À Paris comme à Londres, l’idée d’engager des militaires sur le sol ukrainien n’est plus un simple ballon d’essai. Pour Karine Bechet, l’Europe joue avec l’allumette stratégique : même si ces déclarations restent pour l’heure rhétoriques, elles ouvrent la voie à un engrenage où la bravade diplomatique pourrait se muer en confrontation directe.
La tension monte ces derniers jours autour du front ukrainien. Le point de départ de l’escalade fut la remise en cause par Trump de sa rencontre avec Poutine à Budapest, alors que lui-même l’avait proposée. Soudainement, il n’y voit plus d’intérêt – puisque la Russie n’est pas prête à un cessez-le-feu sans conditions.
Pourtant, la position de la Russie est stable et bien connue sur la question : un simple arrêt des combats ne résoudra pas le problème à la source. Et comme l’a souligné Lavrov, cela ne fera que donner du temps à l’armée atlantico-ukrainienne pour se refaire des forces et reprendre ensuite le combat.
Ce qui, évidemment, n’entre pas dans l’intérêt de la Russie, ni même dans ses intentions. Cela reviendrait à laisser le temps nécessaire aux Atlantistes pour l’attaquer à nouveau et elle se retrouverait alors dans une position plus faible qu’aujourd’hui – et militairement, et politiquement.
Depuis cela, les déclarations enflammées s’enchaînent. Le ministre français des Armées déploie une rhétorique plus que surprenante concernant la Russie, la présentant tout à la fois comme une menace interplanétaire contre laquelle il faut se protéger et comme un pays totalement affaibli, tant économiquement que militairement. Ainsi, déclare-t-il sur LCI : « Poutine veut reconstituer l’URSS dans une course impériale quasi coloniale. Mais on ne va pas se laisser faire, on est plus forts. » Il est vrai qu’avec une dette publique à 115,6 % du PIB, la France a les moyens de ses rêves de grandeur... perdue.
Dans ce contexte, le Renseignement extérieur russe a publié une déclaration, qui a été considérée comme « inquiétante » par le Kremlin : « Conformément aux instructions du président français Emmanuel Macron, l’état-major des armées françaises se prépare à déployer un contingent militaire de deux mille hommes en Ukraine, afin de soutenir le régime de Kiev. (...) L’ossature de cette formation sera constituée de troupes d’assaut de la Légion étrangère, principalement originaires de pays d’Amérique latine. Les légionnaires sont déjà stationnés dans les zones frontalières de l’Ukraine en Pologne et suivent un entraînement intensif au combat ; ils reçoivent des armes et du matériel militaire. Leur redéploiement vers le centre de l’Ukraine est prévu prochainement. »
Rappelons que la Légion étrangère est une composante de l’armée régulière française. Autrement dit, toute présence de la Légion étrangère sur le front ukrainien signifie l’entrée en confrontation directe de la France, comme État, contre la Russie.
Si la France est déjà impliquée dans le conflit en raison de la formation des militaires ukrainiens sur son sol et de l’envoi de « formateurs », de la fourniture d’armes létales, du financement à l’achat d’armements, envoyer des troupes, même de la Légion étrangère, équivaudrait dès lors à une déclaration de guerre.
Or, manifestement, le Parlement n’a pas été consulté, et la population ne soutient pas une telle position. Si les Français, autant qu’il est possible de croire les résultats des sondages puisque beaucoup de paramètres influencent les résultats, sont prêts à accorder des garanties de sécurité à l’Ukraine, que ce soit par son intégration progressive dans l’OTAN (61 %) ou par la fourniture d’armes (59 %), moins de la moitié (47 %) soutiennent l’envoi de troupes occidentales ou européennes au sol.
L’Europe ou l’Occident, c’est vague, c’est les autres. Si l’on parle de l’armée française, les chiffres vont chuter drastiquement, car là, ça devient concret.
Sentant que le Renseignement russe a mis les choses un peu trop au clair, l’état-major des armées françaises a démenti – il aurait été mal compris à l’insu de son plein gré : « Cette attaque informationnelle apparaît alors que le CEMA a récemment rappelé la nécessité de préparer les armées face à un contexte stratégique dégradé. Elle cherche à détourner le sens de ce message et à nourrir les narratifs pro-russes visant à inverser les rôles de défenseur et d’agresseur. »
Les services de Renseignement ne travaillent pas sur des déclarations, mais sur l’analyse des faits recueillis et des informations reçues. Par ailleurs, Macron répétant sans arrêt sa volonté d’envoyer des troupes militaires « pour la paix », puisque la « paix, c’est la guerre », comme chacun le sait, c’est bien la France qui est malheureusement placée en situation d’agresseur et qui produit une propagande de guerre pour créer l’illusion qu’elle « défend », alors qu’elle semble prête à « agresser ».
Il faut par ailleurs se souvenir que ce n’est pas la Russie qui a fomenté la Révolution Orange en 2004, en organisant sous l’égide de l’OSCE un troisième tour inconstitutionnel des élections présidentielles en Ukraine, simplement parce que le résultat ne satisfaisait pas les Globalistes. Ce n’est pas la Russie non plus qui a plongé l’Ukraine dans le sang et la violence en 2014, avec le Maïdan produit et financé par les Globalistes, qui s’est accompagné d’une intervention armée contre les territoires de l’Est du pays.
Ce sont bien les Globalistes, les pays de l’OTAN, dont la France fait partie, qui ont agressé l’Ukraine. Puis l’ont détruite pour l’instrumentaliser dans leur combat existentiel contre la Russie.
De son côté, la Grande-Bretagne a emboîté le pas à la France et envisagerait aussi une intervention militaire en Ukraine. Selon Bloomberg : « Le prochain déploiement militaire majeur du Royaume-Uni pourrait avoir lieu en Ukraine. Healey a déclaré qu’il préparait un ensemble de mesures d’une valeur de plus de 100 millions de livres sterling pour couvrir les coûts initiaux du déploiement de troupes et d'équipements sur place. »
Sous-estimer son ennemi est la pire erreur à faire dans un conflit armé. Et, au minimum de facto, les pays de l’OTAN sont en guerre contre la Russie, formellement sous drapeau de l’Ukraine. Or, la Russie est pour eux l’ennemi, ils ne s’en cachent d’ailleurs pas.
Pendant ce temps, la Russie a annoncé les essais réussis concernant deux nouvelles armes de grande puissance : un missile longue portée « Bourévestnik », pouvant porter des têtes nucléaires, déjouer les systèmes de défense aérienne avec une vitesse de 1 300 km/h et couvrir une distance quasiment illimitée ; une torpille intercontinentale sous-marine « Poséidon », se déplaçant en grande profondeur et capable de porter une charge nucléaire.
La Russie n’est pas une steppe remplie de moujiks alcoolisés et désœuvrés. C’est un pays qui a une longue tradition d’excellence technologique et qui reprend sa puissance après s’être perdu dans le marais globaliste à la chute de l’Union soviétique. Et c’est un pays qui n’attaquera pas l’Occident, mais qui répondra si les Occidentaux mettent en danger sa sécurité stratégique.
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