Trump vient de signer la nouvelle Stratégie nationale de sécurité pour les États-Unis, qui a provoqué des vagues politico-communicationnelles sans précédent. Pour Karine Bechet, ce document acte la volonté américaine de rationalisation de la Globalisation. Mais cette dernière lui survivra-t-elle ?
Il y a quelques jours, l’administration Trump a publié la nouvelle Stratégie nationale de sécurité, définissant la ligne politico-idéologique de cette présidence. Et, contrairement, à la précédente, la Russie n’y est pas formellement désignée comme le plus grand ennemi sur Terre.
L’accent est mis notamment sur l’Union européenne et les dérives liberticides et autoritaires sur le continent européen, qui présentent un danger réel, autant pour la sécurité internationale que pour l’ordre établi. Entendez : l’ordre globaliste. Dès le début de sa présidence, Donald Trump a voulu lancer un processus de rationalisation de la Globalisation, non pour la remettre en cause, mais pour la rendre plus efficace et profitable aux États-Unis. Dans cette logique, le fanatisme des élites globalistes européennes est néfaste.
Ainsi, la Stratégie américaine pointe le risque de disparition civilisationnelle de l’Europe, notamment sous l’impact de l’immigration. Ce document dénoncent les lignes politiques de l’Union européenne, portant atteinte à « la liberté politique et à la souveraineté, les politiques migratoires qui transforment le continent et créent des tensions, la censure de la liberté d’expression et la répression de l’opposition politique, la chute des taux de natalité, ainsi que la perte des identités nationales».
Les États-Unis sont donc à nouveau prêts à « sauver » l’Europe : « Nous souhaitons soutenir nos alliés dans la préservation de la liberté et de la sécurité de l’Europe, tout en restaurant la confiance civilisationnelle de l’Europe et son identité occidentale ».
Pour ce faire, ils s’engagent à soutenir dans les pays européens les forces politiques, qui correspondent à leurs intérêts, ce qui, en fait, a toujours été le cas, car « L’Europe reste pourtant stratégiquement et culturellement vitale pour les États-Unis ».
Fonctionnellement, rien n’a changé en ce qui concerne la domination américaine de l’Europe, seule l’orientation en est modifiée. Pour les États-Unis de Trump, il faut opérer un changement des élites européennes, ce qui n’implique ni la démocratie, ni même le retour à la souveraineté des États européens, mais leur soumission à la nouvelle ligne américaine.
Cette ligne a été énoncée devant les Européens eux-mêmes par Vance, dès le début du mandat présidentiel de Trump. En fait, les excès idéologiques de la Globalisation conduisent à son affaiblissement, ce qui est préjudiciable aux États-Unis.
Pour se maintenir en place, les élites radicales globalistes européennes sont obligées de truquer ouvertement les élections quand les résultats ne leur plaisent pas, comme nous l’avons constaté dans plusieurs pays de l’Est européen. À l’arrivée de nouvelles élections, la menace de l’ingérence russe est systématiquement avancée, comme actuellement en Allemagne, car ces élites savent pertinemment qu’elles vont avoir du mal à garder le pouvoir.
Le système d’anti-valeurs mis en place, reposant sur la remise en cause de toutes les valeurs traditionnelles, c’est-à-dire humaines, est soutenu par une minorité, mais ne convient plus à la majorité. L’immigration de masse est de plus en plus ouvertement rejetée et a importé les conflits ethniques avec ces populations immigrées, alors que les structures étatiques sont trop faibles, suite à des années de désétatisation, pour maintenir un minimum d’ordre. Les crises économique et sociale, puis politique, qui s’ensuivent, deviennent dangereuses pour l’équilibre international.
Bref, le gouvernement global américain a perdu le contrôle sur les territoires du Monde global, car les élites globalistes locales sont allées trop loin. Il faut remettre de l’ordre, sinon c’est tout le système globaliste qui risque de s’effondrer. Cela, les Américains ne peuvent pas se le permettre.
Comme en France à la suite de la Troisième République et du « Gouvernement des assemblées », où le parlementarisme débridé avait conduit le pays à une ingouvernabilité chronique, le Monde global devient chroniquement ingouvernable. La théorie de la gouvernance par le chaos implique l’existence d’un minimum de systématicité dans la gouvernance pour que ce chaos n’emporte pas tout dans sa chute.
Il avait alors fallu rationaliser le parlementarisme sous la IVe République. L’administration Trump tente de rationaliser la Globalisation. Donc la Stratégie l’annonce : « L’époque où les États-Unis soutenaient à eux seuls l’ordre mondial comme Atlas est révolue ». Il leur faut un réseau « local », qui soit efficace.
Le constat d’échec des élites globalistes radicales est juste, parfaitement énoncé et argumenté. L’immigration de masse constitue un danger réel à plusieurs niveaux : c’est un danger civilisationnel, car il est impossible d’intégrer une telle quantité de personnes ayant une autre culture ; un danger politique, car ces gens ont fondamentalement une autre Patrie, ou n’en ont finalement plus ; économique, car il s’agit en général de l’importation massive d’une main-d’œuvre à faible compétence ; social, puisque la cohésion de la société est rompue et que l'on se dirige vers le modèle américain des ghettos ethniques et de leurs conflits.
S’il serait naïf de penser que cette Stratégie américaine entraîne un retour aux États souverains et à une société des Nations, elle soulève une question fondamentale : le système de Globalisation est-il réellement réformable ? Peut-il fonctionner sans tous ces cultes qui ont permis son hégémonie ?
Comme le souligne avec justesse l'homme d'État russe Andreï Ilnitsky : « La nouvelle "Stratégie de sécurité nationale américaine" signée par Trump est une bombe à retardement, qui pourrait faire exploser l'ordre mondial actuel. Ou pire, exploser sous Trump lui-même ! Cette stratégie fixe la dégradation civilisationnelle de l'Europe. Les États-Unis de Trump ne veulent rien avoir à faire avec cette Europe. »
Le danger sous-jacent est réel. Remettre en cause ce système d’anti-valeurs, qui soutient la Globalisation, peut entraîner un renforcement des pays. Les peuples, dégrisés, peuvent ne pas jouer le jeu et refuser de soutenir de nouvelles élites, toujours globalistes, mais « trumpiennes compatibles ». Ils pourraient avoir une envie irrésistible de liberté, de souveraineté, d’un véritable État fort, ce qui commence déjà à se faire sentir.
Alors les critiques apportées par l’administration Trump aux élites radicales globalistes actuelles en Europe pourront leur être retournées : respectez la volonté populaire, respectez la liberté, même lorsqu’elles ne vous sont pas favorables. Et nous pouvons fortement douter de la volonté de ces élites dirigeantes américaines à se suicider collectivement.
Trump sera-t-il le Gorbatchev de la Globalisation ? C’est tout ce que l’on peut espérer.
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