L'UE retarde-t-elle son projet d'embargo sur le pétrole russe afin de ne pas favoriser Le Pen ?
L'Union européenne se préparerait à des négociations sur la cessation d'achat de pétrole à la Russie. Or, d'après le New York Times, les dirigeants européens différeraient celles-ci pour ne pas influencer la présidentielle française.
Selon le New York Times et l'AFP notamment, l'Union européenne (UE) envisage de cesser ses achats de pétrole à la Russie, afin de sanctionner celle-ci pour l'opération militaire qu'elle mène en Ukraine depuis fin février.
Les négociations officielles sur une telle mesure ainsi que sa mise en place devraient toutefois prendre du temps. Les deux médias évoquent des motifs différents à ces délais.
Selon plusieurs sources européennes citées par l'AFP, un embargo sur le pétrole russe reste une mesure «complexe» qui va prendre «plusieurs mois». «L'adoption de mesures sur le pétrole impose de déboucler les contrats existants, de trouver des alternatives et d'éviter leur contournement. Cela ne va pas se faire du jour au lendemain. Il faudra au moins plusieurs mois», a expliqué un responsable européen impliqué dans les discussions, selon l'AFP. «La Commission réfléchit aux options», a-t-il également indiqué à l'agence de presse, précisant que se trouvait parmi ces options le versement des paiements sur un compte bloqué.
Le New York Times rapporte de son côté qu'un élément politique rentrerait en compte dans le calendrier. «Les responsables [européens] préparent une interdiction progressive des importations de pétrole russe, mais la mesure ne sera lancée qu'après le second tour des élections françaises, au plus tôt». Selon le quotidien américain en effet, cette mesure punitive contre la Russie est depuis longtemps repoussée en raison de l'impact qu'elle pourrait avoir sur les prix de l'énergie dans les pays importateurs et, partant, de sa capacité à perturber la vie politique de ces sociétés.
La présidentielle française, en particulier, est évoquée par le NYT : «L'embargo de l'UE sera soumis à la négociation au plus tôt après le dernier tour de l'élection [présidentielle] française, le 24 avril, afin de s'assurer que l'impact sur les prix à la pompe n'alimente pas la candidate populiste Marine Le Pen et ne nuise pas aux chances de réélection du président Emmanuel Macron, ont déclaré des responsables», écrit le journal américain. Le timing, selon la même source, serait d'autant plus important que la Russie préparerait une «nouvelle offensive dans l'est de l'Ukraine» – reprenant des craintes exprimées par les autorités ukrainiennes ces derniers temps.
La rivale d'Emmanuel Macron a réagi, sur Twitter, aux allégations du New York Times au sujet de la campagne française – qui n'ont pas été confirmées pour le moment par un autre média. «Selon le [New York Times], "les négociations sur l’embargo de pétrole russe commenceront après le second tour de l’élection présidentielle, afin que la hausse des prix ne pénalise pas Emmanuel Macron." Quelle manipulation contre les Français ! Quel cynisme envers le peuple ukrainien !», a tweeté Marine Le Pen.
Selon le @nytimes, "les négociations sur l’embargo de pétrole russe commenceront après le second tour de l’élection présidentielle, afin que la hausse des prix ne pénalise pas Emmanuel Macron."
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) April 15, 2022
Quelle manipulation contre les Français ! Quel cynisme envers le peuple ukrainien ! pic.twitter.com/tksLH9hTD3
L'Union européenne, à l'instar notamment des Etats-Unis, a multiplié depuis le lancement de l'offensive russe en Ukraine les sanctions antirusses, visant des secteurs économiques mais également des individus. Le 8 avril, l'UE a décidé de cesser ses achats de charbon à la Russie, de fermer ses ports aux navires russes et d'interdire l'exportation de nombreux biens et technologies. De nouvelles sanctions ont été évoquées lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE le 11 avril, selon l'AFP. L'efficacité de ces sanctions est toutefois limitée par des contournements via des pays comme la Chine et l'Inde, et les Européens ont fait comprendre à ces deux pays qu'il sera «difficile pour l'UE d'accepter des partenaires qui sapent les sanctions», selon les précisions à l'AFP d'un diplomate européen.
Un embargo sur le pétrole russe serait, en tout état de cause, une mesure d'importance : la Russie exporte deux tiers de son pétrole dans l’UE. En 2021, elle a fourni 30% du brut et 15% des produits pétroliers achetés par l'UE.
Anticipant une baisse des livraisons d'énergies russes vers l'Ouest, le président russe Vladimir Poutine avait déclaré le 14 avril vouloir réorienter les exportations dans ce secteur de l'Europe vers l'Asie.