Canada : les banques peuvent geler les comptes des personnes soupçonnées de lien avec les blocages
Les banques peuvent désormais geler les comptes des personnes soupçonnées d'être liées au mouvement contre les restrictions, sans que la justice n'ait besoin d'intervenir. Une mesure qui vise à «assurer la sécurité des Canadiens» selon Justin Trudeau
Après avoir qualifié les manifestants du «Convoi de la liberté» de «minorité à la marge», puis avoir dénoncé un prétendu «racisme» au sein du mouvement, Justin Trudeau a radicalement changé de stratégie face aux manifestants le 14 février. Le Premier ministre libéral a en effet pris une mesure sans précédent pour tenter de déloger les protestataires qui bloquent la capitale Ottawa depuis près de trois semaines, annonçant recourir à Loi sur les mesures d'urgence.
Et parmi les mesures les plus marquantes, il en est une qui sort du lot : sans avoir besoin d'une ordonnance du tribunal, les banques pourront désormais geler les comptes personnels de toute personne soupçonnée d'être liée aux manifestations.
«A partir d'aujourd'hui, une banque ou tout autre organisme financier, sera en mesure d'immédiatement geler ou suspendre un compte, sans décision de justice. Ils seront protégés de la responsabilité civile pour ces actions prises de bonne foi», a expliqué la ministre des Finances Christya Freeland au cours d'une conférence de presse.
«Les institutions gouvernementales fédérales vont avoir une nouvelle autorité élargie pour partager des informations pertinentes avec les banques», a-t-elle précisé.
This is literal madness.
— Greg Price (@greg_price11) February 14, 2022
Canada's Deputy Prime Minister says, under the Emergencies Act, banks can immediately freeze or suspend bank accounts without a court order and be protected from civil liability.
Is this still a free country? pic.twitter.com/IzAALIxzbB
«On n'accepte pas que les gens viennent endommager notre économie et faire mal, et brimer les libertés de leurs concitoyens par des manifestations illégales», a de son côté déclaré le Premier ministre canadien au cours de la même conférence de presse, visiblement insensible à l'ironie de la situation, après deux ans de restrictions au motif sanitaire. Le Premier ministre, qui a assuré que la portée de ces mesures serait «limitée dans le temps», «raisonnable et proportionnée» et souligné que l'armée ne serait pas déployée, a estimé que ces mesures sans précédent étaient nécessaires pour «assurer la sécurité des Canadiens, et protéger leurs emplois».
Indignation a géométrie variable pour Trudeau ?
Comme le souligne la BBC, les opposants au gouvernement n'ont pas manqué de mettre en lumière le faire que le Premier ministre avait exprimé son soutien aux agriculteurs indiens qui ont bloqué les principales autoroutes menant à New Delhi pendant un an en 2021, déclarant à l'époque : «Le Canada sera toujours là pour défendre le droit de manifester pacifiquement.»
C'est seulement la deuxième fois de l'histoire du Canada que la loi sur les mesures d'urgence est activée en temps de paix. La dernière fois remonte à la crise de 1970 quand Pierre Elliott Trudeau – le père de l'actuel Premier ministre qui était alors au pouvoir – l'avait invoquée après l'enlèvement par le Front de libération du Québec d'un attaché commercial britannique, James Richard Cross, et d'un ministre québécois, Pierre Laporte.