire avec la Syrie.

 

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