L'Arménie accuse l'Azerbaïdjan de violation frontalière : Moscou appelle au respect du cessez-le-feu
L'Arménie a accusé l'Azerbaïdjan de s'être «infiltré» sur son sol et annoncé saisir une alliance militaire régionale dominée par la Russie. Moscou appelle au respect scrupuleux du cessez-le-feu mis en place sous son égide.
Nikol Pachinian a accusé le 13 mai l'armée azerbaïdjanaise d'avoir violé la frontière arménienne et de chercher à conquérir de nouveaux territoires, alors que le regain de tensions entre ces deux pays ennemis jurés inquiète la Russie, la France et les Etats-Unis. «C'est une infiltration subversive», a lancé le dirigeant arménien lors d'une réunion extraordinaire de son conseil de sécurité, selon des propos cités dans un communiqué officiel.
Il a affirmé que les troupes azerbaïdjanaises s'étaient avancées de trois kilomètres à l'intérieur des frontières arméniennes au sud et qu'elles voulaient «faire le siège» du lac Sev, partagé entre les deux pays.
Si selon lui ces tensions doivent être réglées par voie diplomatique, Nikol Pachinian a annoncé que l'armée arménienne avait tout de même réagi au moyen de «manœuvres tactiques appropriées».
Bakou a rejeté ces accusations, qualifiées de «provocatrices» et «ahurissantes», estimant que les manœuvres avaient eu lieu sur son propre territoire et que sa diplomatie était «attaché[e] à apaiser les tensions dans la région». «Les gardes-frontières prennent des positions qui appartiennent à l'Azerbaïdjan dans les districts de Latchine et Kalbajar», a réagi le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères dans un communiqué en fin de soirée, le 13 mai.
La Russie demande le respect scrupuleux du cessez-le-feu
Cette nouvelle passe d'armes entre les deux pays met à mal le fragile accord de cessez-le-feu conclu sous l'égide de la Russie en novembre 2020. Dans un communiqué du 14 mai, Moscou a fait savoir qu'à l’initiative de la partie arménienne, tard dans la nuit du 13 mai, le président russe avait eu une conversation téléphonique avec Nikol Pachinian. Celui-ci a en effet a annoncé ce 14 mai avoir saisi une alliance militaire régionale dominée par la Russie ainsi que sa décision de saisir l'Organisation du traité de la sécurité collective. Cet accord prévoit à son article 2 dans de tels cas des consultations en vue de mesures pour «écarter les menaces» pesant sur l'intégrité territoriale d'un Etat membre.
Lors de cet échange portant sur l'incident à la frontière, Vladimir Poutine a souligné la nécessité de respecter strictement l’ensemble des dispositions des déclarations des dirigeants russe, arménien et azéri du 9 novembre 2020 et du 11 janvier 2021, et la nécessité de respecter scrupuleusement le cessez-le-feu.
La partie russe a confirmé sa volonté de poursuivre ses efforts de médiation et ses échanges intenses avec Erevan et Bakou afin d’assurer la stabilité dans la région. Exprimant sa reconnaissance au président russe, Nikol Pachinian s’est prononcé en faveur d'un dialogue et d'une coopération constructifs pour résoudre tous les problèmes qui se posent, exclusivement à l’aide des moyens pacifiques politiques et diplomatiques.
Le 13 mai, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s'est pour sa part entretenu par téléphone avec son homologue azerbaïdjanais Djeyhoun Baïramov de «la détérioration de la situation» à la frontière entre Bakou et Erevan. Selon le ministère russe des Affaires étrangères, les deux diplomates ont souligné la «nécessité d'un respect strict du cessez-le-feu» et d'une résolution des incidents par voie diplomatique.
Contactés par l'AFP, les ministères arméniens de la Défense et des Affaires étrangères n'ont pas commenté les annonces de Nikol Pachinian. Ce dernier est actuellement Premier ministre par intérim jusqu'aux législatives anticipées du 20 juin prochain, depuis sa démission fin avril dernier. Au pouvoir depuis 2018, Nikol Pachinian est depuis sous la pression de l'opposition qui l'accuse de trahison.
La France soutient l'Arménie
Après les accusations de Pachinian, le président français Emmanuel Macron a insisté le 13 mai au soir sur «la nécessité d'un retrait immédiat des troupes azerbaïdjanaises du territoire arménien».
«Le président de la République a rappelé l'attachement de la France à l'intégrité territoriale de l'Arménie et marqué la nécessité d'un retrait immédiat des troupes azerbaïdjanaises du territoire arménien», a fait savoir la présidence française dans un communiqué.
Les Etats-Unis ont également exhorté l'Azerbaïdjan au retrait «immédiat» de ses troupes, la porte-parole du département d'Etat américain Jalina Porter déclarant que «les mouvements militaires dans des territoires disputés [étaient] irresponsables et [étaient] des provocations inutiles».
L'Azerbaïdjan et l'Arménie se sont affrontés à l'automne 2020 pour le contrôle de la région indépendantiste du Nagorny (Haut) Karabagh, un conflit qui s'est soldé par plus de 6 000 morts et une défaite d'Erevan qui a dû rétrocéder d'importants territoires à Bakou. Malgré un cessez-le-feu signé sous l'égide de Moscou et le déploiement de soldats de la paix russes, les tensions persistent dans la région. Le mois dernier, les deux pays se sont accusés mutuellement d'avoir ouvert le feu dans le Haut-Karabagh.
Région à majorité arménienne, le Haut-Karabagh avait fait sécession de l'Azerbaïdjan au moment de la dislocation de l'URSS, entraînant une première guerre ayant fait 30 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés.