Karine Bechet, docteur en droit public (France), présidente de l'association Comitas Gentium France-Russie, animatrice du site Russie Politics.

Plan de paix de Trump en Ukraine : un marché de dupes pour la Russie ?

Plan de paix de Trump en Ukraine : un  marché de dupes pour la Russie ? Source: Gettyimages.ru
Plan de paix de Trump en Ukraine : un marché de dupes pour la Russie ?
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Le président américain souhaite que son plan de paix soit accepté pour Thanksgiving. Alors que les analystes occidentaux déplorent les pertes de Kiev, Karin Bechet insiste : ce plan pourrait rapidement se transformer en cheval de Troie pour Moscou.

Trump a donné à Zelensky jusqu’au 27 novembre, c’est-à-dire jusqu’à la fête de Thanksgiving, pour accepter son plan de paix. D’un côté, il menace pour la énième fois de peut-être suspendre l’aide militaire à l’Ukraine (qui en réalité n’a jamais été suspendue), d’un autre côté il affirme ne pas avoir l’intention de lever les sanctions adoptées contre les entreprises russes Lukoil et Rosneft.

De son côté, Vance renforce le discours trumpien visant à faire de la guerre sur le front ukrainien un conflit strictement délimité entre la Russie et l’Ukraine, permettant ainsi de dédouaner les États-Unis, les pays européens, l’Union européenne et évidemment l’OTAN. Il parle bien d’un « plan de paix ukraino-russe », qui est censé mettre définitivement fin à la guerre entre ces deux pays – comme si réellement il s’agissait d’une guerre entre deux pays (alors que l’Ukraine, comme État, n’existe plus) et non pas d’une guerre en Ukraine conduite par les élites globalistes.

De son côté, la Russie se dit toujours prête à négocier la paix, sans exclure de continuer à avancer militairement en cas d’échec. Le président russe souligne à ce sujet plusieurs éléments importants.

Tout d’abord, que le régime de Kiev est illégitime, au minimum parce que le mandat de Zelensky a formellement expiré. Ce qui pose la première question : avec qui signer, si jamais il y a quelque chose à signer ? D’où la seconde question : quelle serait alors la valeur de la signature de Zelensky ? Or, Trump insiste pour que l’accord soit signé strictement entre l’Ukraine et la Russie. Soulignons que l’éventualité d’un changement de figure à Kiev ne changerait en fait rien à la question. Il ne s’agirait toujours que d’une marionnette : l’Ukraine ne redeviendrait pas miraculeusement un État souverain avec un changement de « gouverneur ».

Vladimir Poutine a qualifié le régime de Kiev de « groupe de criminalité organisé ». Comment peut-on alors discuter avec eux ? Surtout que l’appréciation dépasse la simple personnalité de Zelesnky. 

Pas de règlement du conflit sur le fond

Malgré les déclarations tonitruantes concernant le « plan de paix » de Trump, la Russie a précisé qu’elle était au courant, qu’il n’y avait rien de nouveau et que ce plan n’était pas discuté sur le fond avec les États-Unis.

Mais de quoi parle ce « plan » justement au fond ? Certains sites pro-ukrainiens et donc globalistes ont « fuité » le plan en 28 points, proposé par Trump. Certains éléments sont particulièrement révélateurs de l’absence réelle de volonté de régler le conflit au fond.

En ce qui concerne les territoires, le Donbass (Lougansk et Donetsk) et la Crimée seront reconnus « de facto » comme appartenant à la Russie. Autrement dit, il n’y a pas reconnaissance des frontières constitutionnelles russes, même en ce qui concerne ces territoires. C’est également le cas pour les régions de Kherson et de Zaporojie, la ligne étant celle du front et la reconnaissance encore plus floue.

En contrepartie de cette non-reconnaissance juridique, la Russie doit renoncer à tout le reste. Rappelons que Koupiansk vient d’être libéré. Or, Koupiansk se trouve dans la région de Kharkov, où l’armée russe avance particulièrement bien. La Russie devrait donc renoncer politiquement à ces acquis territoriaux, sans que ses frontières constitutionnelles ne soient reconnues. Donc avec la certitude qu’elles seront contestées – politiquement voire militairement – dès que la situation deviendra favorable aux globalistes.

L’armée « ukrainienne » est maintenue, avec une légère baisse d’effectif. En contrepartie de cette réalité, la Constitution ukrainienne inscrit que l’Ukraine n’entrera pas dans l’OTAN et l’OTAN s’engage à ne pas l’accepter.

Autrement dit, le danger militaire perdure avec le maintien d’une armée ukrainienne conséquente et donc le temps donné à cette armée, aujourd’hui très affaiblie, de se refaire véritablement une santé. Et pour faire passer la pilule, une « promesse » qui n’engage que ceux qui y croient, comme l’exemple de la Finlande et de la Suède viennent de le démontrer. N’oublions pas, par ailleurs, que la plupart des pays de l’OTAN ont conclu des accords bilatéraux de « sécurité » avec l’Ukraine, qui prévoient un mécanisme équivalant à celui de l’art. 5 du statut de l’OTAN.

Ici aussi, nous sommes face à une carotte fanée offerte gracieusement à la Russie, avec une contrepartie de danger, elle, bien réelle, qui n’est pas remise en cause.

Le non-élargissement de l’OTAN est également avancé, puisque de toute manière les troupes de l’OTAN ont déjà occupé tout le territoire européen et sont présentes aux frontières russes. Mais promis juré, ils n’iront pas en Ukraine. Cela était déjà la promesse faite à la chute de l’URSS. Nous connaissons la suite.

Surtout, la Russie doit accepter de payer des réparations de guerre. Donc, elle reconnaît en réalité la défaite.

En effet, les actifs gelés russes doivent servir en partie à la reconstruction de l’Ukraine. De plus, la plus grande partie doit être investie dans des projets américano-russes... et servir in fine l’économie américaine. On comprend mieux pourquoi certains lobbyistes des négociations en Russie soutiennent à ce point la position américaine sur le conflit en Ukraine. Toujours est-il que la Russie perd la capacité de décision concernant ses actifs entreposés en Occident, elle en est donc dépouillée. La voix d’un État, qui accepte la capitulation ne porte pas.

La levée des sanctions... mais pas toutes

En contrepartie, les sanctions seront petit à petit annulées. En tout cas pas toutes, puisque Trump a déjà déclaré ne pas revenir sur les sanctions adoptées contre Rosneft et Lukoil. Ainsi, les globalistes se donnent un instrument de pression sur la Russie, pour faire pression sur ses décisions politiques. Le chantage est une arme politique très efficace.

Un point encore doit retenir notre attention : l’amnistie générale de tous les « criminels ». La logique est simple et classique : on ne juge pas les vainqueurs. Les globalistes ne veulent pas voir leur responsabilité engagée pour les crimes volontairement commis et commandités contre les Slaves. Et ils veulent aussi récupérer leurs combattants.

Même si ce plan prévoit en réalité la capitulation de Russie, les globalistes farouches ne peuvent que difficilement l’accepter, car ils ont besoin d’écraser politiquement la Russie totalement. Elle ne peut sortir de ce conflit avec le moindre gain. Les discussions sont intenses entre les différents clans globalistes et Trump, incarnant la voie réaliste d’une victoire globaliste, tente de convaincre les plus durs.

Vance rappelle la difficulté d’une voie militariste pure : « Toute critique du cadre de paix, sur lequel travaille l'administration, témoigne soit d'une mauvaise compréhension de ce cadre, soit d'une interprétation erronée d'une réalité cruciale sur le terrain. On s'imagine qu'il suffit d'accorder plus d'argent, plus d'armes ou plus de sanctions pour remporter la victoire. »

Il est réaliste, dans le sens où une victoire militaire est impossible pour l’armée atlantico-ukrainienne aujourd’hui dans cette configuration. Or, changer de configuration implique des investissements d’une autre mesure et une implication directe des pays de l’OTAN sur le front ukrainien contre la Russie.

Après des décennies de désindustrialisation et de déstructuration des sociétés occidentales, les pays de l’OTAN – dont les États-Unis – n’y sont pas prêts. Ils ont besoin de temps. Ou de changer de tactique : faire chuter la Russie politiquement et doucement la détricoter pour la faire rentrer dans le bétail. Les négociations ouvrent la voie à ces deux possibilités.

Il y a toutefois peu de chances que ces propositions puissent faire tomber la Russie, même si la voix des sirènes globalistes y chantent à pleins poumons ces derniers temps. Car les buts de l’opération militaire spéciale ne pourraient être atteints de cette manière.

 

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