Karine Bechet, docteur en droit public (France), présidente de l'association Comitas Gentium France-Russie, animatrice du site Russie Politics.

La Slovaquie commet un crime de lèse-globalisation

La Slovaquie commet un crime de lèse-globalisation Source: Gettyimages.ru
La Slovaquie commet un crime de lèse-globalisation
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Le Parlement slovaque vient d’adopter une réforme constitutionnelle qui, en soi, ne fait qu’inscrire dans la Constitution deux principes d’une banalité déroutante : le droit national prime le droit international et il n’y a que deux sexes. Pour Karine Bechet, c’est le signe d’une remise en cause des fondements idéologiques de la globalisation.

Tous les médias alignés sont en émoi, lancés par les organes de gouvernance de la globalisation et les ONG, qui leur sont affiliés : comment la Slovaquie, a-t-elle osé commettre un tel crime de lèse-majesté ? C’est insensé, c’est inacceptable. Elle s’est fourvoyée dans les valeurs traditionnelles et la souveraineté, oripeaux d’un autre temps, qui n’ont plus leur place dans le merveilleux Monde global – sans États, sans hommes, sans femmes, sans culture et sans traditions.

La Slovaquie, qui est entrée dans l’Union européenne en 2004, vient d’adopter une réforme constitutionnelle, par 90 voix sur les 99 députés présents des 150 élus au Parlement slovaque. Celle-ci comporte deux volets, hautement idéologiques, chacun à sa manière : le premier rappelle une évidence juridique, celle de la primauté du droit national sur le droit européen (donc international) ; le second, une évidence biologique – il n’y a que deux sexes, homme et femme.

Or, c’est bien sur la remise en cause de ces deux évidences qu’a été édifié le Monde global.

La remise en cause de la suprématie de l’ordre juridique national doit justifier la domination du droit international, produit par les instances de gouvernance globale. Or, selon la tradition juridique, notamment la théorie de la hiérarchie des normes posée par Hans Kelsen, la Constitution est supérieure aux normes du droit international, qui ont une valeur infra-constitutionnelle et supra-législative. Cette conception a dominé la culture juridique occidentale jusqu’à la fin des années 80.

Cela signifie que les normes du droit international ne peuvent être contradictoires aux normes constitutionnelles et qu’elles ne peuvent être interprétées que conformément à la Constitution du pays. Ce principe se diffuse dans tout l’ordre juridique national, ce qui garantit la souveraineté des États et donc l’existence de l’État comme institution juridique - puisqu’un État ne peut, dans la théorie juridique, qu’être souverain, sinon il n’est pas.

Avec le développement de la globalisation, ce pilier juridique fondant la stabilité et l’équilibre international, autant que le respect entre les pays, a été remis en cause par les institutions internationales elles-mêmes, glissant de la supériorité des normes internationales sur les lois nationales à la suprématie du droit international sur l’ordre juridique national, par l’intermédiaire du négationnisme constitutionnel, puisque la Constitution est le symbole de la souveraineté nationale.

Nous en sommes arrivés, après la chute de l’URSS, dans les années 90, à un régime juridique proclamant la soumission des ordres juridiques nationaux à un ordre juridique devenu global. Ce qui est censé légitimer la gouvernance externe de nos pays.

Quand le Premier ministre slovaque Robert Fico invoque « les traditions, l’héritage culturel et spirituel de nos ancêtres » pour dresser « un barrage constitutionnel face au progressisme » et rétablir « le bon sens », Amnesty international et l’Union européenne voient rouge : c’est le pouvoir des élites qu’elles servent, qui est mis en danger.

Une culture européenne non globaliste, celle de la valeur humaine et de l’État souverain 

Comme elles le déclarent, la Slovaquie « s’éloigne de l’Union européenne » et toute réforme « progressiste » sera plus difficile à mettre en place dans le pays. Si la Slovaquie s’éloigne de l’UE, en revanche, ainsi, elle revient vers la culture européenne, non globaliste, celle de la valeur humaine et de l’État souverain. Et cela, notamment en posant dans la Constitution du pays l’évidence biologique de l’existence de deux sexes : masculin et féminin.

Or, cela va avoir des conséquences en cascade néfastes pour les globalistes, principalement en matière de contrôle mental des enfants – donc de l’affaiblissement à terme de la société : difficulté pour l’adoption par les couples homosexuels, obligation pour les écoles d’enseigner conformément à la Constitution et remise en cause des méthodes déstructurantes d’éducation sexuelle.

Les globalistes connaissent parfaitement l’importance du conditionnement des esprits dès le plus jeune âge pour retravailler une société de l’intérieur. Les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain. S’ils sont persuadés que leur sexe n’est pas biologique, mais mental, il est possible de remettre en cause toute la stabilité sociale. Et une société faible est une société manipulable.

Tout système de gouvernance doit s’appuyer sur une base idéologique pour fonctionner, à laquelle les gens doivent « croire ». La supériorité de l’international (en réalité, du global) sur le national et des minorités (sexuelles ou autres) sur la majorité sont deux éléments centraux de l’idéologie actuelle, qui permettent un mode de gouvernance globalisé.

Les deux piliers du Monde global : supériorité de l'international et des minorités 

Le premier élément, la supériorité du global, doit garantir la légitimité de la soumission politique et institutionnelle de l’État, dont les structures sont toutefois toujours nécessaires pour mettre en œuvre au regard de la population concernée des décisions qui sont en réalité prises ailleurs et surtout pour en porter la responsabilité. Rappelons qu’aucun mécanisme de responsabilité n’existe concernant les organes de gouvernance globale, qui bénéficient d’une impunité totale, ce qui est caractéristique de tout système totalitaire.

Le second élément, la supériorité des minorités, a pour finalité de remettre en cause, en plus de son caractère « adémocratique », la cohésion sociale, de provoquer une atomisation de la société dans laquelle chaque individu est désormais un tout en soi et un tout changeant en fonction de ses humeurs et des slogans du moment. Une société à ce point déstructurée ne peut plus être un contre-pouvoir. Ainsi, le Monde global s’est débarrassé de la deuxième limite à son pouvoir, après l’État souverain.

D’une manière générale, en adoptant cette réforme constitutionnelle, la Slovaquie frappe symboliquement la globalisation, car elle remet en cause la croyance même en ces fondements. Tout système, pour fonctionner de manière plus ou moins régulière, a besoin de la « foi » de gens qu’il doit gouverner. Si le doute s’immisce sur la légitimité de ses « valeurs », le système s’effondre car les gens n’obéissent plus.

En ce sens, la globalisation ne peut pas se permettre une remise en cause de ses fondements idéologiques, elle n’est pas plus neutre que tout autre système de gouvernance. Et c’est bien la raison pour laquelle les élites globalistes se battent bec et ongles pour clamer à chaque coin l’absence d’alternative à leur vision du monde et de l’homme.

À nous de nous en souvenir.

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