Turquie : violences contre des Syriens après la mort d'un Turc attaqué au couteau par un migrant
- Avec AFP
A Ankara, des logements et des magasins syriens ont été attaqués après la mort d'un jeune Turc poignardé par un migrant présenté comme Syrien par les médias locaux. La police a arrêté 148 personnes soupçonnées d'être liées à ces violences.
La tension monte en Turquie autour de la présence de migrants dans le pays après un meurtre attribué à un migrant syrien : à Ankara, la capitale administrative, la police a arrêté 148 individus en lien avec des attaques visant la communauté syrienne, tandis que l'hostilité envers les immigrés illégaux prend de l'ampleur dans le débat public.
Dans la soirée du 11 août, une foule a pris d'assaut des boutiques, des véhicules et au moins un logement appartenant à des Syriens dans le district d'Altindag, à Ankara. Une partie des habitants originaires de Syrie ont été évacués du quartier, où les réfugiés issus de ce pays voisin sont nombreux, tandis que d’autres restent terrés chez eux dans la peur de nouvelles violences, explique RFI.
Selon la radio publique, des images diffusées à la télévision turque montrent des centaines de personnes attaquant des devantures de magasins, certaines d'entre elles déclarant «Nous ne voulons pas des Syriens». Dans une autre vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, on peut voir un groupe d'hommes en train d'arracher le rideau métallique d'une épicerie avant d'en fracasser la vitrine et de la piller.
Sur une des photos obtenues par l'AFP, un homme brise la fenêtre d'un appartement situé au rez-de-chaussée à l'aide d'un pieu. Le Croissant-Rouge turc a déclaré qu'un enfant syrien avait été hospitalisé après avoir été blessé par une pierre lancée contre le logement occupé par sa famille.
Le 12 août, la police turque a arrêté 76 individus soupçonnés d'avoir encouragé ou pris part à l'attaque, puis 72 autres le lendemain, recherchés «pour avoir partagé sur les réseaux sociaux des contenus à des fins de provocation ou pour d'autres délits». Ces arrestations portent donc à 148 le nombre des personnes détenues dans le cadre de l'enquête sur ces violences visant la communauté syrienne.
Un Turc poignardé par un individu présenté comme Syrien
Ces incidents sont intervenus après la mort d'un jeune Turc, décédé après avoir été poignardé le 10 août au cours d'une rixe entre deux groupes, des internautes et des médias présentant l'auteur des coups de couteau comme un Syrien.
L'agence de presse turque Anadolu a rapporté que deux ressortissants étrangers accusés d'homicide volontaire avaient été arrêtés, sans préciser alors leur nationalité. Dans une dépêche plus récente, l'agence a toutefois indiqué que la victime avait été poignardée «par un ressortissant syrien».
La Turquie accueille près de quatre millions de migrants syriens et a plusieurs fois été secouée par des accès de fièvre contre les étrangers ces dernières années, souvent déclenchés par des rumeurs se propageant sur les réseaux sociaux et les applications de messagerie instantanée.
Un contexte d'hostilité envers les migrants
L'émeute dans la capitale turque s'inscrit dans un contexte d'intensification du discours contre les migrants sur fond d'afflux d'immigrés clandestins afghans fuyant l'avancée des Taliban dans leur pays, mais aussi de dégradation de la situation économique en Turquie comme l'analyse RFI, rappelant que le hashtag #JeNeVeuxPasdeRéfugiésDansMonPays y revient régulièrement en tête des sujets les plus partagés sur Twitter.
Plusieurs tweets et articles ont par exemple affirmé que des réfugiés afghans avaient hissé le drapeau de leur pays dans plusieurs villes de Turquie, des allégations cependant démenties par le site de vérification turc Teyit.
Des supporters du club de football stambouliote de Besiktas ont par ailleurs scandé le 13 août «Nous ne voulons pas de réfugiés dans le pays !» lors du match d'ouverture du championnat turc.
Beşiktaş taraftarından tepki: "Ülkede mülteci istemiyoruz!" pic.twitter.com/4O8BOSFTQJ
— Aykırı (@aykiricomtr) August 13, 2021
Des opposants au président Recep Tayyip Erdogan ont aussi multiplié les accusations de «laxisme» sur la question migratoire et le principal rival du chef de l'Etat, Kemal Kiliçdaroglu, a promis le mois dernier de «renvoyer les Syriens dans leur pays» si son parti remportait les prochaines élections, prévues en 2023.