Alors que les efforts de médiation restent infructueux, la guerre entre Israël et le Liban semble de plus en plus probable.
Le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz a rencontré son homologue français le 5 février et l’a averti que «le temps [était] compté pour trouver une solution diplomatique au Liban», précisant que son pays était prêt à entrer en guerre faute de progrès diplomatiques.
En effet, depuis le 7 octobre, le Hezbollah, groupe libanais lié à l’Iran, a mené des centaines d’attaques contre des cibles israéliennes. Craignant un afflux de combattants susceptibles d’envahir et de conquérir certaines régions du pays, quelque 60 000 Israéliens du nord ont choisi de partir pour trouver un refuge dans le centre du pays, loin des hostilités.
Atalia Regev, originaire de la localité d’Abirim, à environ cinq kilomètres de la frontière israélienne avec le Liban, a quitté sa maison le 7 octobre, lorsque des milliers de combattants du Hamas ont envahi le sud d’Israël, massacrant environ 1 200 personnes et en blessant plus de 5 000.
«À l’époque, nous étions convaincus qu’un front nord s’ouvrirait [bientôt] et que nous serions, nous aussi, confrontés à l’occupation de la Galilée, scénario dont on parlait depuis très longtemps. Nous avions si peur. Nous avons donc fait nos valises, et nous sommes partis avec les enfants», se souvient Atalia.
Jusqu’à présent, les attaques du Hezbollah ont été limitées
Elle n’est pas la seule. À mesure que les combats s’intensifiaient dans le sud, environ 60 000 Israéliens ont quitté les localités du nord pour se réfugier dans le centre et à Jérusalem, dans l’espoir de se trouver hors de portée des roquettes du Hezbollah, milice liée à l’Iran.
Jusqu’à présent, les attaques du Hezbollah ont été limitées et mesurées. Selon des rapports, le mouvement a organisé plus d’un millier d’attaques anti-israéliennes depuis le début des hostilités. Il a également pris pour cible 48 sites frontaliers et au moins 17 communautés. Mais pour Atalia, c’était une bonne raison de rester là où elle était.
«Même lorsque les choses se sont calmées [dans le sud], nous avons réalisé que nous ne pouvions pas rentrer. Notre région était constamment menacée. Les établissements d’enseignement pour enfants sont restés fermés jusqu’à récemment. Il y a eu de nombreuses coupures d’électricité en raison des dommages causés aux infrastructures [par les attaques], et nous avons parfois dû passer de longues heures sans électricité.»
Les tambours de la guerre
Aujourd’hui, cependant, Regev craint que la situation ne s’aggrave encore. Le 3 janvier, une explosion a secoué la banlieue de Beyrouth, tuant Saleh al-Arouri, qui était haut responsable du Hamas. Bien qu’Israël n’ait pas revendiqué l’attentat, les responsables de Jérusalem-Ouest ont été pointés du doigt. Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a juré que l’assassinat ne resterait pas sans réponse.
Depuis l’assassinat d’al-Arouri, Israël a renforcé sa présence le long de la frontière nord, se préparant à une éventuelle guerre de grande envergure.
Israël a des raisons de s’inquiéter. Selon des estimations, le Hezbollah dispose d’un arsenal de 150 000 roquettes et missiles, dont un grand nombre sont à longue portée et peuvent atteindre le centre et le sud d’Israël. En outre, le groupe islamiste dispose d’une armée de combattants bien entraînés et d’une unité de commando – la force Radwan – qui n’attend qu’un ordre pour prendre d’assaut son ennemi.
«Pendant de nombreuses années, le Hezbollah s’est approché sans entrave de la [frontière avec Israël]. Les événements du 7 octobre nous ont ouvert les yeux ; nous avons réalisé que ce qui s’était passé dans le sud pourrait se reproduire dans le nord. À une seule différence près : les Radwan sont beaucoup plus habiles, beaucoup plus expérimentés et beaucoup plus organisés», explique Regev.
Mais tout le monde n’est pas d’accord avec ces préoccupations. Mohammed Hassan Sweidan, expert en relations internationales à Beyrouth, affirme que l’accumulation d’armes par le Hezbollah a toujours eu pour objectif la défense, et non pas l’offensive.
«L’accumulation d’armes et l’entraînement du Hezbollah servent principalement à maintenir l’équilibre des forces nécessaire pour dissuader Israël. Les précédents historiques démontrent qu’Israël a tendance à étendre son influence et à poursuivre ses intérêts au Liban lorsque ce pays est perçu comme faible. Il est donc stratégiquement avantageux pour Beyrouth qu’Israël se rende compte des éventuelles répercussions de tout acte agressif dans l’avenir.»
La perspective d’une guerre, affirme Sweidan, n’est appréciée par aucune partie au Liban. Ces dernières années, l’État a plongé dans une profonde crise économique provoquée par le Covid-19, la corruption et de mauvaises décisions politiques. En conséquence, on estime qu’environ 80% des Libanais vivent dans la pauvreté, dont 36% au-dessous du seuil d’extrême pauvreté. Une véritable confrontation avec Israël porterait un coup encore plus dur à l’économie déjà fragile du pays. Elle pourrait faire monter le mécontentement de la population et déclencher des manifestations de masse, ce que le Hezbollah ne peut pas se permettre.
Ce qu’il peut se permettre, en revanche, ce sont des attaques sporadiques contre des cibles israéliennes. Sweidan est convaincu que ces actions visent à détourner l’attention d’Israël de la bande de Gaza.
Efforts de médiation
Entre-temps et avant que la situation ne devienne incontrôlable, les États-Unis et l’Union européenne explorent des possibilités de médiation dans l’espoir d’au moins désamorcer les tensions. Le mois dernier, la région a accueilli en visite Amos Hochstein, envoyé spécial américain et coordinateur pour les affaires énergétiques internationales. À son tour, Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, a rendu visite au Liban.
En un week-end, il a rencontré des responsables israéliens et libanais avec le même objectif. Le plan qu’il propose est simple : premièrement, le Hezbollah cesserait ses attaques contre Israël et retirerait ses forces de la frontière entre les deux pays, à une dizaine de kilomètres à l’intérieur du territoire libanais ; les Israéliens des communautés du nord seraient autorisés à rentrer chez eux et les forces de maintien de la paix de la Finul seraient déployées.
Après la première phase, Israël et le Liban commenceraient à négocier une frontière terrestre permanente, Washington promettant un coup de pouce à l’économie libanaise en échange de concessions.
Selon certains rapports, il y aurait des signes positifs que les efforts de médiation internationale porteraient leurs fruits. Hochstein est de nouveau attendu dans la région dans les prochains jours, apparemment pour parvenir à une percée. Mais Sweidan se montre peu optimiste.
Israël exhorte les médiateurs à pousser le Hezbollah à dix kilomètres de profondeur sur le territoire libanais, au-delà du fleuve Litani. Jusqu’à présent, le groupe islamiste refuse de céder à ces exigences.
«Le problème est que la pression est asymétrique et ne vise qu’une partie du conflit [le Hezbollah], sans faire attention à l’autre [Israël]», déclare l’expert libanais. «Cette approche ne facilitera pas du tout une nouvelle issue... et cela signifie que la probabilité d’une guerre dépend de manière significative des actions israéliennes à la fois au Liban et à Gaza», ajoute-t-il.
Atalia Regev ne croit pas non plus aux efforts de médiation. Pour elle, le Hezbollah est un allié de l’Iran et aucun des deux ne reconnaît la présence israélienne dans la région.
«Nous devons créer une réalité dans laquelle le Hezbollah est repoussé au-delà du fleuve Litani. Nous avons besoin d’une bande de sécurité pour y déployer des troupes qui formeraient une sorte de zone tampon qui nous protégerait», estime Atalia.
Jusque-là, l'Israélienne restera loin de la frontière avec sa famille pour être «en sécurité».