Covid-19 : des scientifiques demandent une enquête sur un éventuel accident de laboratoire à Wuhan
Une vingtaine de scientifiques appellent à considérer sérieusement, parmi d'autres, l’hypothèse d'un accident dans le laboratoire chinois de Wuhan comme origine de la pandémie de Covid-19. Ils réclament une enquête «transparente et objective».
18 scientifiques ont co-signé un texte publié le 14 mai dans la revue Science, appelant à intensifier les enquêtes sur l'origine de la pandémie de Covid-19. Parmi les hypothèses sur lesquelles ils invitent à se pencher : celle d'un accident survenu dans l'Institut de virologie de Wuhan, en Chine, dont ils estiment qu'elle «reste viable», tout comme celle d'un «débordement zoonotique» naturel, ou en d'autres termes, un passage de l'animal à l'homme.
Ces experts travaillant aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Suisse estiment que «des recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour déterminer l'origine de la pandémie».
Une étude conjointe Chine-OMS jugée insatisfaisante
Les signataires évoquent ensuite une étude sur le sujet menée conjointement par la Chine et l'OMS dont les résultats ont été publiés en novembre dernier. Ils estiment que les deux théories évoquées dans l'étude (un accident de laboratoire et une dissémination par voie animale) «n'ont pas été considérées de manière équilibrée». «Seules 4 des 313 pages du rapport et de ses annexes abordaient la possibilité d'un accident de laboratoire», précisent les scientifique, avant de rappeler que le directeur général de l'OMS, Tedros Ghebreyesus, avait déclaré que «la prise en compte [...] des éléments en faveur d'un accident de laboratoire était insuffisante et a proposé de fournir des ressources supplémentaires pour évaluer pleinement cette possibilité».
En mars dernier, après le retour d'une mission de quatre semaines dans le laboratoire de Wuhan menée par l'OMS, Tedros Ghebreyesus avait en effet exprimé des doutes sur l'évaluation rendue – qui privilégiait l'hypothèse d'une transmission par l'animal et jugeait «improbable» une fuite en laboratoire – et avait appelé à «de nouvelles missions avec des experts spécialisés» pour enquêter sur cette hypothèse d'une fuite de laboratoire. La Chine a toujours nié cette possibilité, qui en revanche a été défendue avec force par l'administration américaine sous la présidence de Donald Trump, qui affirmait se baser sur les informations de ses services de renseignement, sans pour autant en apporter la preuve.
«Nous devons prendre au sérieux [toutes] les hypothèses jusqu'à ce que nous disposions de données suffisantes. Une enquête digne de ce nom doit être transparente, objective, fondée sur des données, faire appel à une large expertise, faire l'objet d'une surveillance indépendante et être gérée de manière responsable afin de minimiser l'impact des conflits d'intérêts», concluent les signataires.
Parmi eux se trouve le microbiologiste Ralph Baric, qui compte parmi les spécialistes des coronavirus et des mécanismes de franchissement des barrières d’espèces les plus réputés au monde, et qui a déjà collaboré avec l'Institut de virologie de Wuhan en 2015 pour créer un virus chimérique hautement pathogène pour l’homme sur la base d’un coronavirus de chauve-souris, comme le préciseLe Monde. Une autre signataire du texte, la biologiste Alina Chan, affirme qu'on ne peut pas trouver «un autre scientifique ayant une expertise plus directe», et ajoute : «A moins que nous ne parvenions à faire signer la lettre par Shi Zhengli», nommant la virologue à la tête du laboratoire de Wuhan.