Le gouvernement socialiste montre qu’il n’est pas l’allié des agriculteurs, estime le sénateur de la Côte-d'Or Alain Houpert.
RT France : A votre avis, où se trouvent les origines de cette crise agricole ?
Alain Houpert : Elles sont multiples et multisectorielles. Cela fait assez longtemps que cette situation existe et là, elle devient intolérable. Les agriculteurs connaissent tous les ans des crises économiques, climatiques... ce qui fait que beaucoup d’exploitations agricoles produisent en-dessous de leur prix de revient. On ne peut pas demander à des entreprises qu’elles travaillent à perte. C’est donc un drame pour les agriculteurs : il y a un suicide tous les trois jours. C’est un symbole fort. Ce sont des gens qui n’en peuvent plus. Je connais bien ce milieu parce que j’en suis issu : mon grand-père était agriculteur, mes cousins sont agriculteurs.
Le consommateur ne veut pas manger de la merde
Quand je reviens de Paris sur ma circonscription, je suis face à la problématique. Ils sont accablés de charges, de contraintes administratives, de contrôles. Ce sont des gens extrêmement polis, et quand ils manifestent, la population est de leur côté. Car les gens ressentent de l'empathie à leur égard. On les pousse à produire moins cher au nom de la conservation du pouvoir d’achat, mais la France est un pays à part, où la grande distribution a la part belle. En Allemagne, les producteurs participent à la constitution des tarifs des produits, des matières premières, des produits agricoles. En France, non. Ce sont les intermédiaires, les grossistes et les grandes surfaces. Depuis Edouard Leclerc et son réseau du même nom, on a donné la part belle aux grands distributeurs, qui sont les nouveaux prébendiers, une sorte d’aristocratie commerçante qui s’est faite et vit au dépens de la production. On produit de moins en moins cher, donc la qualité s’en ressent. C’est dramatique pour les producteurs, c’est dramatique pour le consommateur. Le consommateur ressent une véritable empathie pour les agriculteurs dont il consomme au jour le jour les produits. Et le consommateur ne veut pas manger de la merde.
Les agriculteurs ont besoin de quelqu’un pour les défendre
RT France : Vous avez écrit sur Twitter que le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll devait partir. Pouquoi ?
Alain Houpert : Il est meilleur porte-parole du gouvernement que ministre de l’Agriculture. On sent que l’agriculture, ça ne le passionne pas. Je le dis en tant que rapporteur spécial du Budget de l'agriculture à la Commission des finances. Et les agriculteurs ont besoin de quelqu’un pour les défendre.
Il y a eu deux grands ministres de l’agriculture : Jacques Chirac, et un autre qui s’appelait Jean-Pierre Soisson. Ce sont des gens qui n’hésitaient pas à mettre les bottes, à aller dans les fermes, à aller écouter. L’agriculture c’est énorme. Regardez : la France est passée derrière l’Allemagne en matière d’agriculture. C’est grave ce qui se passe ! L’agriculture est, dans la balance commerciale, quelque chose de très important en France. La France est un pays où l’industrie agro-alimentaire est importante. La France est le pays des marques, et ces marques sont en train de disparaître. Au profit de pseudo-marques, d’une dictature de la consommation, d’une dictature de la grande distribution. Les agriculteurs ont un ennemi : c’est la grande distribution. Et, actuellement, le gouvernement socialiste montre qu’il n’est pas leur allié.
Georges Pompidou disait : «Arrêtez de faire des lois qui font chier les Français»
RT France : Pensez-vous que l’Union européenne joue un rôle dans cette crise agricole en France ?
Alain Houpert : C’est tellement facile d’accuser l’Europe. La France est le pays de l’administration, une administration gallo-romaine qui date de 52 avant J.-C et on en rajoute. Les agriculteurs n’en peuvent plus de la surcharge administrative et des normes. C’est-à-dire que l’Europe donne des normes, la France en met en plus, parce que nous avons des ministres qui ne font pas leur boulot. Il faut dire «stop» ! On arrête ! Georges Pompidou disait : «Arrêtez de faire des lois qui font chier les Français !» C’était un visionnaire.
La France est trop administrée, on ne fait pas confiance aux agriculteurs. Les agriculteurs sont des gens qui ont du bon sens, il faut leur faire confiance. Là, il y a une crise de confiance entre le gouvernement et les agriculteurs. Il faut réagir. L’agriculture mérite notre respect. Parce que toutes les révolutions ont commencé par les agriculteurs. On l’a vu en Bretagne, avec les Bonnets rouges. Je sens que ça va péter.
Ce n’est pas un cri d’alarme, c’est un cri de désespoir
RT France:Quelles mesures faut-il adopter ?
Alain Houpert : Le problème de l’agriculteur et de l’agriculture est le suivant : on impose les recettes, on impose les bénéfices, mais quand il y a des recettes négatives, des déficits, on ne les défalque pas. Et là, cela fait trois années de suite que l’agriculture vit négativement. Il faut penser un nouveau système fiscal, un nouveau système de charges sociales, afin que les agriculteurs soient exonérés quand il y a déficit. Ce n’est pas un cri d’alarme, c’est un cri de désespoir. C’est le plus beau métier du monde, mais je ne les envie pas. Moi, j’aurais aimé faire ce métier, je suis originaire d’un territoire agricole, mais je ne les envie pas. Ce n’est pas possible de nourrir une famille. Ils sont courageux et certains sont heureux, mais pour la plupart comment faire ? L’agriculture c’est le métier où il y a le plus de gens, de jeunes qui veulent s’investir et créer des fermes. Malheureusement, on ne leur en donne pas les moyens. Il y a des problèmes de chômage ? Alors, faisons en sorte qu’on donne la possibilité aux jeunes agriculteurs de s’installer.
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