La Libye, entre guerre civile et lutte contre Daesh, fête les cinq ans de sa révolution
Il y a cinq ans, jour pour jour, avait lieu en Libye le début officiel de la révolution qui a mené à la chute de Mouammar Kadhafi. Mais l’avenir du pays n’est pas réjouissant car il reste en proie à la guerre et doit en plus faire face à Daesh.
Tout a débuté le 15 février 2011 à Benghazi, avec l’arrestation de l’avocat et défenseur des droits de l’Homme Fathi Terbil. Ce jour-là, une manifestation en son soutien s’est déroulée dans la ville. Mais c’est véritablement le 17 février, «le jour de la colère», que des émeutes de masse ont eu lieu dans plusieurs villes. Elles ont abouti à la guerre entre les opposants et le gouvernement, à l’intervention des forces de l’OTAN avec la France à leur tête et, finalement, à la chute du dirigeant libyen, se soldant par son sauvage assassinat.
C’était d’abord l’euphorie pour le peuple libyen. Tous – opposants, militants, fonctionnaires, étudiants – se sont réjouis des résultats, réchauffés par les médias locaux et internationaux qui louaient «les premières élections démocratiques».
Mais ce bonheur n’a pas duré bien longtemps. Alors que le pays a vu le remplacement de ministres, la plupart des membres du gouvernement sont restés au pouvoir et à leurs positions alors que la corruption entachait l’énorme financement des combattants révolutionnaires et les compensations aux blessés de guerre.
Pire, les stocks d’armes de Mouammar Kadhafi ont été pillés et des groupes radicaux se sont emparés des armes, ce qui a mené à la prolifération de plusieurs groupes de combattants et à la perte de contrôle par le nouveau gouvernement, le Conseil national de transition, de l’ensemble du territoire. Le Congrès général national, son successeur, n’ayant pu améliorer la situation, la Libye a commencé à perdre sa structure étatique.
Un Etat – deux gouvernements
Tout cela a abouti aux élections générales de 2014 et à une nouvelle guerre civile. Le nouveau parlement, la Chambre des représentants (CdR) se réunit à Tobrouk, à l'Est du pays. Le groupe islamiste Fajr Libya, après avoir chassé les forces du général Khalifa Haftar, a refusé de reconnaître la CdR et demandé au Congrès général national (CGN – le parlement sortant élu en 2012) de rester au pouvoir. La CdR s’est alors rapprochée des forces de Haftar, autoproclamée Armée nationale libyenne. La rupture était bel et bien consommée.
Depuis ces événements, deux gouvernements irréconciliables ont vu le jour et se livrent une bataille politique et médiatique acharnée. Même s’il y a eu un espoir de voir se constituer un gouvernement d’union nationale, sur lequel étaient tombés d’accord les représentants des deux parlements libyens le 19 janvier dernier, à Tunis, sous l'égide de l'ONU, la situation reste tendue. Le parlement libyen reconnu par la communauté internationale persiste à rejeter l’accord. Et, alors que les deux parties en conflit ne peuvent résoudre leurs différends, entre en jeu une nouvelle force beaucoup plus terrifiante : Daesh.
Daesh avance
La situation chaotique dans laquelle se trouve le pays est une aubaine pour l'Etat islamique qui, après un léger recul en Syrie et en Irak depuis le début des frappes occidentales, voit dans la Libye un nouveau fief pour ses combattants et nouvelles recrues.
Arrivée en Libye en octobre 2014, l'organisation terroriste contrôle aujourd'hui une zone d'environ 270 kilomètres de côtes méditerranéennes, exactement entre les territoires des deux gouvernements libyens. Les terroristes y exercent leur autorité sur plusieurs infrastructures de premier plan : aéroport, ports, centrales électriques, raffineries.
D’après Stephen Zunes, expert du Moyen-Orient, il n’est pas surprenant que Daesh soit doté d’armes sophistiquées. «Pendant la révolte contre Kadhafi beaucoup d’armes ont été pillées dans les stocks de son armée par les rebelles, ces rebelles qui ont en plus été soutenus par l’OTAN», souligne l’expert. Par la suite, une partie de ces rebelles a décidé de rejoindre Daesh.