Nicaragua : sanctions de Washington après des arrestations d'opposants accusés de «vendre la patrie»
Après l'arrestation de plusieurs opposants au gouvernement sandiniste accusés par celui-ci de «vendre la patrie à l'étranger», Washington a infligé de nouvelles sanctions à quatre proches du président nicaraguayen Daniel Ortega.
Les Etats-Unis ont infligé le 9 juin des sanctions à quatre proches du président du Nicaragua Daniel Ortega, dont sa fille, après une vague d'arrestations d'opposants dont Washington et les Nations unies ont réclamé la libération immédiate.
Au total, sept opposants ont été arrêtés ces derniers jours au Nicaragua, à cinq mois de l'élection présidentielle qui se tiendra le 7 novembre. Dernier en date, l'ancien ministre des Affaires étrangères José Pallais a été interpellé pour «incitation à une intervention étrangère dans les affaires internes», pour «avoir demandé des interventions militaires» et pour avoir préparé des «actes de terrorisme et de déstabilisation», selon un communiqué de la présidence.
Simples opposants ou «vendeurs de la patrie» ?
Les autres opposants arrêtés sont quatre candidats potentiels à l'élection présidentielle de novembre, le politologue Félix Madariaga, l'économiste Juan Sebastian Chamorro, l'ex-diplomate Arturo Cruz et la journaliste Cristiana Chamorro, ainsi que le chef du patronat José Adan Aguerri et la militante de la société civile Violeta Granera. Tous sont accusés par le gouvernement sandiniste et ses soutiens d'appartenir à «un gang voulant vendre la patrie».
Selon la police citée par le site d'information nicaraguayen Nodal, Juan Sebastian Chamorro ferait l'objet d'une enquête pour avoir commis des actes qui «portent atteinte à l'indépendance, à la souveraineté et à l'autodétermination, incitent à l'ingérence étrangère dans les affaires intérieures, demandent des interventions militaires, s'organisent avec le financement de puissances étrangères pour commettre des actes de terrorisme et de déstabilisation».
Il est également accusé d'«avoir proposé et géré des blocus d'opérations économiques, commerciales et financières contre le pays et ses institutions, exigeant, prônant et applaudissant l'imposition de sanctions contre l'Etat du Nicaragua et ses citoyens, et portant atteinte aux intérêts suprêmes de la nation». Sa maison a été perquisitionnée par la police dans le cadre de la «loi pour la défense des droits du peuple à l'indépendance, à la souveraineté et à l'autodétermination pour la paix». Cette loi 1 055 déclare comme «traîtres à la patrie» ceux «qui mènent ou financent un coup d'Etat» ou demandent et applaudissent des sanctions contre l'Etat du Nicaragua et ses citoyens.
Le politologue Félix Maradiaga fait également l'objet d'une enquête du ministère public pour «incitation à l'ingérence étrangère dans les affaires intérieures». Il est accusé par le gouvernement sandiniste d'entretenir «des liens étroits avec le chef des paramilitaires colombiens», l'ancien président Alvaro Uribe (2002-2010). Il est aussi accusé d'avoir été l'un des «promoteurs des violences terroristes que le Nicaragua a subies entre avril et juillet 2018».
Washington qualifie Ortega de «dictateur»
Daniel Ortega, 75 ans dont 14 au pouvoir, pourrait briguer un quatrième mandat lors du scrutin de novembre. La première détenue de cette série d'arrestations, Cristiana Chamorro, assignée à résidence le 2 juin après son arrestation sous l'accusation de blanchiment d'argent, est considérée comme sa plus sérieuse rivale. Elle est la fille de Violeta Chamorro, qui avait dirigé le pays de 1990 à 1997.
Washington a estimé le 8 juin que ces arrestations démontraient que le président était un «dictateur», appelant la communauté internationale à «le traiter comme tel». «Les Etats-Unis appellent le président Daniel Ortega et le gouvernement du Nicaragua à libérer immédiatement les candidats à la présidentielle», «ainsi que les autres dirigeants de l'opposition et de la société civile qui ont été arrêtés au cours de la dernière semaine», a martelé le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.
Au total, 28 dirigeants et proches du pouvoir au Nicaragua sont désormais sous le coup de sanctions américaines, en plus de trois organisations, dont la police du pays. Le gouvernement nicaraguayen a réagi par un communiqué qualifiant ces sanctions de «mesures illégales, arbitraires, coercitives et unilatérales» qui confirment selon lui que les opposants détenus souhaitent «vendre la patrie» à l'étranger.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a réclamé lui aussi la libération des opposants ainsi que le «rétablissement de leurs droits», selon son porte-parole, Stéphane Dujarric.