Canada : devant la fronde, l'Ontario contraint de reculer sur de nouvelles restrictions anti-Covid
Le Premier ministre de la province la plus peuplée du Canada a dû reculer sur les restrictions qu'il avait annoncées pour lutter contre le Covid-19 devant les réactions hostiles des défenseurs des libertés, de l'opposition et de la police elle-même.
Vent de fronde contre les restrictions anti-Covid au Canada. Alors que de nouvelles mesures avaient été introduites dans l'Ontario pour tenter de juguler la pandémie, le Premier ministre de la province la plus peuplée du pays a dû faire marche arrière devant une montée des contestations. Doug Ford avait ordonné le 16 avril l'obligation pour les habitants de rester à leur domicile, un confinement en vigueur au moins jusqu'au 20 mai. La police recevait le même jour pour consigne de procéder à des interpellations aléatoires de passants afin de leur demander leur adresse et la raison de leur déplacement.
Attaque dangereuse contre les Ontariennes et Ontariens racisés
Mais ces mesures, qualifiées de «difficiles» par le chef du gouvernement local, ont été jugées excessives par l'opposition et les associations de défense des libertés. Michael Bryant, directeur général de l'Association canadienne des libertés civiles, a par exemple estimé auprès de Radio Canada que «les réponses du gouvernement à la pandémie se heurteront à des obstacles constitutionnels», en particulier «les contrôles aléatoires de la police».
Steven Del Duca, le chef de l'opposition dans l'Ontario, a déclaré que Doug Ford imposait la «loi martiale» et que cette décision était une «attaque dangereuse contre les Ontariennes et Ontariens racisés» qui seraient selon lui injustement ciblés par la police. Pour Joanna Baron, directrice générale de la Canadian Constitution Foundation citée par La Presse, «l’Ontario est sur le point de devenir un Etat policier».
Une partie de la police a refusé d'appliquer les consignes
Plusieurs services de police municipaux, notamment à Toronto, Ottawa, Hamilton, Windsor et dans au moins 19 autres localités ont déclaré dès le 16 avril qu'ils ne procéderaient pas à ces interpellations aléatoires de véhicules et d'individus, bien qu'ils en aient reçu le pouvoir, selon Reuters. «Le service de police de Toronto continuera de s'engager, d'éduquer et de faire respecter, mais nous ne ferons pas d'arrêts aléatoires de personnes ou de voitures», a par exemple expliqué la police locale sur Twitter, appuyée par le maire John Tory.
New emergency orders announced yesterday to help limit the spread of Covid-19 are now in effect. The Toronto Police Service will continue to engage, educate and enforce, but we will not be doing random stops of people or cars. 1/2
— Toronto Police (@TorontoPolice) April 17, 2021
Le 17 avril, une manifestation s'est déroulée à Toronto pour protester contre ces mesures, sans que la police ne prononce de contravention.
📹 VIDEO - #Canada : A #Toronto, manifestation anti-lockdown en cours, aucune contravention ni aucune arrestation n’ont été effectuées malgré le renforcement du pouvoir de la police d’appliquer l’ordonnance provinciale de maintien au domicile. pic.twitter.com/ZX0lzZZ65w
— FranceNews24 (@FranceNews24) April 17, 2021
Résultat, le Premier ministre Doug Ford a rapidement fait marche arrière, annonçant le 17 avril dans la soirée que désormais, les policiers pourraient interpeller des personnes uniquement s’ils ont des raisons de croire qu’elles participent à un événement public ou à un rassemblement social. «Les restrictions renforcées de l'Ontario ont toujours eu pour but d'empêcher les rassemblements massifs qui favorisent la propagation» du virus, a-t-il expliqué, revenant également sur sa décision de fermer les terrains de jeu.
Ontario’s enhanced restrictions were always intended to stop large gatherings where spread can happen.
— Doug Ford (@fordnation) April 17, 2021
Our regulations will be amended to allow playgrounds but gatherings outside will still be enforced. Play outside safely. Parents keep your distance & wear masks if you can’t.
Doug Ford a par ailleurs déclaré que les déplacements non essentiels en provenance des provinces voisines seraient interdits à partir du 19 avril. Sur ce point, la police de l'Ontario a déclaré qu'elle se préparait à appliquer cette ordonnance. Au cours des dernières semaines, l'Ontario a fermé des écoles et des restaurants, limité les achats en magasin et annulé les chirurgies non urgentes, car une vague d'admissions menaçait de submerger les hôpitaux. Le 16 avril, la province a également mis fin à certains travaux de construction, mais n'a pas fermé les entrepôts ou les usines.
L'Ontario, qui abrite 38% de la population canadienne, a enregistré 4 362 nouvelles infections le 17 avril, après un record de 4 812 cas le 16 avril. Le conseil scientifique sur le Covid-19 de l'Ontario estime qu’il y aura plus de 5 000 nouvelles infections quotidiennes à la fin du mois d’avril, selon le scénario le plus optimiste. Selon certaines projections, ce chiffre pourrait grimper à 10 000 contaminations par jour en juin, en l'absence de restrictions sanitaires plus strictes, rapporte Reuters.