Libye : «L’intervention a créé un chaos indescriptible»

Libye : «L’intervention a créé un chaos indescriptible» Source: Reuters
Une explosion entre Benghazi et Ajdabiyah en Libye (mars 2011)
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Il y avait vraiment une sorte d’entente entre des pays occidentaux pour intervenir en Libye, explique le directeur-adjoint du Centre d’études sur l’interventionnisme Julien Teil.

RT France : Vous avez été en Libye pour dénoncer les prétextes de cette guerre. Qu’avez-vous pu voir pendant votre voyage ?

Julien Teil : Malheureusement, comme mon voyage en Libye s’est déroulé au mois de juillet, à la fin d’intervention de l’OTAN, il était très difficile de pouvoir quitter l’hôtel où nous étions puisque c’était un hôtel sous responsabilité du régime libyen. Et les autorités avaient énormément peur que des journalistes occidentaux ou, en tout cas, des occidentaux puissent se faire tuer. Ce que j’ai pu observer sur place est sans doute très mince par rapport à tout ce qui a pu se passer avant. Mais ce qui est certain est que les bombardements de l’OTAN étaient massifs et qu’à plusieurs reprises on nous a conduits sur des lieux où l’OTAN avait bombardé des civils. C’était indéniable.

Il s’agissait d’une guerre civile, donc on était obligé de choisir son camp

RT France : Vous avez rencontré des Libyens sur place, que vous disaient-ils ?

Julien Teil : Les gens avaient très peur. Ils avaient très peur pour l’avenir, pour leurs familles. Il s’agissait d’une guerre civile, donc on était obligé de choisir son camp. Soit on était dans le camp de ceux qu’on présentait comme des révolutionnaires, soit on était dans le camp du régime. C’est ainsi que, malheureusement, les Libyens vivaient cette guerre. Toute personne qui vivait sur place avait ce choix à faire, et ce malgré la connaissance qu’elle pouvait avoir de la complexité de la situation.

RT France : Vous avez écrit le Livre noir des ONG. Quel est leur rôle dans l’escalade du conflit libyen ?

Julien Teil : A la fin du mois de février 2011, après les premiers événements, il y a eu un certain nombre d’organisations de droits de l’Homme qui se sont mobilisées pour lancer une pétition. Cette pétition est le point de départ de certaines critiques à l’égard du régime libyen. Il s’agissait quand même de critiques assez incroyables puisqu’on accusait le régime libyen d’avoir bombardé son propre peuple lors d’une manifestation, on l’accusait d’employer des mercenaires étrangers, et on l’accusait, pour reprendre les termes de ces ONG, «de mener une stratégie de terres brûlées en Libye». Ces accusations étaient également accompagnées d’un certain nombre de chiffres : on parlait de 6 000 morts, de centaines de blessés dans les bombardements et de «l’horrible répression» du colonel Kadhafi. Et toutes ces accusations – émanant des ONG et de l’ONU – venaient en fait d’un seul et même homme. Cet homme, qui est décédé il y a une dizaine de jours et qui était le représentant de la branche libyenne de la Fédération Internationale des droits de l’Homme, une ONG française, c’était Sliman Bouchuiguir.

Il y avait véritablement une forme d’entente entre des pays occidentaux souhaitant intervenir

Ce monsieur, de par les entrées qu'il avait au conseil des droits de l'Homme de l'ONU à Genève, et lui-même résident suisse, a fait devant les Etats-membres de la Commission du Conseil des droits de l'Homme un discours très exagéré, reprenant ces accusations et ce lobbyisme exercé par son ONG et d’autres qui lui étaient assignées. Je pense en particulier à l'association U.N Watch, sorte de satellite de l'American Jewish Committee et de la National Endowment for Democracy, une organisation dépendant du département d'Etat américain. Ces trois organisations sont donc passées au Conseil des droits de l’Homme, ont fait cette pétition et ses conséquences ont été d'une part la suspension de la Libye du Conseil des droits de l'Homme – puisque la Libye en était membre à cette époque. Cette sanction contre la Libye était une première, puisqu'aucun pays n'avait jamais été expulsé du tout jeune Conseil des droits de l'Homme. Les conséquences ont été évidemment désastreuses d’un point de vue diplomatique puisque cela a inévitablement conduit à la révolution. C’est cela qui a vraiment engendré l'intervention de l’OTAN.

RT France : Comment avez-vous su que les propos Sliman Bouchuiguir étaient mensongers ?

Julien Teil : J'avais énormément de doute sur ses propos, donc je l’ai contacté. Je l’ai rencontré au mois de juin, juste avant mon départ en Libye, et j'ai pu l’interviewer. Il m'a tout simplement avoué qu'il n'avait absolument aucune preuve de ce qu'il avait dit devant l’ONU, que tout n’était qu’évaluations, estimations. Et quand je lui ai demandé d'où venaient ces informations, il a dit qu’elles venaient du Conseil national de transition, qui était en fait le gouvernement de l’opposition. Il m'a même dit que plusieurs membres de ce Conseil national de transition, qui à l'époque faisaient office de gouvernement provisoire, étaient également des membres de son organisation des droits de l'Homme. Il y avait véritablement une forme d’entente entre des pays occidentaux souhaitant intervenir, un conseil national provisoire et des ONG, le tout finissant par former un seul et même bloc pour créer une situation, créer la situation permettant l’intervention.

Je ne crois pas qu’une nouvelle intervention soit la solution

RT France : Actuellement, à en juger la déclaration des autorités françaises, les pays occidentaux pourraient envisager une nouvelle intervention en Libye, contre Daesh cette fois. Cela vous paraît-il raisonnable? 

Julien Teil : La première intervention n'était déjà pas raisonnable. La première intervention a créé un chaos indescriptible. La France et ses partenaires sont intervenus au motif qu'il fallait préserver des vies humaines, et on voit bien le résultat. Je ne crois pas qu’une nouvelle intervention soit la solution. Même s’il faut reconnaître que la situation est dramatique sur place maintenant qu'on a détruit les centres du pouvoir africains et moyen-orientaux. Évidement, les seuls à entendre intervenir sont encore une fois la France, les Etats-Unis et leurs partenaires. Donc je ne me prononcerai pas sur l’utilité ou non d’une nouvelle intervention – je ne suis pas assez spécialisé pour cela – mais ça me semble en tout cas très hasardeux et dangereux au regard de la précédente. 

 

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