Loi contre l'homophobie : Draghi invoque la laïcité pour rejeter la demande du Vatican

Loi contre l'homophobie : Draghi invoque la laïcité pour rejeter la demande du Vatican© Alberto PIZZOLI Source: AFP
Mario Draghi, peu de temps avant une conférence de presse le 22 juin 2021 à Rome (image d'illustration).
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Après une intervention inédite du Vatican dans le processus législatif italien demandant la modification d’un projet de loi contre l'homophobie, Mario Draghi a rejeté les doléances du Saint-Siège devant le Sénat italien le 23 juin.

Alors que le Vatican est intervenu de façon inédite dans le processus législatif italien en demandant dans une note la modification d’un projet de loi luttant contre l'homophobie – qui remettrait en cause le principe de libre organisation de l’Eglise –, Mario Draghi lui a répondu devant le Sénat le 23 juin, lors d'une séance de question au gouvernement.

«Nous sommes un Etat laïc, pas un Etat confessionnel. Le Parlement est évidemment libre de légiférer, de discuter», a ainsi lancé le chef du gouvernement italien. Sans évoquer explicitement le Saint-Siège, le président du Conseil italien a préféré se référer à la constitutionnalité des lois votées par le Parlement italien. «Notre système juridique contient toutes les garanties pour que les lois respectent toujours les principes constitutionnels et les engagements internationaux, y compris le Concordat avec l'Eglise», a-t-il notamment déclaré devant les sénateurs en précisant que le Parlement légiférait de façon légitime selon l'ordre institutionnel italien. 

Le Parlement au-dessus du Concordat selon Mario Draghi

Le président du Conseil a enfoncé le clou sous les ovations en citant la Cour constitutionnelle italienne qui, en 1998, avait affirmé que «la laïcité n’est pas l’indifférence de l'Etat vis-à-vis du phénomène religieux. La laïcité est la protection du pluralisme et des diversités culturelles.» Et de poursuivre que le 22 juin «l’Italie a souscrit avec seize autres pays européens à une déclaration commune dans laquelle s’expriment les préoccupations au sujet de la loi en Hongrie qui discrimine en fonction de l’orientation sexuelle».

Bien que se défendant de vouloir faire enfler la polémique, Mario Draghi a finalement opposé une fin de non-recevoir au Vatican en mettant en avant la prééminence du Parlement sur le Concordat. 

Si la mésentente persiste entre l’Etat italien et la Cité du Vatican, le Concordat prévoit normalement la convocation d’une commission paritaire entre les deux parties en vue de résoudre le différend.

Dans sa note, le Vatican affirmait que certaines parties du projet de loi contreviennent au Concordat en vigueur entre l'Italie et le Saint-Siège, car elles «réduisent la liberté de l'Eglise catholique» en matière d'organisation et d'exercice du culte, ainsi que «la pleine liberté» d'expression et de pensée consentie aux fidèles et aux associations catholiques. 

«Le Parlement est souverain» a martelé le président de la Chambre

Les parlementaires italiens avaient diversement réagi durant la journée du 22 juin, mais le président de la Chambre, Roberto Fico (Mouvement 5 Etoiles) s’est indigné en dénonçant une «ingérence» du Vatican. Roberto Fico a fermement souligné que «le Parlement est souverain, les parlementaires décident de façon indépendante. Le projet de loi Zan est déjà passé à la Chambre, en ce moment au Sénat, il fait son chemin et nous nous n’acceptons pas d’ingérences. Le Parlement est souverain et le reste.» D’autres voix telles que celles d’Antonio Tajani (Forza Italia, droite libérale) et de Matteo Salvini (Ligue) ont estimé que l’intervention vaticane était légitime et qu’il fallait mettre le processus délibératif en pause afin de procéder à une révision du texte. Enrico Letta (Parti démocrate, centre-gauche), plus modéré, s'est déclaré ouvert au dialogue tout en maintenant son soutien au projet de loi. Il a aussi indiqué sur son compte Twitter le 23 juin se reconnaître «complètement dans les paroles de Draghi au Parlement au sujet de la laïcité de l'Etat et sur le respect des garanties.»

 Il Corriere della Sera a de son côté énuméré les réactions d’artistes italiens qui ont utilisé les réseaux sociaux pour dénoncer l’intervention du Vatican en mettant en exergue les dettes du Saint-Siège ou la défense de la laïcité. Le rappeur Fedez a ainsi tweeté : «En résumé : le Vatican, qui a une dette estimée à 5 milliards d'euros de taxes foncières jamais payées depuis 2005 pour des structures COMMERCIALES, dit à l'Italie "regardez qu'avec le projet de loi Zan vous violez le Concordat".»

L’ancien président de la Conférence épiscopale italienne, le cardinal Camillo Ruini, a cependant réfuté toute ingérence de la part du Vatican dans une entrevue donnée à La Repubblica en arguant que «dans cette situation, défendre ses propres droits est un devoir et non une ingérence» en affirmant à son tour que le projet de loi violait les stipulations concordataires.

Pour rappel, le projet de loi Zan incluait notamment les écoles confessionnelles dans l’organisation d’une «Journée nationale contre l’homophobie » et des peines d'incarcération et d'amendes pour toute discrimination en fonction du sexe, de l'orientation sexuelle ou de l'expression de genre. La «note verbale» consignée à l’ambassade italienne du Vatican par l’entremise de Monseigneur Paul Richard Gallagher le 17 juin exprimait les inquiétudes de l’Eglise vis-à-vis de ses principes de libre organisation de son culte et de son ministère garantis par le Concordat qui régit les rapports entre l’Italie et le Vatican.

Le Saint-Siège estime de plus que les éventuelles poursuites pénales du projet de loi risqueraient de nuire au principe de «pleine liberté de réunion et de manifestation de pensée» des croyants, également garantie par le Concordat. Ce type d’intervention de l’Eglise est en réalité prévu depuis les Accords du Latran signés en 1929. Il à noter toutefois que les voix vaticanes soutenant l’intervention du Saint-Siège ne souhaitent pas une modification de fond du projet de loi mais uniquement formelle afin de se conformer aux stipulations concordataires.

La Curie divisée au sujet du projet de loi Zan et de la note verbale

La Curie n’est toutefois pas non plus unanime au sujet du projet de loi Zan. La «note verbale» consignée par la secrétairerie d’Etat a provoqué quelques remous du fait de sa nature inédite qui a mécontenté les soutiens du pape. La Repubblica évoque ainsi l’incapacité du pape François à suivre les actions de la secrétairerie d’Etat dans tous leurs détails et tenterait plutôt de ménager les divisions au sein de la Curie. Pour rappel, le pape François avait déjà répugné à s’immiscer sur un précédent projet de loi portant sur les unions civiles en 2016, exhortant la Curie à ne se préoccuper que des enjeux propres à la Cité du Vatican.

Le souverain pontife subit néanmoins de fortes pressions du monde ecclésiastique pour faire preuve de plus de véhémence sur certains thèmes sensibles qui contrediraient la doctrine catholique, notamment l’homosexualité. Un prélat cité par La Repubblica a résumé le paradoxe de la situation : «L'effet, pourtant, pourrait être une accélération [du vote] du projet de loi Zan sans laisser à chacun le temps nécessaire pour réfléchir.»

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