Tensions franco-maliennes : Bamako «n'exclut rien» dans ses relations avec Paris
Le ministre malien des Affaires étrangères a déclaré que son pays en crise avec la France «n'excluait rien» dans ses relations avec elle, tout en ajoutant qu'une demande de départ des forces françaises n'était pas envisagée «pour le moment».
«Le Mali non plus n'exclut rien par rapport à ces questions si ça ne prend pas en compte nos intérêts», a déclaré le chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop à Radio France internationale ce 28 janvier, en réaction à des propos de son homologue français Jean-Yves Le Drian. Celui-ci a récemment fait le constat d'une «rupture du cadre politique et du cadre militaire», devant la dégradation accélérée des rapports et la demande, par Bamako, du retrait des forces spéciales danoises.
Le Mali est prêt, dans le cas où Bamako jugerait que Paris ne «prend pas en compte» les intérêts maliens, à dénoncer l'accord de défense conclu avec la France, a précisé le ministre malien des Affaires étrangères, selon des propos rapportés par l'AFP. Il a de plus demandé récemment la révision à Paris de cet accord, parce que «certaines dispositions sont contraires à la Constitution et à la souveraineté du Mali». «Nous attendons une réponde rapide de Paris. A défaut de réponse assurez-vous [soyez assurés] que le Mali s'assumera», a-t-il ajouté.
Quant à demander le départ des troupes françaises comme les militaires au pouvoir l'ont fait avec les forces spéciales danoises, «cette question n'est pas pour le moment sur la table», a déclaré le ministre. Cependant, «si une présence à un moment donné est jugée contraire aux intérêts du Mali, nous n'hésiterons pas à nous assumer, mais nous n'en sommes pas là», a précisé Abdoulaye Diop.
Le Drian accuse les militaires au pouvoir d'«illégitimité»
Plus tôt ce 28 janvier sur la radio RTL, Jean-Yves Le Drian a notamment reproché aux militaires au pouvoir de manquer de légitimité. «C'est la junte [...] qui [a] pris le pouvoir et qui [a] fait un double coup d'Etat depuis août 2020 qui est illégitime», a ainsi déclaré le chef de la diplomatie française, reprochant au gouvernement malien sa volonté de reporter l'organisation des élections au nom de considérations sécuritaires.
«Il y a un autre aspect très préoccupant, [c'est] la rupture du cadre militaire, on voit le Mali faire appel à une milice privée russe proche de Poutine qui se sert directement sur les ressources propres du Mali», a également accusé Jean-Yves Le Drian en dépit d'un récent démenti de Bamako concernant un déploiement de la société de sécurité privée Wagner. En décembre dernier, le ministère russe des Affaires étrangères avait accusé les Occidentaux «d'hystérie» à ce sujet, rappelant en outre que «les entreprises militaires privées ne sont pas contrôlées par les autorités [étatiques russes]».
Tensions au plus fort entre Paris et Bamako
Les tensions se sont récemment encore accrues entre Paris et Bamako. Le 26 janvier, le ministre et porte-parole du gouvernement malien Abdoulaye Maïga a ainsi donné pour «conseil» de se taire à la ministre française des Armées Florence Parly, après que celle-ci a accusé les autorités maliennes de multiplier les «provocations».
Pour rappel, les relations entre Paris et Bamako se sont détériorées depuis que les militaires au pouvoir ont décidé de repousser la date prévue des élections qui auraient ramené les civils à la tête du Mali. Ils ont fait valoir qu'il était actuellement impossible d'appeler les Maliens aux urnes du fait de l'insécurité persistante sur un territoire dont les deux tiers échappent au contrôle des autorités. Les militaires au pouvoir réclament le temps de mener à bien des réformes essentielles selon eux et d'organiser des élections incontestables. Outre la France, la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) a réagi à cette décision, en infligeant de sévères sanctions au Mali.