Michel Collon est écrivain, journaliste indépendant et fondateur du Collectif Investig’Action, qui anime le site Internet michelcollon.info. Il est spécialisé dans l’analyse des stratégies de guerre, des relations Nord-Sud et des médiamensonges.

Deux défaites, mais…

Deux défaites, mais…© Pascal Rossignol Source: Reuters
Un homme regarde les affiches de campagne dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
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L’écrivain Michel Collon analyse les dernières élections françaises et montre que la victoire de la droite est due au fait que le Parti socialiste (PS) lui-même n'est plus un parti de gauche...

Ce lundi matin, un goût amer dans la bouche. On vient d’encaisser deux défaites sérieuses : un parti d’extrême droite fait 30% en France et en même temps l’extrême droite revient au pouvoir au Venezuela.

Y aurait-il un lien entre les deux ? Nous allons le voir. En tout cas, c’est l’heure des bilans et examens de conscience pour chacun de nous. En avons-nous fait assez et surtout avons-nous été assez efficaces ?

Peut-on encore appeler «gauche» un PS qui fait la même politique néolibérale que la droite ? Non

En France d’abord. Est-ce l’extrême droite qui a gagné ou la gauche qui a perdu ? Nous pensons que la montée du Front national (FN) a été favorisée par le PS, pour trois raisons que nous allons expliquer.

Bien sûr, il faut d’abord préciser ce qu’est «la gauche». En théorie, c’est simple : elle défend les travailleurs (de partout) contre le 1% des ultra-riches. Mais peut-on encore appeler «gauche» un PS qui fait la même politique néolibérale que la droite ? Non.

C’est Jacques Delors (PS) qui a présidé la Commission européenne et son virage néolibéral de 1985 à 1994. C’est François Lamy (PS) qui a libéralisé les mouvements de capitaux en Europe. C’est Michel Camdessus (PS) qui a présidé le FMI destructeur du tiers monde de 1987 à 2000. C’est Dominique Strauss-Kahn (PS) qui a poursuivi le travail néolibéral au FMI jusqu’en 2011. C’est Martine Aubry (PS) et Pierre Moscovici (PS) qui ont dit «apprécier les qualités» de la néolibérale Christine Lagarde, nommée à la tête du FMI après Dominique Strauss-Kahn. C’est Jacques Attali (PS) qui a orchestré sous François Mitterrand la privatisation des banques publiques françaises avec les conséquences bien connues pour nos portefeuilles. Ce sont les divers commissaires PS qui ont mis en place la politique néolibérale de l’Union européenne (UE) détruisant les salaires, les retraites et la Sécu. C’est François Hollande (PS) qui, en campagne électorale (et craignant la montée de Mélenchon), déclara solennellement au Bourget : «Mon ennemi principal est le monde de la finance». Avant de dire exactement le contraire quelques semaines plus tard à la presse et au monde des affaires britanniques : «La gauche a été au gouvernement pendant quinze années, au cours desquelles nous avons libéralisé l’économie et ouvert le marché à la finance et aux privatisations. Il n’y a pas à avoir peur». Dans les faits, depuis trente ans, le PS détruit les protections sociales, il creuse l’écart entre les fortunes et les revenus (voir l’excellent La violence des riches qui est la chronique d’une immense casse sociale, de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Zones, 2013 – et en particulier le bilan impitoyable de François Hollande au chapitre 3).

Evidemment, avec une telle politique, difficile de garder longtemps les votes des travailleurs. François Hollande et ses amis en étaient conscients dès 1985 : «Il ne s’agit plus à la fin du XXème siècle d’assurer la représentation politique de la classe ouvrière». Et aussi : «Ce n’est pas par calcul ou par malignité que la gauche a accepté de laisser fermer les entreprises ou d’entamer le pouvoir d’achat des Français. C’est par lucidité. Refuser ces évolutions et c’en aurait été fait de la perspective d’une gestion régulière du pays par la gauche» (Ouvrage collectif La gauche bouge, Lattès, 1985). Donc, c’était bien «par calcul» : vous préfériez rester au pouvoir avec les patrons que résister avec les travailleurs ! Voilà pour la première responsabilité du PS dans la montée du FN.

Même si Sarkozy est également responsable, c’est bien avant tout la trahison du PS qui a fait la promo du FN

Ensuite, peut-on appeler «gauche» un PS qui mène au Moyen-Orient et en Afrique les mêmes guerres de pillage colonial que la droite, sous prétexte que c’est l’intérêt de la France ? Mensonge : les seules à en bénéficier, ce sont les grosses sociétés, pétrolières et autres. C’est le 1% qui profite de la guerre tandis que les autres paient cher les bombardiers et les porte-avions. Sans parler des retombées terroristes qu’on vient de voir. Toutes les guerres sont économiques et, là aussi, le PS fait exactement comme la droite pour «rester au pouvoir».

Enfin, peut-on encore appeler «gauche» un PS qui se prosterne devant Israël et défile à Paris avec Netanyahou «pour la liberté d’expression» ? Cela sous prétexte qu’Israël serait «la seule démocratie du Moyen-Orient». Mensonge encore, c’est juste un flic de quartier chargé de surveiller le pétrole et d’agresser les Arabes. Peut-on appeler «gauche» un PS qui cautionne des tirades «Le Coran, c’est de la merde», qui tolère les violences racistes et qui répand lui aussi l’islamophobie ?

Pour ces trois raisons, même si Sarkozy est également responsable, c’est bien avant tout la trahison du PS qui a fait la promo du FN. En refusant de défendre les travailleurs, il a perdu son électorat et permis à Marine Le Pen d’embrouiller les esprits avec sa démagogie pseudo-sociale. Pourtant, il suffit de lire le programme des mesures proposées par le FN pour constater que c’est un parti pro-patrons et anti-travailleurs. En refusant de résister aux stratégies guerrières de Washington, le PS a permis à Marine Le Pen de se présenter en parti de la paix alors que son véritable programme défend le colonialisme français et donc les guerres qui vont avec. En répandant l’islamophobie, le PS a donné du crédit aux discours anti-immigrés du FN.

Quel lien avec la défaite au Venezuela ? Nous le verrons dans le prochain article…

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