Venezuela : Guaido invite Biden à «amplifier» les sanctions sources de dizaines de milliers de morts
Alors que des législatives sont prévues le 6 décembre au Venezuela, l'opposant Juan Guaido, qui les boycotte, a appelé Joe Biden à «amplifier» les sanctions qui avaient fait plus de 40 000 morts rien qu'entre 2017 et 2018, selon une étude.
Dans un entretien accordé à l'AFP paru le 1er décembre 2020, l'opposant vénézuélien Juan Guaido a dit espérer voir les sanctions américaines contre le Venezuela ratifiées, amplifiées et uniformisées par la future administration Biden et ses alliés européens. Ces sanctions ont pourtant fait des dizaines de milliers de morts depuis 2017, selon les estimations du centre de recherche économique et politique (CEPR).
Les sanctions privent les Vénézuéliens de médicaments vitaux, de matériel médical, de nourriture et d'autres biens essentiels importés
«Non seulement il faut les amplifier mais il faut aussi émettre des normes pour empêcher la dictature [de Maduro] de les contourner», a notamment déclaré Juan Guaido qui a décidé de boycotter les élections législatives du 6 décembre. Déterminé a conserver le soutien des Etats-Unis, l'opposant affirme avoir approché Joe Biden par l'intermédiaire de membres du Congrès américain afin de conserver le «soutien bipartite» des démocrates et des républicains. Il n'a cependant pas encore parlé directement au candidat démocrate – donné vainqueur du scrutin du 3 novembre par les grands médias américains – ou à son entourage.
De leur côté, les conseillers de Joe Biden ont déclaré qu'ils exploreraient les contacts directs avec Nicolas Maduro, rapporte l'AFP. «Ce serait une tragédie», avertit Juan Guaido, se rassurant néanmoins du fait que Joe Biden ait qualifié Nicolas Maduro de «dictateur».
Des sanctions qui font des dizaines de milliers de morts
Dans une étude publiée en mai 2019, le CEPR, basé à Washington, estimait que les sanctions économiques contre le Venezuela étaient responsables de dizaines de milliers de morts et évaluait à 40 000 le nombre de victimes de ces sanctions rien qu'entre 2017 et 2018.
«Les sanctions privent les Vénézuéliens de médicaments vitaux, de matériel médical, de nourriture et d'autres biens essentiels importés», expliquait Mark Weisbrot, co-directeur du CEPR et co-auteur du rapport. «C'est illégal selon la loi américaine, le droit international et les traités que les États-Unis ont signés. Le Congrès devrait faire quelque chose pour les arrêter», ajoute-t-il.
Des voix s'élèvent à cet égard aux Etats-Unis pour une prise de conscience des conséquences des sanctions économiques sur les populations des pays visés. En juillet 2020, sur proposition de la démocrate Tulsi Gabbard, la Chambre des représentants des Etats-Unis a adopté une disposition exigeant justement un rapport annuel sur l'impact humanitaire des sanctions américaines sur d'autres pays. Ce rapport devra être présenté au Congrès par l'administration.
«Le gouvernement vénézuélien est régulièrement blâmé pour toute la crise économique dans le pays», déclarait Jeffrey Sachs, co-auteur de l'étude du CEPR. «Mais c'est bien plus que ça. Les sanctions américaines visent délibérément à détruire l'économie vénézuélienne et donc à conduire à un changement de régime. C'est une politique infructueuse, impitoyable, illégale et ratée qui cause de sérieux dommages au peuple vénézuélien», déplore-t-il.
Des millions de personnes privées de soins
Parmi les conséquences des sanctions économiques mises en œuvre par l'administration Trump depuis août 2017, l'étude du CEPR notait la réduction de la disponibilité de la nourriture et des médicaments, ce qui entraînait l'augmentation des maladies et de la mortalité. A titre d'exemples, l'étude comptait environ 80 000 personnes séropositives qui n'avaient pas pu recevoir de traitement antirétroviral depuis 2017, 16 000 personnes qui avaient besoin de dialyse, 16 000 personnes atteintes de cancer ne disposant pas des traitements adéquats et 4 millions de personnes atteintes de diabète et d'hypertension, «dont beaucoup ne peuvent pas recevoir d'insuline ou de médicaments pour le traitement cardiovasculaire».
Les sanctions sont extrêmement étendues et ne contiennent pas suffisamment de mesures pour atténuer leur impact sur les couches les plus vulnérables de la population
Les sanctions d'août 2017 ont contribué, expliquait l'étude, à «une forte baisse de la production pétrolière [principale source de devise au Venezuela] qui a causé un grand préjudice à la population civile».
En mai 2019, le CEPR écrivait déjà que si ces sanctions étaient poursuivies, «elles entraîner[aient] des dizaines de milliers de décès supplémentaires qui pourraient être évités». Depuis, elles ont été renforcées régulièrement par l'administration Trump.
En août 2019, après de nouvelles sanctions contre le Venezuela, Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire des aux droits de l’homme à l'ONU, lançait également l'alerte. «Les sanctions sont extrêmement étendues et ne contiennent pas suffisamment de mesures pour atténuer leur impact sur les couches les plus vulnérables de la population», déplorait-elle dans une déclaration de presse. Elle craignait que les sanctions américaines n'aient de profondes répercussions sur les droits à la santé et à l'alimentation des Vénézuéliens en particulier, alors que ce pays d’Amérique du Sud était déjà confronté à de graves pénuries de produits de première nécessité.
Juan Guaido, président par intérim auto-proclamé du Venezuela et reconnu comme tel par 60 Etats dont les Etats-Unis et l'Union européenne, voit sa popularité fortement érodée dans son pays. Loin de rassembler l'opposition, il insiste sur la nécessité de «maintenir la pression internationale» qui apparaît comme son dernier espoir de peser politiquement dans son pays. En effet, une très grande partie de l'opposition participe aux élections législatives du 6 décembre. Sur les 14 400 candidats, 554 se présentent au nom du Grand pôle patriotique, du côté du gouvernement. Plus de 13 000 candidats se présentent donc en opposition au gouvernement de Nicolas Maduro.
De leur côté, à l'occasion d'un sommet virtuel, le 21 septembre, célébrant le 75e anniversaire de l'Organisation des nations unies (ONU), le président vénézuélien Nicolas Maduro et son ministre des Affaires étrangères, Jorge Arreaza, avaient lourdement critiqué les Etats-Unis, appelant le monde à lutter contre «l'hégémonie» américaine avant de dénoncer les sanctions américaines envers leur pays qui participent à l'asphyxie de l'économie vénézuélienne.
Meriem Laribi